Intervention de Laurent Hénart

Réunion du mercredi 3 juillet 2019 à 11h10
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Laurent Hénart :

Je vais répondre évidemment à tous les orateurs sur le sujet des investissements et de la programmation d'opérations. Tout le monde m'a interrogé là-dessus, donc je vais tenter de faire une réponse globale.

Sur le report modal, j'attire l'attention de la commission – mais je suis sûr que vous le savez – sur la différence de la répartition modale entre les territoires où il y a de la voie d'eau à grand gabarit et les territoires où il n'y en a pas. Quand on parle d'un taux d'un peu plus de 2 %, on fait un total national. De mémoire, il y a 2 200 km de voies d'eau à grand gabarit, nous devons être à 30 000 kilomètres de voies ferroviaires dans le pays et nous sommes à plus d'un million de kilomètres de voies routières. Or aujourd'hui, c'est le grand gabarit qui peut prendre du fret sur le fluvial. Voici les ordres de grandeur : 2 200, 30 000, 1 100 000 km.

Quand nous regardons les bassins économiques et géographiques dans lesquels il existe du fluvial à grand gabarit, de la voie ferrée et de la route, nous nous apercevons que la part modale oscille entre 10 à 20 % pour le fret fluvial. Sur des secteurs plus proches de mon domicile, à savoir la Moselle et le Rhin, la part d'exportation – ce qui prouve aussi que la pratique est plus développée chez nos voisins et notamment sur tout le système Rhin-Danube – en fret fluvial se situe entre 30 et 40 %. Vous voyez derrière mon propos, les pistes possibles d'amélioration à long terme et à court terme.

À long terme, c'est évident : c'est le bon état du grand gabarit ou encore la conduite du projet Seine-Nord Europe dans les meilleurs délais. Je ne reviens pas sur ce qui a été dit sur la bonne nouvelle européenne que nous avons eue et sur le fait qu'un travail reste à faire et un combat à conduire pour que les financements s'assemblent et que notamment les financements d'État soient bien au rendez-vous aux côtés des financements européens et des concours envisagés par les collectivités locales pour accompagner le chantier, notamment sur ses aspects logistiques.

Il y a bien sûr le beau projet – mais qui arrivera après – de relier le bassin Rhin-Danube avec le Rhône. Certains sont favorables à la liaison Moselle-Saône, d'autres évoquent la liaison Rhin-Rhône. J'ai remarqué la présence du député du Jura qui, naturellement, pense au Rhin-Rhône. Vous savez qu'à un moment donné, il y avait l'idée de rapprocher les deux pour avoir un tronc commun et une descente du Rhin et de la Moselle vers ce tronc commun qui serait ensuite connecté à la Saône et au Rhône. Il est évident que cela manque aussi dans le réseau à grand gabarit français tel qu'il est actuellement. En effet, aujourd'hui, il y a nécessairement une rupture modale au bout de la Moselle et au bout du Rhin pour basculer sur d'autres modes de transport du fret.

« Qui trop embrasse mal étreint », c'est ma platitude du jour. Je propose que l'on essaye d'abord de traiter le projet Seine-Nord Europe pour ne pas trop effaroucher Bercy et que l'on se laisse le temps de travailler sur les projets Moselle-Saône et Rhin-Rhône, notamment pour au moins étudier le projet Moselle-Saône.

Des sujets environnementaux ont été soulevés au moment de l'examen du projet, et n'ont pas été levés, puisque toutes les études, toutes les analyses, tout n'a pas été conduit à son terme. Il ne faudrait pas que des considérations de protection de l'environnement fassent obstacle au développement d'un projet qui a pour but, lui aussi, de protéger l'environnement. Je pense que le sujet mériterait d'être étudié plus avant.

Il est dommage que la politique de contrats de plan État-région se soit enlisée avec le schéma national des infrastructures de transport et le programme d'investissement du Grenelle de l'environnement puisque tout était engagé là-dedans, au moins sur la phase d'étude et d'analyse. Cela nous aurait permis d'avoir un débat public peut-être un peu plus stabilisé. Est-ce que le Gouvernement estimera judicieux de remettre l'ouvrage sur le métier ? Je ne le sais pas, mais je suis prêt à plaider en ce sens.

En attendant que ces grands chantiers se déroulent, nous avons trois types de priorités d'investissement.

La première, c'est évidemment de régénérer les ouvrages : les barrages et les écluses. Cela permet d'ailleurs, de travailler sur les barrages, sur des aspects qui ont été évoqués et sur lesquels VNF est très volontaire, de création et de développement de l'énergie hydraulique, de micro-centrales, de production localisée et régionalisée, qui puissent être mis à disposition. Très clairement, la première priorité concerne le bassin de la Seine et celui du Rhin.

Ensuite, je pense à la numérisation du réseau d'exploitation, sujet qui est évidemment fondamental, puisqu'il permet d'automatiser une bonne partie des parcours, d'améliorer la vigilance puisqu'elle peut être exercée de manière instantanée, et d'avoir une approche beaucoup plus subtile et beaucoup plus fine du niveau de service à rendre sur chacune des voies.

Enfin, je le rappelle, le projet Seine-Nord Europe est en cours et c'est un projet pour lequel les arbitrages du Gouvernement – qui conviennent parfaitement à VNF – vont vers le 100 % public : c'est-à-dire que ce sera une structure VNF exploitée par VNF, dont la maintenance sera assurée par VNF et dont l'entretien sera assuré par VNF.

Sur le sujet particulier de l'Oise qui a été évoqué, les travaux sont programmés en 2020-2021 – je pense que vous le savez puisqu'une convention a été passée entre VNF et les collectivités locales. Les perspectives budgétaires, qui s'améliorent quand même pour l'investissement, nous permettent de dire que nous allons tenir ce délai. En tout cas, c'est ce que me dit le directeur général qui est prêt à se jeter dans le vide si d'aventure ce n'était pas le cas. (Sourires)

Globalement, sur les sujets relatifs au vélo, à la randonnée, à la gestion de l'eau, je crois sincèrement – pour vous parler franchement – qu'aujourd'hui VNF n'a pas tous les éléments pour donner une réponse détaillée et satisfaisante au Gouvernement, comme au Parlement.

D'abord, le travail avec les agences de l'eau se fait sous l'empire du concret, parfois de l'urgence, ce qui présente le défaut du cas par cas, d'où la démarche conventionnelle que je proposais : VNF État région agences de l'eau. Je pense que dès le départ, il faut que nous partions sur un diagnostic partagé. Nous déroulerons plus facilement les investissements communs, d'autant plus qu'il y a aussi du côté des agences de l'eau des crédits disponibles qui peuvent être mobilisés, voire parfois les combiner. C'est plus intelligent que de ne pas les rapprocher et d'avoir de ce fait des chantiers qui ne se passent pas bien ou ne se passent pas du tout. L'idée, sur le plan de la gestion de la ressource hydraulique, est d'avoir la capacité à travailler avec les agences de l'eau de manière programmatique. Ensuite, nous verrons comment nous déroulons les choses.

Les principaux obstacles au caractère cyclable des bords des canaux, vous les connaissez : parfois la sécurité, souvent l'état des chemins de halage, et puis le fait que nous devons concevoir les choses avec des haltes, des sites, des monuments à visiter. Très peu de personnes décident de faire des milliers de kilomètres à vélo sans jamais s'arrêter, en dormant à la belle étoile, sans jamais rien voir et sans jamais avoir aucun moment de convivialité…

Il est certain que le développement des pistes cyclables, comme des chemins de randonnée, autour de la voie d'eau doit s'intégrer dans un schéma de valorisation du patrimoine paysager et monumental et dans un schéma touristique. VNF ne peut pas le faire seul et ne peut d'ailleurs pas contribuer à le faire. L'idée est de travailler, là aussi, avec les régions, les départements et les intercommunalités. L'intérêt de cette convention est là.

Je rappelle que le potentiel est positif. Si VNF a accueilli avec beaucoup de bienveillance l'idée d'être en charge du développement du réseau cyclable en même temps que de son réseau de voies d'eau, c'est parce qu'aujourd'hui, 85 % des grandes routes cyclables sont à moins de cinq kilomètres des voies d'eau.

Nous devons pouvoir l'améliorer, le faire évoluer en travaillant ensemble, en mutualisant éventuellement des équipements et en ayant une vision commune sur les aspects de sécurité, de maintenance et d'entretien qui sont – vous le savez tous, pour ceux qui fréquentent de temps en temps un bord de canal ou de rivière canalisée – les principaux sujets du moment pour VNF.

Toujours sur les investissements, je souhaite aborder le sujet important des platanes. Sur le Canal du midi, nous irons évidemment au bout du programme. De manière plus globale, nous avons la volonté d'accompagner tous les travaux de rénovation du réseau et d'une politique systématique de plantation. Nous allons participer, à notre mesure, à la lutte contre le réchauffement climatique et contre les rejets de carbone. Les plantations d'arbres seront systématiquement envisagées avec les travaux de VNF sur son réseau.

En revanche, c'est moins clair pour tout ce qui peut toucher au volet touristique. Pour l'instant, nous travaillons au cas par cas dans le cadre des conventions existantes. J'espère que le travail avec les régions nous permettra d'avancer sur des sujets globaux.

Je voudrais simplement rappeler que grâce à l'AFITF – puisqu'a été posée une question sur le sujet – nous abordons 2019 et, nous l'espérons, 2020, avec des budgets d'investissement qui commencent à devenir corrects. Évidemment, je suis favorable à ce que l'AFITF puisse bénéficier de ressources plus importantes et si le Parlement souhaitait affecter une part supplémentaire du TICPE à l'AFITF, VNF s'en réjouirait.

Pour terminer sur les sujets d'investissement, nous n'avons pas aujourd'hui de programme déterminé sur la question des maisons éclusières. Non pas que l'on ne veuille rien en faire, mais parce que pour l'instant, cela n'a pas été traité. Autant sur les plantations, nous avons les idées claires et nous savons ce que nous voulons faire, nous avons défini un programme à dix ans et nous y affectons chaque année une part d'investissement ; autant pour les maisons éclusières, aujourd'hui, il n'y a pas de programme. Je crois qu'il pourrait s'agir d'un sujet à mettre « au pot commun », en disant aux régions, aux départements, aux intercommunalités qui le souhaitent : « Venez travailler avec nous à des conventionnements ». Il y a un aspect lié à la ressource hydraulique, il y a un aspect de report modal du fret sur la voie d'eau et il y a aussi un aspect de valorisation des territoires, paysages et monuments par le biais du tourisme et du bon entretien du réseau. Cela implique d'avoir parfois une offre à proposer. Je pense que ces maisons éclusières seront quand même particulièrement utiles. L'idée, pour l'instant, est plutôt de ne pas établir de plan général, mais région par région, au fur et à mesure de la progression de la démarche conventionnelle et de placer les maisons éclusières « dans la corbeille de la mariée ». Voilà pour ce qui est du cadre général.

Sur les sujets environnementaux posés par M. Olivier Falorni, j'ai répondu de manière incomplète. Nous essayons d'expérimenter le bateau électrique, de nous battre contre les rejets noirs et de combattre les eaux grises.

Pour ceux qui travaillent sur la question des ports, c'est le cas par exemple à Nancy - le député M. Jean-Marie Sermier a eu la gentillesse d'évoquer les trente ans du port de Nancy – nous avons beaucoup avancé sur la collecte de déchets, le tri de déchets en intelligence avec le territoire et son système de collecte et de recyclage pour tout ce que les plaisanciers peuvent rejeter.

Sur le sujet de la ressource en eau, nous sommes, je l'espère, au début d'un bon partenariat avec les agences de l'eau qui nous permettra d'avoir des schémas vraiment combinés. Des choses ont déjà été faites, notamment pour le grand gabarit assez maîtrisé sur le Freyssinet. Ce sujet mérite peut-être d'être encore approfondi.

Pour finir là où j'avais commencé, c'est-à-dire sur le report modal, en attendant les grands travaux Seine-Nord Europe, Rhin-Rhône, Moselle-Saône ou un combiné des deux, demain ou après-demain – étant donné le temps que cela peut prendre – des mesures économiques peuvent quand même être prises, comme la modernisation de la flotte. Nous avons 1 000 bateaux à pavillon français, donc je crois qu'il y a un travail à faire avec l'État pour aider les professionnels à muscler l'offre et la flotte.

Je rappelle également que VNF a mis en place un dispositif qui est doté de 12 à 13 millions d'euros cette année, pour financer des études sur la multiplication d'installations multimodales et donc aider les ports à s'équiper, évoluer, se développer. Pourquoi ne pas envisager de nouveaux ports, comme c'est le cas par exemple sur la Moselle, afin d'avoir plus de points de transfert modal ?

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