Intervention de Patrick Mignola

Réunion du lundi 15 juillet 2019 à 15h05
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Mignola, rapporteur :

Depuis de nombreux mois, nous avons effectivement réalisé un gros travail en commun avec de la Haute Assemblée et tous les groupes de l'Assemblée nationale parce qu'il était important que nous puissions avoir une transposition rapide de cette directive. Néanmoins, je ne crois pas que nous ayons confondu vitesse et précipitation ; nous avons plutôt travaillé dans l'anticipation.

Comme le président l'a rappelé, nous avons travaillé en parfaite intelligence avec David Assouline au Sénat car nous poursuivons le même objectif de reconnaissance d'un droit voisin du droit d'auteur et nous avions déjà beaucoup avancé en partenariat avec le Parlement européen. En outre, le président de notre commission et la présidente de la commission homologue du Sénat ont également beaucoup travaillé ensemble. Nous avons essayé de mener un travail vraiment collaboratif pour faire oeuvre commune.

Lors de la première lecture, dix des quinze articles de la proposition de loi du Sénat ont été adoptés conformes. Je vais vous rappeler les modifications les plus substantielles que nous avions apportées au texte.

Sur proposition de Mmes Frédérique Dumas, Constance Le Grip, Sylvia Pinel et Jeanine Dubié, nous avons créé un article afin d'exclure les actes d'hyperlien ainsi que les mots isolés et les très courts extraits d'une publication de presse du champ de la protection du droit voisin des éditeurs et agences de presse.

À l'initiative de Sylvie Tolmont, il a été précisé en séance publique que l'efficacité des droits voisins peut être affectée lorsque l'utilisation de très courts extraits se substitue à la publication de presse elle-même ou dispense le lecteur de s'y référer.

Sur proposition de Mmes Constance Le Grip, Aurore Bergé et Fannette Charvier, la durée de protection du droit voisin des éditeurs et agences de presse a été fixée à deux ans, conformément à la directive.

À l'initiative de Mmes Frédérique Dumas, Constance Le Grip, Sylvia Pinel, Jeanine Dubié, Aurore Bergé et Sylvie Tolmont, les notions d'éditeur de presse et d'agence de presse ont été précisées.

Sur une proposition large des groupes de la majorité, nous avions travaillé sur des obligations de transparence pour les opérateurs numériques regroupés sous l'appellation générique « GAFA » (Google, Apple, Facebook et Amazon). Cette obligation est fondamentale parce qu'elle permet de définir les modalités de calcul de l'assiette à partir de laquelle pourra être négocié le droit voisin au bénéfice des éditeurs et agences de presse – et donc des journalistes. Nous avions pu définir également l'assiette en elle-même et sa composition ; le Sénat a précisé depuis ce dispositif de façon judicieuse.

Enfin, nous avons pu définir ensemble un mécanisme de secours au cas où les éditeurs et agences de presse ne s'entendraient pas avec les principaux concernés, c'est-à-dire les journalistes, qui produisent les informations et articles de presse, sur la part qu'il convient de leur rétrocéder au titre des droits voisins. C'est l'honneur de l'Assemblée nationale d'avoir contribué à inscrire ce mécanisme dans la loi.

En deuxième lecture, le Sénat a approuvé toutes ces avancées et a émis un vote conforme sur tous les articles, à l'exception de l'article 3.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat a adopté un premier amendement tendant à conforter la place des agences de presse en tant que bénéficiaires du nouveau droit voisin, en précisant expressément, si besoin en était, que les publications de presse peuvent comprendre des photographies ou des vidéogrammes et que l'autorisation de l'éditeur ou de l'agence de presse titulaire du droit voisin est requise en cas de reprise totale ou partielle de ses publications de presse par un service de communication au public en ligne.

Un deuxième amendement a ajouté que, s'agissant des journalistes non-salariés, il reviendra, d'une part, aux organisations professionnelles représentatives des éditeurs et agences de presse, et, d'autre part, aux organisations professionnelles d'auteurs ou aux organismes de gestion collective, de négocier un accord spécifique déterminant cette part de rémunération rétrocédée.

Enfin, deux derniers amendements ont indiqué que la fixation du montant de la rémunération des éditeurs et agences de presse au titre de leurs nouveaux droits voisins devra prendre en compte des éléments tels que les investissements humains, matériels et financiers réalisés par eux, la contribution des publications de presse à l'information politique et générale – IPG – ou encore l'importance de l'utilisation de ces publications par les services de communication au public en ligne, autrement dit l'audience.

Ces critères ne sont pas exclusifs les uns des autres et non nécessairement cumulatifs. Ils ne sont pas trop précis, ce qui aurait nui au texte ; ils n'excluent aucune famille de presse de la répartition des revenus issus des droits voisins. Sur la base de ces trois critères – l'audience, les investissements, la participation au débat public –, la répartition sera clarifiée pour tous les intervenants, une fois la négociation établie avec les GAFA.

Ces propositions de David Assouline, adoptées à l'unanimité au Sénat, rejoignent très largement les débats que nous avions eus à l'Assemblée nationale. Tel que rédigé, l'article 3 peut donc être accepté par le plus grand nombre. Même si je ne préjuge en aucun cas de nos débats, je pense que, dans ces conditions, nous pourrions adopter ce texte en l'état.

Les modifications apportées par le Sénat sont importantes, utiles et en adéquation avec les préoccupations que nous avions exprimées en première lecture. Si nous le votions en l'état, nous donnerions immédiatement force de loi à cette transposition de la directive européenne et nous ferions ainsi gagner un temps précieux à l'ensemble des acteurs dans la mesure où il s'agit d'un droit culturel dans son esprit, mais d'un droit économique dans son application : dans ces conditions, le temps perdu avant l'ouverture des négociations entre les différents acteurs – qu'il se compte en semaines, en mois ou en années –, se traduira en perte de chiffre d'affaires proportionnelle pour le monde de la presse et pour les journalistes.

Dans notre pays, nous avons coutume de dire qu'il n'est pas possible de faire à la fois vite et bien. Nous pourrions prouver que la représentation nationale peut travailler très vite et très bien. C'est ce que je vous propose.

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