Intervention de Laurent Hénart

Réunion du mercredi 3 juillet 2019 à 11h10
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Laurent Hénart :

Merci, Madame la présidente. Je voudrais saluer les membres de la commission, vous remercier de votre accueil et dire évidemment le plaisir que j'ai de retrouver cette « maison », même si je n'ai jamais siégé dans cette commission.

Je voudrais simplement dire que je suis entré au conseil d'administration de VNF comme représentant des collectivités locales, en ma qualité de maire de Nancy. Ce n'est pas pour autant que je découvrais VNF et la voie d'eau. En effet, quand j'ai été élu député en 2002, j'ai animé le groupe d'études de l'Assemblée nationale sur la voie d'eau. Cela m'a permis de travailler, déjà à l'époque, sur ces questions.

La proximité que j'avais avec M. Jean-Louis Borloo et mon intérêt pour les questions de transports et d'infrastructures m'ont amené aussi à m'impliquer lors du Grenelle de l'environnement dans les débats sur le schéma national des infrastructures de transport. Je rappelle qu'il donnait pour la première fois une part majoritaire des financements envisagés aux infrastructures ferroviaires et fluviales par rapport à la route.

Et puis, il y a aussi mon expérience d'élu local, évidemment. Ma région est quadrillée par le réseau des canaux gérés par VNF. Très concrètement, cet opérateur est aussi un interlocuteur dans le développement du territoire. Voilà pour, peut-être, vous éclairer sur le lien que j'entretiens avec cette instance.

Quant à mes motivations, elles sont doubles. La première, c'est qu'un travail politique soit conduit au sein de VNF, à côté de celui mené par le directeur général. Il y a un directeur général de l'établissement. Je ne conçois pas la présidence du conseil d'administration comme une sorte de poste de « PDG », mais plutôt comme l'animation d'un conseil d'orientation et de surveillance qui doit, au sein de l'établissement, appuyer la direction générale ; travailler bien sûr, avec la tutelle et les ministères qui interviennent au conseil d'administration, à la vie de l'établissement ; travailler – vous l'avez rappelé – avec les milieux économiques concernés par la voie d'eau. Ils sont d'ailleurs représentés au sein du conseil d'administration, avec tout particulièrement aussi les collectivités locales.

Et puis, j'ai à coeur d'avoir des rapports, qui ne doublonnent pas ceux du directeur général, avec les partenaires sociaux ; ils doivent quand même, de mon point de vue, être réguliers. D'ailleurs, pour préparer cette audition à l'Assemblée et celle qui suivra au Sénat, j'ai reçu chacune des trois organisations syndicales représentatives pendant une journée, pour examiner avec elles si les éléments que j'avais en tête pouvaient rencontrer une forme d'écoute voire d'assentiment de leur part.

Pour moi, l'objectif est que le conseil d'administration puisse s'appuyer sur sa représentativité pour conduire un travail politique sur la voie d'eau. Ce qui veut dire un travail avec le Gouvernement ; ce qui veut dire un travail avec le Parlement, régulièrement ; ce qui veut dire aussi un travail avec l'Union européenne, puisque les voies d'eau concourent au développement des euro-corridors sur notre territoire national. Un projet comme celui du canal Seine-Nord Europe montre comment la politique de la voie d'eau en France s'intègre dans des schémas européens.

La deuxième de mes motivations est celle de la transition écologique. C'est un sujet que j'ai beaucoup développé, notamment en tant que maire. Nous avons adopté une feuille de route pour la transition écologique à l'échelle de la ville et de la métropole. Nous sommes très en avance sur ces questions.

Évidemment, les compétences de VNF coïncident complètement avec les problématiques et les chantiers de la transition écologique, qu'il s'agisse de la gestion de la ressource hydraulique, du transport de marchandises ou encore du développement territorial avec le tourisme et la valorisation des paysages et des sites. Il s'agit d'éléments essentiels du défi de la transition écologique. Je pense que VNF a toute sa place à y prendre.

Je ne vous rappelle pas le gabarit de l'établissement – sans mauvais jeu de mots : 6 700 km de voies, dont un tiers à grand gabarit, 4 300 agents et un budget qui oscille entre 450 et 500 millions d'euros – selon la bonne volonté du Gouvernement et la capacité du Parlement à l'aiguillonner et à faire évoluer certains montants en loi de finances. Voilà pour ce qui est de mes motivations.

La situation actuelle est, vous le savez, un peu « intercalaire ». L'idée de VNF, c'est celle d'un seul grand établissement pour gérer tous les aspects de la voie d'eau. Je crois que c'est une option d'avenir. Elle est récente et n'est mise en oeuvre que depuis quelques années. Cela veut dire qu'il faut arriver à « installer » VNF dans le paysage, à stabiliser le travail interne, et à faire en sorte que la LOM – que le Parlement vient d'étudier et d'adopter – puisse être mise en oeuvre de manière efficiente et optimale par l'établissement public. Il est là pour ça. Et puis surtout, il faut que l'on puisse s'inscrire dans la durée.

La difficulté est de concilier l'annualité budgétaire – parfois même, je pense que vous le savez mieux que moi, l'infra-annualité budgétaire puisqu'il arrive que les choses évoluent en cours d'exercice – avec le besoin de s'inscrire dans un temps long pour programmer des investissements dans des infrastructures aussi complexes que le réseau fluvial.

L'important pour moi est d'écarter l'idée de « dénavigation ». Je vous le dis très clairement – je ne l'ai pas dit aussi clairement dans mes réponses au questionnaire –, je n'entends pas être le président de la dénavigation de 10, 15, 20 ou 25 % du réseau. Je pense que d'autres que moi seraient sûrement plus efficaces pour le faire, et autrement qualifiés.

Je pense en outre que c'est un faux débat. Il a été introduit par le Conseil d'orientation des infrastructures, ou « commission Duron », avec l'idée qu'il faudrait dégager dans le fonctionnement de l'établissement des marges pour améliorer son investissement, et que pour se rapprocher des fameux 250 millions d'euros annuels nécessaires à la régénération du réseau, il faudrait faire des coupes massives dans le fonctionnement de l'établissement. D'où l'idée de dégrader complètement le service de navigation sur une partie du réseau.

C'est une position complètement virtuelle qui ne correspond pas à la réalité, pour deux raisons. La première, c'est que même si nous décidons de ne plus naviguer sur un canal, il est intégré au paysage. C'est un ouvrage dont nous avons la charge et qui participe à la gestion de la ressource hydraulique. Bref, il faut quand même s'en occuper. L'impact sur le fonctionnement n'est pas du tout ce qu'imaginait la « commission Duron ».

Deuxième élément qui pour moi fait la virtualité de l'exercice, c'est que je pense que l'on peut travailler sur l'accroissement des recettes de VNF. D'ailleurs, le Parlement l'a fait en nous permettant de bénéficier de crédits de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). On reviendra sûrement sur le financement et l'évolution de la taxe en redevance. Des pistes existent qui permettraient de consolider les recettes, et donc de faire en sorte que nous puissions tout doucement – quand je dis tout doucement, mon espoir est à trois ans, pour être tout à fait concret – nous approcher des 250 millions d'euros annuels d'investissements qui permettraient la régénération du réseau.

J'attire l'attention de la commission – mais le directeur général le ferait encore plus brillamment que moi – sur le fait que cela demande évidemment une réorganisation des services. Aujourd'hui, pour la maîtrise d'ouvrage – c'est un sujet que tous ceux qui ont une expérience locale connaissent aussi bien que moi –, il ne suffit pas de disposer de crédits d'investissement ; il faut pouvoir concevoir, organiser, diligenter et exécuter les chantiers. De ce point de vue, la maîtrise d'ouvrage au sein de VNF doit être réorganisée pour permettre la montée en puissance de l'investissement.

Aujourd'hui, le système de maîtrise d'ouvrage est « taillé » pour 100 à 120 millions d'euros d'investissement. Si l'objectif est de doubler et d'atteindre la cote de régénération envisagée, il va quand même falloir envisager des évolutions en interne. Vous l'avez compris, il ne s'agit pas d'évolutions qui permettent de supprimer des postes, mais d'organiser autrement des effectifs que l'on veut constants au moins sur le sujet des études, des marchés et du pilotage des travaux. Voilà pour la question de la dénavigation.

Vous allez m'interroger : « Si vous l'écartez, qu'envisagez-vous éventuellement de faire à la place ? ». C'est une question tout à fait légitime. Je pense qu'il faut que l'on puisse avoir une analyse et une programmation par territoire. Nous avons déjà des conventions avec des collectivités locales : avec la région Bourgogne, avec l'Occitanie sur le Canal du midi qui est une ressource précieuse, avec les Hauts-de-France. Nous avons aussi des conventions avec des intercommunalités et des communes : Nancy et sa métropole, par exemple, mais ce n'est pas la seule.

Ces acteurs conventionnent avec VNF pour l'animation du réseau. Nous avons donc déjà un partenariat, mais il est aujourd'hui très morcelé. Il faudrait que nous puissions mettre en place une méthodologie de travail avec les collectivités locales, c'est-à-dire un cadre VNF État région agence de l'eau – la ressource hydraulique est fondamentale – qui permette de copiloter ensemble les études et les analyses, d'envisager les investissements et de poser in fine la question du fonctionnement.

Ce que je veux dire par là, c'est que nous devons pouvoir monter en puissance sur les investissements de VNF et gérer ensemble certains éléments du fonctionnement. Cela concerne évidemment les canaux de petit gabarit. Si l'on considère qu'ils doivent rester navigables – ce qui est, vous l'avez compris, la position que je défends – et que c'est une ressource qui doit s'accompagner d'une mise en valeur des autres formes de mobilité, notamment dans un esprit écologique et touristique, avec la randonnée cycliste ou pédestre, nous allons nous retrouver à parler avec les collectivités locales concernées de la façon dont nous sommes, ensemble, vigilants sur le site. Mon idée est qu'entre « tirer » des fibres, faire de la piste cyclable, faire de la piste de randonnée, faire du tourisme vert, développer la ruralité, et la navigabilité, il y a des intérêts convergents qui doivent nous conduire à être intelligents, ensemble, pour combiner les moyens de vigilance et de maintenance. Mais cela doit être le bout de la chaîne.

Je pense qu'au préalable, il faut avoir une analyse objective du réseau, dans laquelle VNF et l'État partagent les informations avec les collectivités locales sur l'état réel des choses et sur les investissements à conduire. Ensuite, nous programmerons ensemble les investissements et nous conviendrons, pas seulement du montage financier, mais surtout de l'ordre des facteurs dans lequel nous réaliserons le programme d'investissement. Évidemment, cela ne se fera pas en un jour ou en une année. Enfin, nous procéderons par grands bassins, par axes de canaux. Nous pouvons traiter la question de l'animation, de la vigilance et de la maintenance. Il s'agit de l'état d'esprit dans lequel je voudrais aborder les choses.

Je pense que nous avons besoin, de manière générale dans les politiques d'aménagement du territoire et d'écologie, de contrats entre l'État, ses opérateurs et les collectivités locales. C'est la seule manière de « coller » au terrain et d'avancer vite. Si nous voulons transformer les choses, nous devons passer le temps nécessaire à établir le contrat. Cela sera du temps gagné ensuite dans la mise en oeuvre des actions et dans l'animation de l'ensemble.

Pour ce qui concerne la profession de la batellerie, c'est évidemment la tutelle et les ministères qui sont en pointe sur ce sujet. Dans mes réponses au questionnaire, je souligne que VNF a une vision positive de l'évolution de la profession, telle qu'elle est souhaitée par les pouvoirs publics, et qu'évidemment, nous ferons tout pour l'accompagner. Nous sommes bien sûr attachés à la participation des professionnels au conseil d'administration et à leur participation aux groupes de travail internes. Ils sont quasiment toujours présents dans les groupes de travail que le directeur général organise au sein de la maison.

Je voudrais, pour terminer, dire quelques mots sur les éléments financiers, ressources humaines et les personnels.

Pour ce qui concerne les éléments financiers, je pense que l'établissement public doit bien évidemment participer à la rationalisation budgétaire de l'ensemble des services de l'État. Je ne trouve pas très cohérent d'avoir un plafond d'emplois qui serait a priori établi sur dix ans, alors que nous n'avons pas discuté du rythme auquel nous voulons diriger le programme de rénovation et du niveau de service que nous souhaitons avoir sur le réseau, point par point. Je pense qu'à un moment donné, un travail sera à mener avec la tutelle pour que le cadre financier défini soit un cadre évolutif.

Je suis favorable à ce que l'établissement fasse preuve de rigueur budgétaire. C'est une priorité, mais il faut aussi entendre que cette rigueur doit être intelligente dans sa répartition territoriale et dans son rythme de mise en oeuvre. Je reviendrai donc très sûrement régulièrement devant le Parlement pour que dans les débats budgétaires, puisse être entendu le point de vue de l'établissement.

Sur les ressources, vous le savez, nous bénéficions d'une première attribution de l'AFITF. Un travail devra être mené ensemble pour pérenniser et développer encore cette attribution. Le directeur général travaille sur l'obtention régulière et pérenne de crédits européens pour VNF qui permettrait d'accroître l'enveloppe dont l'établissement dispose.

Enfin, j'ai pour ma part un regard très positif et ambitieux sur la transformation de la taxe en redevance qui me paraît pouvoir apporter une ressource propre et pérenne à l'établissement, dont il aura besoin pour redonner de la stabilité à son programme d'investissements.

Pour terminer mon propos, la situation des personnels est complexe : des agents proviennent du ministère, se retrouvent dans un établissement public et représentent, sous statut public, presque 90 % de l'effectif de l'établissement ; 10 % d'agents privés répondent à d'autres cadres d'emploi et à d'autres logiques salariales. C'est une situation qui n'est pas simple à suivre pour le directeur général et son équipe. Je veux bien sûr les assurer de mon soutien. Le président n'est pas là pour être la cour d'appel de la première instance que serait la direction générale. Il est là pour offrir des temps de respiration dans le dialogue avec les syndicats. Il est là, éventuellement, pour examiner les points des revendications syndicales qui sont à défendre auprès de l'État, de la tutelle et sur lesquels on peut solliciter éventuellement l'intervention du Parlement. Mais il n'est aucunement là pour reprendre, corriger ou organiser la révision des positions de la direction générale de l'établissement.

Voilà ce que je voulais dire en quelques mots. J'ai repris des éléments qui figuraient déjà dans mes réponses au questionnaire écrit. J'essaie d'être mobile, mais pas au point de changer d'avis au bout de si peu de temps.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.