Intervention de Didier Migaud

Réunion du mercredi 18 septembre 2019 à 11h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, président du Conseil des prélèvements obligatoires :

Cela m'attriste d'entendre dire que ce rapport est complètement déconnecté de la réalité et qu'il sous-estime la crise sociale que le pays a connue. Bien au contraire, vous constaterez en le lisant que nous essayons de prendre en considération l'ensemble des faits, d'éclairer le débat et d'apporter des éléments objectifs. Nous montrons, par exemple, que la part de la fiscalité carbone dans le prix de l'essence diminue, contrairement au sentiment général. Nous nous efforçons d'objectiver le débat – la composition du CPO, où siègent des profils très différents, nous y invite par ailleurs.

De plus, nous raisonnons par rapport aux objectifs que les parlementaires ont définis. On pourrait tout aussi bien considérer qu'il n'y a pas d'urgence climatique, en tirer les conséquences et estimer qu'il importe peu d'introduire une fiscalité carbone. Mais il faudrait pouvoir l'assumer et expliquer que nous ne sommes pas concernés… Nous avons analysé les différents moyens d'atteindre ces objectifs, sachant que la fiscalité carbone est reconnue comme un instrument efficace en la matière.

Bien évidemment, d'autres instruments existent. Toute la difficulté consiste à les articuler, tant il est vrai qu'ils sont parfois utilisés sans cohérence. Ainsi, pour toutes sortes de raisons, certaines des dépenses fiscales, financées par la fiscalité environnementale, ne sont pas favorables à l'environnement.

Nous constatons l'érosion continue du produit de la fiscalité énergétique. Si vous souhaitez que le rendement croisse, il faut bien, d'une certaine façon, l'augmenter.

La transparence, l'affectation et l'accompagnement pour une meilleure acceptabilité sont des sujets essentiels. Des pays font mieux que nous. La Suède a commencé bien avant nous, avec une montée en charge progressive, dans un contexte de réduction des prélèvements obligatoires et avec des mesures d'accompagnement et de compensation, ce qui a contribué à l'acceptabilité. La France a initié sa trajectoire bien plus tard : la pente est donc plus importante. Quant aux mesures de compensation ou d'accompagnement, elles ont été insuffisantes ou mal comprises.

Nous donnons des moyennes tout en soulignant la très grande hétérogénéité des situations. D'ailleurs, nous disons dans nos orientations qu'il faut tenir compte des ménages vulnérables qui résident dans les territoires ruraux et périurbains et qui n'ont d'autre solution de déplacement que la voiture.

Nous faisons état des mesures de compensation qui existent dans d'autres pays et de celles qui ont été mises en oeuvre en France. La difficulté consiste à ne pas construire des usines à gaz qui compliqueraient encore le dispositif et ne faciliteraient ni sa compréhension ni son acceptabilité. Les mesures de compensation envisagées ont donné lieu à des simulations. Mais ne demandez pas non plus au CPO d'aller plus avant car alors, vous nous reprocheriez de vouloir tout arbitrer ! Nous n'avons pas examiné la question de la suppression de la TVA, qui est débattue en ce moment mais qui n'était pas l'objet du rapport.

La LOLF n'a rien inventé : elle a rappelé le principe, qui me semble sain, de la non-affectation des recettes. Comme tout principe, celui-ci connaît un certain nombre d'exceptions, tels les fonds de concours, les budgets annexes, les comptes spéciaux. Des dérogations sont donc possibles et nous devons envisager les choses dans ce cadre.

Nous suggérons de dissocier la fiscalité carbone de la fiscalité traditionnelle sur les produits pétroliers, ne serait-ce que pour être plus transparents sur son affectation et son objectif. Nous formulons un certain nombre de propositions pour renforcer la transparence et améliorer la connaissance de l'utilisation du produit de cette fiscalité. Il y a là des marges de progrès pour une meilleure acceptabilité par nos concitoyens.

Monsieur Charles de Courson, il paraît tout à fait possible de poursuivre la trajectoire et d'arriver, en 2030, à une tonne de CO2 à 100 euros. Vous voyez bien, d'ailleurs, que l'attaque en Arabie saoudite a des conséquences bien plus grandes sur le prix à la pompe que les augmentations qui étaient prévues et qui peuvent être étalées d'ici à 2030. Cet objectif est atteignable ; les effets seront toutefois limités sur la réduction des gaz à effet de serre et cet objectif ne permettra pas à lui seul de respecter les engagements figurant dans les textes que vous avez votés.

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