Intervention de Amélia Lakrafi

Réunion du mardi 17 septembre 2019 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAmélia Lakrafi :

Comme l'a exprimé hier le Président de la République, la France est une terre d'accueil et d'immigration. La proportion d'étrangers sur notre territoire est sensiblement la même depuis le XIXe siècle. La France, dont nous aimons à rappeler qu'elle a vocation à rayonner, doit rester une terre qui accueille tant les talents que les personnes qui fuient la guerre, le chaos ou les persécutions. Pour répondre à la demande de nos industries, elle a également accueilli beaucoup de travailleurs venus d'Europe de l'Est, du Sud, d'Afrique ou du Maghreb. Ces dernières catégories de populations ont d'ailleurs largement contribué à la reconstruction de la France après la seconde guerre mondiale et à notre croissance durant les trente glorieuses. Bien entendu, la France ne peut pas accueillir tout le monde, c'est évident, et il existe des règles pour rentrer dans un territoire et dans l'espace Schengen.

Ces questions me tiennent particulièrement à coeur, parce que je suis moi-même fille d'immigrés, mais également parce que ma circonscription couvre une grande partie de l'Afrique subsaharienne. Je voudrais revenir un peu en arrière. Sauf erreur de ma part, si j'ai bien regardé vos différents tableaux, jusqu'aux années 1980, il existait une situation assez impensable aujourd'hui, à savoir qu'il y avait une quasi-libre circulation des migrants, notamment ceux issus des anciennes colonies. En 1986, nous avons remis en place l'obligation de visa, notamment pour les pays d'Afrique. L'objectif était clairement sécuritaire, à la suite des attentats de la rue de Rennes. L'objectif était la sécurité et non la régulation, ce qui est très différent et induit beaucoup de nos soucis aujourd'hui. Cette décision de mise en place des visas avait-elle eu à l'époque un impact sur les flux migratoires ? Sur le troisième tableau de monsieur Héran, je ne vois de rupture ni en 1986 ni en 1990, lors de la mise en place de l'espace Schengen.

Ma seconde interrogation concerne davantage le ressenti de nos concitoyens. Je m'adresse à vous tous : selon vous, pourquoi les médias et l'opinion publique sont-ils à ce point focalisés sur l'immigration, alors qu'il n'y a pas eu de submersion migratoire ? Je rappelle à cette occasion que les migrations en Afrique, notamment celles qui résultent du changement climatique, mais également les migrations économiques se font au sein même des pays africains. Nous ne sommes concernés qu'à la marge par ces mouvements. Que dirions-nous, si nous nous trouvions dans la situation du Liban qui accueille près de deux millions de réfugiés sur son sol pour quatre millions d'habitants ? Bien entendu, la situation n'est pas la même, mais je voudrais avoir votre avis sur l'évolution de l'immigration et de l'utilisation qui en est faite.

Pour terminer, je voudrais rappeler qu'avant que la Méditerranée centrale ne devienne l'une des principales routes de passages clandestins, c'était la Méditerranée occidentale, à savoir le Maroc. Le renforcement des frontières côté marocain a automatiquement généré une augmentation des flux côté libyen. Aujourd'hui, nous assistons à l'inverse : la sécurisation côté libyen fait qu'il y a à nouveau une augmentation du flux côté marocain. Cela a coûté plusieurs milliards aux contribuables européens ces quinze dernières années. Finalement, nous observons un impact assez nul, voire une consolidation des réseaux de trafic au Sahel, avec la conséquence sécuritaire que nous connaissons.

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