Intervention de Frédérique Meunier

Réunion du lundi 15 juillet 2019 à 15h05
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Meunier :

Pour rappel, le nouvel article 21 de la loi Bichet donne à l'ARCEP la possibilité de prendre des mesures provisoires pour assurer la continuité de la distribution de la presse IPG. Cet objectif général est louable et non contestable, et il n'y a pas d'innovation par rapport à la loi actuelle en vigueur.

Mais dans sa rédaction actuelle, cet article consacre explicitement la possibilité, pour l'ARCEP, de suspendre la résiliation des contrats entre les éditeurs et les sociétés agréées. Une telle disposition donnant un pouvoir discrétionnaire à une autorité de régulation est contraire au principe de la liberté d'entreprendre, composante de la liberté du commerce et de l'industrie, qui a reçu une protection constitutionnelle en 1982. Ce principe postule à la fois l'exercice d'une activité économique et la liberté de la concurrence.

En l'espèce, la jurisprudence de l'ARDP a d'ailleurs consacré très spécifiquement ce principe, dans sa décision du 10 janvier 2012, par laquelle elle refuse de rendre exécutoire une décision du CSMP prévoyant de suspendre provisoirement les transferts de titres entre les messageries de presse. L'ARDP a toutefois admis que, dans ce contexte, le CSMP pouvait être fondé, notamment au titre de sa fonction de régulation, à prendre une mesure conservatoire et provisoire afin d'éviter que le départ en chaîne d'éditeurs n'entraîne la défaillance de cet opérateur et une déstabilisation grave et brutale de la distribution de la presse. L'ARDP précise à cet égard qu'une telle mesure « pouvait donner au CSMP le temps nécessaire pour définir de nouvelles règles de préavis de départ qui prennent davantage en compte l'ancienneté de relations commerciales entre les parties », comme le prescrivent les dispositions du code de commerce et une jurisprudence bien établie.

Le CSMP a, dès lors, tiré les conclusions de ce refus et pris une décision, qui prévoit des délais de préavis allant de trois à douze mois. Ces délais de préavis n'ont jamais été infirmés par une décision de la cour d'appel et sont toujours en vigueur. Une seule décision visant une exception à caractère provisoire a été prise par la régulation et confirmée par la cour d'appel de Paris. Elle prévoit une suspension provisoire de six mois, qui a commencé le 5 mars 2018 et s'est terminée 4 septembre 2018.

Dans ces conditions, et compte tenu du cadre réglementaire en vigueur, la mention dans la loi de cette disposition pourrait se heurter à un principe constitutionnel qui a reçu une première reconnaissance en 2016 en faisant droit à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) du 7 janvier 2016 qui avait précisément pour objet le secteur de la distribution de la presse.

Il paraît donc opportun de conserver à cet article son caractère général, en écartant la mention spécifique des contrats liant les éditeurs aux sociétés de distribution agréées.

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