Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mercredi 5 juillet 2017 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale :

Merci, madame Thill, d'avoir fait référence au dispositif « Les cordées de la réussite », qui fait partie de ces politiques que nous devons poursuivre car nous avons bien besoin d'assurer un continuum entre les enjeux du lycée et ceux de l'enseignement supérieur. M. Serville vient d'ailleurs d'en témoigner lorsqu'il a parlé de la Guyane et je me réjouis qu'un jeune député de ce département ait bénéficié de ce dispositif, c'est évidemment très positif.

S'agissant de la carte scolaire et des logiques d'évitement, on peut apporter plusieurs réponses. La première passe par l'attractivité de l'établissement : comment créer les conditions de la désirabilité d'une école, d'un collège ou d'un lycée ? Cela suppose un projet éducatif, qui corresponde à une logique d'équipe, qui soit bien communiquée aux parents et qui crée ce lien si important entre parents et école. La personnalisation des parcours est une deuxième réponse. Apporter des réponses adaptées à chaque élève est une nécessité du XXIe siècle. Ce n'est pas seulement de pédagogie différenciée qu'il s'agit mais aussi de la capacité à prendre en compte le rythme de chaque élève.

Vous avez aussi évoqué le redoublement. Ce que j'ai dit à ce propos a donné lieu à nombre de commentaires et d'interprétations. Or, je n'ai pas annoncé de mesures sur le redoublement, j'ai seulement dit ce que je dis toujours, à savoir que l'on doit éviter autant que possible le redoublement, mais qu'on ne doit pas se l'interdire parce qu'il est parfois positif. Des personnes qui s'occupent de l'accueil des élèves en situation de handicap m'en ont d'ailleurs remercié car parfois, alors que le redoublement est désiré, il est refusé au nom d'une sorte de doctrine. Or, là encore, il faut être pragmatique – pardon de faire autant usage de ce mot… Il faut donc essayer d'éviter le redoublement et déployer des dispositifs de personnalisation des parcours, a fortiori quand on voit, dès décembre ou janvier, se profiler un éventuel échec. Si l'on veut vraiment combattre les inégalités et les difficultés scolaires, il faut aller à la racine des problèmes et veiller à la prise de conscience des familles.

Même si l'on en a moins parlé aujourd'hui, la sécurité et la lutte contre le harcèlement constituent également une réponse. Si des familles des classes moyennes désertent certaines écoles, c'est aussi parce que ces phénomènes existent, non seulement dans les établissements mais aussi à leurs abords. Là encore, il faut regarder le problème en face et prendre les mesures adéquates. J'en ai parlé aux recteurs, aux secrétaires généraux et aux inspecteurs d'académie que j'ai réunis hier. L'institution scolaire doit donner, dans les temps à venir, un signal d'autorité de façon que la force soit toujours du côté du droit. Or ce n'est pas le cas aujourd'hui dans tous les établissements de France. J'ai reçu il y a quelques jours un principal de collège qui avait été agressé, et ce n'est malheureusement pas un phénomène isolé.

Nous devons regarder cela en face car personne n'a envie d'envoyer ses enfants dans un établissement caractérisé par ce type de phénomènes. Bien entendu, cela ne doit pas continuer. Bien entendu, y répondre commence par une attitude parfaitement définie, passant par la réunion des conseils de disciplines quand cela doit être le cas, par l'alliance avec les services sociaux, la police, la justice, de façon à ce que les établissements fonctionnent normalement.

Quand on parvient à agir sur l'ensemble de ces facteurs, qu'ils soient pédagogiques, éducatifs, du domaine de la sécurité ou de la lutte contre le harcèlement, sujets que je regarderai aussi de très près, on crée les conditions de l'attractivité, donc les conditions de la mixité sociale qui, en fait, bénéficie à tous.

Madame Duby-Muller, vous avez abordé le sujet de l'alternance. Je ne pourrai pas être plus précis que je l'ai été tout à l'heure, mais oui, le sujet est devant nous et oui, le modèle suisse est intéressant, tout comme le modèle allemand et bien d'autres modèles européens. On ne pourra jamais les importer tels quels mais on peut s'inspirer de ce qui réussit. En France, certaines régions font mieux que d'autres, et l'Alsace est bien connue pour cela. Mais vous le savez, il ne s'agit pas seulement de faire évoluer nos pratiques dans le domaine scolaire : cela concerne aussi les entreprises et nous devrons donc travailler dans plusieurs directions.

Je vous remercie d'avoir parlé du numérique, qui est un facteur très important de transformation et de modernisation de notre système. Nous ne devons pas « fétichiser » le numérique, mais nous ne devons pas non plus passer à côté. C'est une véritable révolution qui modifie bien des aspects de nos vies et qui affecte celle de nos élèves, de façon aussi bien positive que négative. C'est pourquoi nous devons faire preuve de discernement.

Ce n'est pas qu'une question d'écrans. Le numérique a d'autres dimensions. Je pense à la révolution 3D, à l'intelligence artificielle ; autant de nouveautés qui vont être au service de la pédagogie mais qui vont aussi modifier le temps de l'élève. J'y serai très attentif, tout en donnant un nouvel élan au Plan numérique qui a déjà commencé.

Comme tout le monde le sait, j'ai une affection particulière pour la Guyane et pour M. Gabriel Serville, que j'ai connu lorsqu'il occupait des fonctions dans le système éducatif et qui connaît très bien ces sujets.

Nous devons être très attentifs à ce qui se passe en Guyane. Le Président de la République et le Premier ministre m'en ont parlé plusieurs fois, ce qui veut dire que nous ne l'oublions pas. Il s'est passé ce qui s'est passé avant les élections, nous devons maintenant regarder comment traiter les difficultés de la région, lesquelles sont autant d'ordre budgétaire, que juridique, administratif et organisationnel.

Dans cette partie de l'outre-mer français – comme dans d'autres – il nous faudra trouver des solutions plus adaptées localement – par exemple créer un collège pour les villages amérindiens du Haut-Maroni, pour éviter que les élèves ne doivent se rendre à Maripassoula ; autrement dit, des solutions qui permettent à la fois de dépenser moins et de scolariser mieux.

Avec les moyens budgétaires volontaristes qui seront définis par le Premier ministre, nous devrons répondre à toutes les questions qui se posent à la Guyane. Je vous garantis que j'y accorderai la plus grande attention – tout comme Mme la ministre de l'outre-mer, avec laquelle je m'en suis entretenu.

Madame Berger, vous m'offrez l'occasion de parler davantage de l'autonomie des établissements. C'est un élément clé, qui va de pair avec la liberté comme avec l'idée de projet éducatif propre à chaque établissement.

Demain, et vous êtes les premiers à l'apprendre, j'enverrai aux professeurs et au personnel non enseignant de France une lettre explicitant cette approche de la confiance et de la liberté, et leur adresser un message de libération des énergies, qui concerne d'abord et avant tout les professeurs. Oui, ce sont les professeurs qui savent ce qu'il y a de mieux pour leurs élèves. Ce sont eux qui doivent faire preuve d'initiative. Or, à tort ou à raison, ils ont souvent l'impression que l'institution les en empêche. Un de mes rôles est de leur manifester cette confiance et de leur dire que non seulement l'institution ne les empêche pas d'être créatifs, mais qu'elle va même les soutenir en ce sens, ce qui conduira d'ailleurs à une évolution importante des fonctions d'inspection dans notre système. Ainsi, il y aura une réforme de nos inspections générales, il y aura une réforme de la nature même de l'inspection, que nous mènerons, là encore, en nous inspirant de ce qui se passe au mieux dans les pays européens.

Ce sont des sujets du futur, des sujets pour lesquels je vous donne des rendez-vous de moyen terme.

Cela va évidemment de pair avec une meilleure gestion des ressources humaines. Notre gestion des ressources humaines produit aujourd'hui de l'insatisfaction, encore plus grande dans le second degré que dans le premier. Et il se trouve que la gestion du premier degré est plus déconcentrée que celle du second degré, ce qui nous donne des pistes d'évolution.

L'ordinateur ne doit pas être la cible de tous nos reproches : il n'est que le reflet de nos modes de fonctionnement. Mais il n'est pas normal que notre système fonctionne sur une base extrêmement anonyme, extrêmement frustrante pour les professeurs de France.

Évidemment, il n'y a pas de solution magique face au fait que certaines régions et certains territoires sont plus attractifs que d'autres et que l'on ne peut pas donner en permanence satisfaction à tout le monde. Mais on peut avoir une gestion des ressources humaines beaucoup plus personnalisée, beaucoup plus valorisante pour les professeurs. C'est évidemment ce que l'on fera.

Enfin, je ne reviens pas sur la ruralité : je l'ai déjà dit, je suis à votre disposition pour regarder, concrètement, ce que nous mettons derrière cette volonté d'attractivité qui sera au coeur de ce que nous ferons pour la ruralité.

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