Intervention de François Héran

Réunion du mardi 17 septembre 2019 à 17h00
Commission des affaires étrangères

François Héran, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire migrations et sociétés :

Je veux dire que, justement, nous avons beaucoup de démagogie et quasiment jamais de pédagogie. Il faudrait qu'à un moment, les responsables politiques prennent leur courage à deux mains et disent : « Écoutez, il y a un certain nombre de faits précis. » En dix ou quinze ans, dans le monde politique, je n'ai jamais entendu quelqu'un s'exprimer ainsi sur l'immigration. C'est vraiment très frappant, parce qu'il y a également un certain dédain pour les faits, avec l'idée que si l'opinion publique a peur, il faut avoir peur avec elle. C'est ce que j'appelle, en résumé, la peur de la peur. C'est un discours assez dominant en ce moment.

Le résultat est que seuls les démagogues parlent. On leur laisse libre cours, parce que la parole pédagogique n'existe pas. Dans une démocratie, il y a un temps très important, celui de la délibération. On pèse le pour et le contre, on s'informe et l'on récupère toutes les données. La politique d'opinion consistant à réagir « du tac au tac » au dernier sondage n'est pas vraiment démocratique. Suivre l'opinion, ce n'est pas la démocratie, parce que nous sautons le temps de la délibération.

L'expert et les chercheurs ont également un rôle, qu'il ne faut pas balayer avec mépris, comme cela a été fait par votre jeune collègue. Il faut le prendre en compte. Je crois que le Parlement et le milieu de la recherche ont tous les deux intérêt à converger, afin d'examiner à fond les questions factuelles qui sont plus compliquées que nous ne le croyons, mais que nous sommes capables de clarifier un peu. Les comparaisons internationales s'imposent et sont essentielles pour objectiver les éléments du débat. C'est après avoir nourri le débat de tous ces éléments nous pourrons envisager les différentes solutions possibles. Pour l'instant, dans le débat public, il n'y a pas de parole pédagogique.

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