Intervention de Général Bruno Maigret

Réunion du mercredi 12 juin 2019 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Bruno Maigret, commandant des forces aériennes stratégiques :

Monsieur le président Chassaigne, je réalise que mon exposé est un échec complet, puisque je n'ai pas réussi à vous convaincre que nous ne faisons tous de la dissuasion mais pas de la même manière : une force qui se voit, l'autre qui ne se voit pas...

En temps de paix la pertinence de la FOST repose sur la permanence à la mer ; la fonction de la composante aéroportée, c'est la démonstration de la crédibilité de la dissuasion. Les Britanniques ont cessé d'avoir une composante aéroportée en 1996, et leurs sous-mariniers sont les premiers à le regretter. Encore qu'il soit inexact de dire que le Royaume-Uni ne dispose d'aucune capacité de dissuasion aéroportée : l'OTAN possède une composante aéroportée et les Britanniques sont beaucoup plus impliqués que nous en ce domaine. Certes, le Royaume-Uni ne possède pas de tête nucléaire aéroportée, mais en cas de raid nucléaire de l'OTAN, ils pourraient y participer avec des moyens d'accompagnement.

Les systèmes d'armes français et britanniques équipant les composantes océaniques des deux pays ne sont pas totalement comparables. La coopération très étroite entre Américains et Britanniques permet à ces derniers de mettre en oeuvre un système dont les caractéristiques techniques sont différentes du nôtre : je n'entrerai pas dans les détails. Quant au budget de notre composante aéroportée, les crédits qui lui sont spécifiquement consacrés ne concernent que la mise en condition opérationnelle du missile et les infrastructures, le reste n'étant pas financé au titre de l'agrégat budgétaire nucléaire. En d'autres termes, la composante aéroportée représente une petite partie des crédits alloués à la dissuasion. Les dépenses dans ce domaine sont motivées par les impératifs opérationnels, et permettent à l'Armée de l'air, du fait de la dualité, de conserver son savoir-faire en termes de haute intensité.

Monsieur Furst, nous sommes parfaitement conscients qu'en cas de raid, tous les avions ne reviendront pas. Planifier un raid suppose de se demander : que voulons-nous détruire ? Quelle est la probabilité d'attrition de nos missiles ? Quelle est la probabilité du bon fonctionnement de nos missiles ? C'est le produit de ces probabilités qui déterminera le nombre d'avions qui devront décoller.

S'agissant de la préparation mentale et psychologique de nos équipages, il est évident que si nous leur disons, le 12 juin 2019, que la chasse va décoller pour tirer sur un objectif, bien évidemment, ce sera très difficile pour eux. Mais ce n'est pas comme cela que ça se passera. Si l'ordre est donné, cela voudra dire que nous serons entrés dans un autre monde : la survie de la France sera en jeu. Nous serons en juin 1940. Si nous avions possédé l'arme nucléaire à cette époque, la France s'en serait-elle servie contre le régime nazi ? Probablement. Quoi qu'il en soit, je peux vous certifier que les équipages des FAS sont aujourd'hui parfaitement aguerris, et totalement conscients de leurs responsabilités vis-à-vis de la Nation et de l'Autorité politique.

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