Intervention de Joël Barre

Réunion du mardi 2 juillet 2019 à 17h05
Commission de la défense nationale et des forces armées

Joël Barre, délégué général pour l'armement :

Je peux commencer par la fin, pour faire plaisir au président Chassaigne. Votre question rejoint celle de Mme Natalia Pouzyreff. Je pense effectivement que nous ne pouvons pas coopérer à l'échelle européenne, comme nous essayons notamment de le faire avec les Allemands et les Britanniques, sans nous mettre d'accord, suffisamment tôt dans le développement de ces programmes, sur les règles d'exportation que nous allons adopter de manière commune. Je ne pense pas que cela puisse ou doive se faire à l'échelle européenne, car il serait très difficile d'arriver à un consensus entre les différents États. Par ailleurs, je suppose que cela impliquerait un nivellement des règles par le bas.

Je ne pense pas que la France, qui a exporté pour un peu plus de 9 milliards d'euros en 2018, dont 25 % en Europe – une proportion qui ne dépassait pas 10 % il y a quelque temps encore – ait intérêt à ce que la question de l'exportabilité soit gérée à 27 ou à 27+1. Nous avons tout intérêt à ce que la règle du jeu soit clairement établie, en particulier avec les Allemands, puisque c'est avec eux que nous travaillons sur les grands programmes en cours. Nous pourrons ainsi nous lancer dans des développements et des réalisations en commun, avec des règles du jeu claires.

Vous me demandez si ces règles sont claires à l'heure actuelle. Des discussions sont en cours au plus haut niveau politique entre nos deux pays, qui font suite au traité d'Aix-la-Chapelle. J'espère qu'elles vont déboucher sur un accord avec nos amis allemands et que nous pourrons intégrer ces règles, une fois qu'elles auront été définies, dans les accords de coopération de réalisation de nos grands programmes. S'agissant de l'avion de combat du futur et du char de combat du futur, il n'y a pas d'urgence, puisque nous ne fournirons ces matériels qu'à l'horizon 2040. Il faut néanmoins que ces règles du jeu soient clairement établies lorsque nous lancerons définitivement le développement, puis la réalisation, de ces projets. Il faut y arriver, et j'espère bien que nous y arriverons. La DGA apporte évidemment son expertise technique mais il y a, comme chacun sait, une forte dimension politique dans ces discussions, qui sont menées par la Présidence de la République et le Gouvernement.

Certains d'entre vous m'ont interpellé au sujet des délais de licence d'exportation. Il est vrai que la DGA a eu, dans ce domaine, des difficultés en termes de ressources humaines et que les industriels se sont plaints à nous des délais associés. Nous avons renouvelé et renforcé notre équipe et j'espère que, dorénavant, ce genre de problème ne se reproduira pas.

J'en viens à l'Eurodrone, qui est un sujet important. Nous n'allons pas refaire l'histoire : le choix de l'équiper de deux moteurs a été fait en 2017. Cette caractéristique lui donnera effectivement une plus grande capacité d'intégration dans la circulation aérienne. Du reste, au-delà de l'Eurodrone, la question de la circulation aérienne des drones doit être envisagée de manière plus globale et elle fait déjà l'objet d'une étude de la part de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC).

La phase de définition de l'Eurodrone s'est achevée au début de l'année 2019 et nous devons maintenant passer à la phase de réalisation. Le problème que nous avons actuellement avec l'industrie est un simple problème de négociation du contrat de réalisation correspondant. Nous devons déterminer le coût, pour les États coopérants, du développement et de la réalisation de ce drone. Nous sommes en phase de négociation et nous avons jusqu'à la fin de l'année pour trouver un accord : j'espère bien que nous y arriverons.

L'Eurodrone est certes destiné à l'exportation, mais notre principal objectif, en développant ce projet, est de doter nos propres armées d'un système autonome souverain européen. L'Eurodrone remplacera le Reaper, que nous achetons à General Atomics et qui, pour décoller et pour atterrir, au Mali ou ailleurs, doit être mis en oeuvre par l'industrie américaine. Le premier objectif de l'Eurodrone est d'assurer notre autonomie et notre souveraineté. Je note, au passage, que ses performances sont très supérieures à celles du Reaper. Méfions-nous : quand nous comparons le Reaper et l'Eurodrone, nous ne comparons pas le même type de performance. Leurs masses ne sont pas les mêmes et leurs capacités en termes de charge utile de renseignement ne le sont pas non plus.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé au sujet des satellites. Vous m'avez demandé, Madame Dubois, si nous pouvions repérer et intercepter des missiles. Nous ne le pouvons pas. Nous avons effectivement mené dans le passé des expérimentations en matière de détection de départs de missiles : vous avez cité le projet SPIRALE, qui remonte effectivement à une dizaine d'années. Il n'a pas eu de suite à ce stade et nous n'avons pas la capacité d'intercepter des missiles balistiques de longue portée. Nous avons des capacités de défense antimissile avec l'Aster, mais nous n'avons pas de système antimissile avec satellite et radar très longue portée. C'est l'un des axes de notre politique spatiale et nous avons proposé une coopération à nos partenaires européens, y compris aux Allemands. À l'heure actuelle, toutefois, nous en sommes au stade des projets et il n'y a pas de programme en cours.

C'est un peu la même chose dans le domaine des satellites espions. Vous avez évoqué le satellite qui, il y a quelques mois, s'est approché de notre satellite de télécommunication Athena-Fidus en orbite géostationnaire. Le président de la République nous a demandé, lors de son discours de Brienne du 13 juillet 2018, de lui proposer une stratégie spatiale. Des travaux ont eu lieu sur le sujet et nous avons fait des propositions. Nous avons en particulier proposé de créer un programme de maîtrise de l'espace qui, dans l'immédiat, doit renforcer notre action de surveillance de l'espace. Il faut, en effet, commencer par surveiller et identifier : comme vous l'avez justement rappelé, nous n'avons pas immédiatement identifié le satellite qui s'approchait du nôtre. Il faut que nous consolidions et que nous développions nos capacités de surveillance de l'espace. Il faut aussi que nous décidions de nous doter de capacités d'action dans l'espace : nous avons proposé que ce volet soit inclus dans le programme de maîtrise de l'espace. Nous avons fait des propositions techniques, qui sont désormais soumises à la décision politique. Nous avons proposé aux Allemands de coopérer sur le sujet. Les Italiens sont également preneurs de ce genre d'initiative, mais tout cela reste à construire.

Vous m'avez interrogé aussi sur l'avancée du Guépard, que vous avez pu constater au Bourget. Il s'agit d'abord de répondre à un besoin capacitaire, puisque le Guépard est le premier hélicoptère interarmées léger (HIL) : il va remplacer cinq flottes actuellement en service, qui sont âgées et dont le maintien en conditions opérationnelles coûte cher à nos armées. Le Guépard, en arrivant deux ans plus tôt que prévu, va permettre de réduire ces dépenses de maintien en conditions opérationnelles, et surtout de doter l'armée de terre de moyens supplémentaires dès 2026 – au lieu de 2028. Ce projet va aussi permettre à Airbus Hélicopters de se présenter sur le marché à l'export de manière anticipée. Pour ne rien vous cacher, nous avons négocié pied à pied l'aspect financier de la chose et je considère que nous sommes arrivés, avec l'industrie, à un bon accord. Ce projet représente à la fois une avancée capacitaire, une possibilité d'exportation et un gain financier pour la puissance publique que nous représentons.

Monsieur Cubertafon, votre question sur les armes de petit calibre était très technique et je ne suis pas sûr d'avoir tous les éléments pour vous répondre immédiatement.

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