Intervention de François Villeroy de Galhau

Réunion du mercredi 3 juillet 2019 à 16h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

François Villeroy de Galhau :

Concernant la question de M. Pellois sur la manière dont s'explique l'endettement plus fort en France qu'ailleurs, un facteur positif est que l'investissement des entreprises est plutôt plus fort en France qu'ailleurs. Certaines utilisations de l'endettement peuvent être moins souhaitables que d'autres sur le plan économique. L'endettement peut permettre de compenser une situation financière plus difficile comme la baisse du taux de marge certaines années ou des entreprises plus en difficulté ; il peut servir à financer des projets d'acquisitions, qui ne sont pas néfastes en soi mais qui ne sont pas forcément de l'investissement en France. Je pense que les entreprises françaises ont une insuffisance de fonds propres et financent par de la dette en contrepartie. Ce n'est d'ailleurs pas tout à fait spécifique à la France: quand on compare l'économie européenne à l'économie américaine, il n'y a pas assez de fonds propres.

Pour les ménages, l'essentiel de l'évolution porte sur le crédit immobilier. Sa croissance a soutenu le secteur immobilier et a permis à beaucoup de ménages, y compris des jeunes, d'acquérir leur logement, mais nous sommes attentifs à ce qu'une proportion trop élevée de ménages ne se retrouve pas en limite de taux d'effort. Le taux d'effort est la charge de la dette par rapport aux revenus. Aujourd'hui, ce taux d'effort, malgré les taux bas, a l'air d'être supérieur ou égal à 35 % chez un quart des ménages et il faut surveiller cela.

Je n'ai pas de statistiques spécifiques sur l'endettement des exploitations agricoles, mais nous regarderons cela.

Madame Louwagie, le regroupement de la médiation nationale avec les médiations locales sous l'égide de la Banque de France, l'an dernier, a été un progrès et a contribué à un service plus intégré. Le médiateur national est Frédéric Visnovsky. Le nombre de dossiers présentés à la médiation a continué à baisser en 2018, ce qui est plutôt une bonne nouvelle, qui traduit le fait que, globalement, les entreprises françaises ont accès au crédit auprès des banques. Si vous avez l'impression que la médiation connaît un petit déficit de notoriété et que certains dossiers qui devraient arriver n'arrivent pas, nous sommes à votre entière disposition.

Monsieur Chassaing, je me permets de saluer le travail sur l'inclusion bancaire que vous venez de finaliser. Dans notre esprit, les engagements de plafonnement qui ont été pris sont des engagements durables et ne concernent pas la seule année 2019.

Sur la variation des critères entre les banques, un certain nombre de critères sont prévus par la loi, par exemple en ce qui concerne les incidents de paiement. Personnellement, je ne retiendrai pas l'idée d'harmoniser les critères de revenus. Si une banque a plutôt une clientèle « haut de gamme », prévoir une définition généreuse des clients fragiles ne la gêne pas beaucoup. À l'inverse, si une autre banque a une vocation sociale beaucoup plus marquée, elle peut avoir des critères de définition des clients fragiles apparemment plus stricts mais avoir beaucoup plus de clients dans cette situation. En revanche, la surveillance de ces critères est très importante. Nous regardons banque par banque comment elles appliquent leurs critères et combien de clients fragiles elles accueillent en fonction de ces critères. Il nous est arrivé de faire remarquer à certaines banques quelques incohérences. Sur l'ensemble de la profession bancaire, nous avons souhaité une réunion exceptionnelle supplémentaire de l'Observatoire de l'inclusion bancaire au mois d'octobre pour voir comment améliorer encore la détection précoce des clients fragiles. Néanmoins, je n'irai pas jusqu'à l'harmonisation car je crains qu'elle crée, par rapport à votre préoccupation d'équité – que je partage –, un effet contraire.

Sur la charte AFECEI, il faudra voir si elle doit être adaptée. Évidemment, les textes doivent être en cohérence avec les engagements pris.

Enfin, j'ai décrit tout à l'heure les deux engagements des banques en faveur de l'inclusion bancaire en sens inverse de l'ordre chronologique : des engagements ont d'abord été pris sur l'offre spécifique et ensuite est arrivé l'engagement très puissant à 25 euros sur l'ensemble des clients fragiles. Tant mieux, si j'ose dire, même si ce second engagement a un peu diminué l'attrait relatif de l'offre spécifique. Il faut sans doute placer sous observation ce développement de l'offre spécifique. Pour l'instant, les tendances sont assez favorables. Le contenu de l'offre spécifique a été défini par la loi bancaire de 2013 et il faudrait déjà que les banques l'appliquent bien. On pourrait élargir l'offre, s'il le fallait, mais l'offre spécifique est justement conçue pour réduire la probabilité d'incidents de paiement avec un nombre limité de chèques, des cartes à autorisation systématique… Il ne faudrait pas recréer la même probabilité d'incidents de paiement, ce qui serait évidemment contraire à l'objectif recherché. Pour l'instant, l'enjeu est l'application de la loi telle qu'elle existe.

Monsieur Bricout, la Banque de France représente aujourd'hui environ 10 000 hommes et femmes. La question d'éventuelles fermetures d'agences – nous disons de succursales – est très importante. Monsieur Lauzzana a évoqué la Cour des comptes. J'ai eu un désaccord avec la Cour des comptes. Dans son rapport, qui est public, elle s'interrogeait sur la pérennité du réseau départemental. La Banque de France restera durablement à Lens. Nous ne fermerons pas les succursales dans les départements, pour des raisons de présence auprès des surendettés, qu'il est très important de pouvoir accueillir, de présence auprès des PME. Je ne crois pas à une espèce de vue rationnelle consistant à établir des grandes plateformes régionales ou, pire encore, une grande plate-forme dématérialisée. La présence sur le terrain compte ; à nous ensuite de nous organiser pour avoir un service public efficace et pour dégager des gains de productivité au fur et à mesure des départs en retraite.

Le climat social est toujours difficile à mesurer. Je ne prétends pas que ce soit simple pour les hommes et les femmes de la Banque de France, c'est exigeant et nous essayons d'accompagner au maximum les agents dans l'effort de formation pour ceux qui doivent être en mobilité. Tout le monde a sa place dans cette transformation. Je vous cite un signe qui me paraît positif : nous venons de conclure un accord d'intéressement signé par l'ensemble des organisations syndicales.

Concernant la consommation de produits importés, je n'ai pas de raison de penser qu'elle soit cette année très différente des années antérieures. Elle en représente environ 25 à 30 %. J'en profite pour dire qu'il nous semble que le pouvoir d'achat est distribué avec une certaine équité à l'ensemble des catégories de Français, compte tenu notamment du fait que les mesures « gilets jaunes » étaient ciblées sur ceux qui avaient les niveaux de salaire les plus bas à travers la prime d'activité.

Quant à savoir si la baisse du chômage s'explique uniquement par les mesures gouvernementales, permettez-moi, Monsieur Dirx, de revendiquer mon indépendance. Je crois que la croissance, heureusement, s'accompagne de créations d'emplois et que les entreprises font des efforts. J'ai cité le CICE. La continuité des mesures gouvernementales, y compris par rapport à 2016 ou avant, y a contribué. Maintenir la continuité en la matière est extrêmement important : un chef d'entreprise qui décide d'embaucher veut savoir ce qui l'attend.

Je pense avoir répondu largement à la question de Monsieur Lauzzana, sur la Banque de France. Nous disposons effectivement d'un schéma de pilotage des nouveaux recrutements. Nous en avions annoncé au moins 1 000 pour 2016-2020 et nous en ferons davantage, tout en respectant notre cible d'effectifs. Nous avons par ailleurs réduit les dépenses sociales, là aussi dans le cadre d'un accord signé avec les organisations syndicales, ce qui a réduit sensiblement le nombre de nos instances et les moyens des organisations syndicales.

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