Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du mercredi 24 juillet 2019 à 16h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

… et je souhaite les remercier pour leurs remarques précieuses lors des différentes réunions au cours desquelles nous avons pu échanger. Nous avons également tenu compte des nombreuses remarques des parties prenantes, qu'il s'agisse des magistrats, des éducateurs, des avocats ou encore du Défenseur des droits, que j'ai rencontré personnellement à deux reprises déjà sur ce sujet. Nous avons notamment accepté un certain nombre de propositions intéressantes qui avaient été formulées par les organisations syndicales dans le cadre du dialogue social. Notre projet a été transmis au Conseil d'État, qui va, je le suppose, encore l'améliorer.

Sur le fond, le projet d'ordonnance réaffirmera les principes à valeur constitutionnelle qui ont fondé l'ordonnance de 1945, à savoir la primauté de l'éducatif, la spécialisation des juridictions et l'atténuation de la responsabilité en fonction de l'âge des mineurs. L'ordonnance instaurera, conformément à nos engagements internationaux, une présomption d'absence de discernement en dessous de 13 ans. Le texte mettra en place, par ailleurs, une procédure en deux temps, pour mieux juger les jeunes, et plus rapidement, tout en garantissant une meilleure prise en charge éducative. Dans un délai de trois mois, se tiendra une première audience ayant pour but d'établir la culpabilité et d'indemniser les victimes. S'ouvrira alors une période de mise à l'épreuve éducative, au cours de laquelle le mineur bénéficiera d'une prise en charge éducative et pourra être soumis à un certain nombre d'obligations. À l'issue d'un délai de six mois, renouvelable une fois pour une période de trois mois, la sanction éducative ou pénale sera prononcée par la juridiction. Toutefois, la procédure sera souple et permettra aux juridictions spécialisées de statuer lors d'une audience unique si elles estiment que c'est adapté.

La réforme devra s'accompagner de moyens pour les personnels des services éducatifs et pour les tribunaux pour enfants mais, une fois encore, je ne dévoilerai pas ici les arbitrages budgétaires : j'aurai l'occasion de le faire au mois de septembre.

L'ordonnance sera adoptée en septembre – puisque vous m'aviez habilitée pour un délai de six mois –, mais elle n'entrera en vigueur qu'en octobre 2020, pour laisser au Parlement le soin d'en examiner et d'en amender les termes.

En septembre également, le Parlement sera saisi d'un autre texte extrêmement important pour la chancellerie, en l'occurrence le projet de loi relatif à la bioéthique, que j'ai présenté ce matin en conseil des ministres aux côtés d'Agnès Buzyn et Frédérique Vidal. Je souhaite que nos débats sur ce texte se déroulent dans une ambiance apaisée. Parmi les questions extrêmement nombreuses qui seront abordées dans le projet de loi, la filiation établie à l'issue d'une PMA avec tiers donneur sera évidemment un point important. J'ai eu l'occasion d'en parler ce matin ; je ne pense pas qu'il soit très utile d'y revenir. En un mot, nous proposons de créer un dispositif ad hoc pour les couples de femmes ayant recours à l'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur.

En dehors de ces textes gouvernementaux – ordonnance de 1945 et loi de bioéthique –, vous savez que je suis également attachée au travail que nous conduisons en commun avec les députés membres de la commission des Lois. Je serai ainsi très attentive aux conclusions de la mission d'information menée par Naïma Moutchou et Philippe Gosselin sur l'aide juridictionnelle. Je n'ai pas encore pu lire leur rapport, mais c'est imminent. Comme vous le savez, la question de l'aide juridictionnelle n'a pas été traitée dans la loi de programmation. J'avais sciemment repoussé son examen : je vous avais dit que nous l'aborderions dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020. Je serai à l'écoute des propositions que vous avez mises en exergue et je prendrai certainement des initiatives à l'automne en la matière. Je puis d'ores et déjà vous dire qu'il me semble important de faciliter l'accès à l'aide juridictionnelle, que nous devons évidemment permettre de demander l'aide juridictionnelle par voie dématérialisée, mais que cette dématérialisation ne doit en aucun cas exclure les justiciables qui maîtrisent mal les nouvelles technologies. Je suis persuadée que nous pourrons discuter d'autres propositions.

Je souhaite également que nous avancions très vite en ce qui concerne un texte permettant non pas d'expérimenter mais de généraliser le recours aux bracelets anti-rapprochement afin de lutter contre les violences conjugales. Vous le savez, le Gouvernement va organiser, le 3 septembre prochain, un Grenelle consacré à cette question dramatique. Cela permettra de mobiliser l'ensemble des acteurs. Sans attendre ce Grenelle, j'aurai besoin d'un texte pour avancer sur la question des bracelets anti-rapprochement. J'y travaille avec Guillaume Vuilletet, qui avait été très mobilisé sur cette question lors de l'examen du projet de loi de programmation, tout comme Guillaume Gouffier-Cha, Philippe Gosselin – et l'ensemble de la commission des Lois, d'ailleurs.

Dans un autre domaine, j'ai souhaité, avec mes collègues Christophe Castaner et Gérald Darmanin, qu'une mission soit confiée à Jean-Luc Warsmann et Laurent Saint-Martin afin de rendre encore plus efficace notre dispositif de confiscation des avoirs criminels. L'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) est née d'une initiative parlementaire de Jean-Luc Warsmann, qui était alors président de la commission des Lois. Il me paraissait assez naturel que les députés concernés puissent évaluer ce dispositif et proposer, d'ici à la fin du mois d'octobre, des pistes pour en améliorer l'économie. Je crois en effet que l'AGRASC est un instrument permettant de rendre les peines effectives et efficaces.

Un travail est également en cours avec vos collègues Jean-Michel Mis et Sylvain Maillard sur les ventes volontaires, afin de moderniser l'institution qui représente et régule la profession de commissaire-priseur – je veux parler du Conseil des ventes. Nous travaillons ensemble à un texte. La démarche pourrait aboutir au dépôt d'une proposition de loi en septembre. Il s'agit de donner à la profession les moyens de s'adapter aux enjeux auxquels elle est confrontée, par la promotion d'une activité qui est très importante dans notre pays, lequel est attaché au patrimoine, mais aussi par le maintien d'un haut niveau d'exigence en termes de déontologie et de bonnes pratiques.

Enfin, et même si je suis attentive à toutes les initiatives prises au sein de la commission des Lois – je pense notamment à la mission relative à l'action de groupe, conduite par Philippe Gosselin et Laurence Vichnievsky –, vous comprendrez que je suivrai de très près les travaux de la mission d'information sur le secret de l'instruction, menée par Didier Paris et Xavier Breton. Les atteintes au secret de l'instruction ne sont en effet pas acceptables car elles conduisent souvent à organiser sur la place publique et au sein de l'opinion un procès qui doit d'abord être une oeuvre de justice. La question est bien sûr extrêmement délicate et mérite d'être traitée avec précaution. Je suis certaine que vos rapporteurs sauront mettre à plat le sujet et le débroussailler de manière dépassionnée.

Vous le voyez, notre programme de travail commun est considérable. Je pourrais citer d'autres projets encore, et parler de l'attention que je porte à divers rapports qui ont déjà été déposés, notamment celui de MM. Diard et Poulliat, relatif à la radicalisation dans les services publics, sujet qui exige une vigilance de tous les instants. Je souhaite vous dire, et j'en terminerai par là, que je suis toujours à votre écoute pour soutenir vos initiatives et répondre à vos interrogations. Cela me paraît extrêmement important si l'on veut améliorer de manière très concrète le travail de la justice.

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