Intervention de Xavier Breton

Séance en hémicycle du jeudi 3 octobre 2019 à 15h00
Bioéthique — Article 4

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaXavier Breton, rapporteur :

Je voudrais revenir à ces amendements dont nous avons fini par comprendre pourquoi ils étaient en discussion commune avec celui de notre collègue, Mme Genevard, qui pose la bonne question. Madame la garde des sceaux, vous avez déclaré en commission spéciale que l'accouchement ne ferait pas la filiation pour la femme qui accouche au sein d'un couple de femmes. Si l'accouchement demeure une condition, il ne serait plus suffisant. C'est ce que vous avez dit avant de vous apercevoir de l'émoi que provoquaient vos propos dans la société, notamment auprès de toutes les femmes qui savent qu'elles sont devenues mères en accouchant.

Vous avez ensuite affirmé que la femme qui accouche est mère, bien évidemment, mais est-elle mère parce qu'elle accouche ? Non. Elle l'est du fait de la reconnaissance. L'accouchement déclenche la réalité du consentement et de la reconnaissance en ce qu'il permet d'établir la filiation en termes chronologiques, mais la mère qui accouche ne deviendra pas mère pour cette raison. Cela, il faut l'expliquer très clairement. Bien sûr, la femme qui accouche continuera à être mère. Toutefois, contrairement aux autres femmes, elle ne deviendra pas complètement mère par l'accouchement, mais par une reconnaissance conjointe.

Nous en venons au second point, votre obsession de l'égalité entre les deux mères. Il ne s'agit pas d'égalité, en vérité, mais d'identité, de négation de la différence. Peu importe que l'une soit mère par accouchement et l'autre par intention, cela ne devrait pas les empêcher d'avoir les mêmes droits et devoirs. Dans la réalité, on sait combien des liens peuvent se créer au cours de la grossesse entre la mère qui porte l'enfant et ce dernier. On sait aussi tout ce que l'accouchement signifie. Qu'on décide, en droit, que l'accouchement n'ouvre pas de droits supplémentaires, pourquoi pas ? Toutefois, il ne s'agira plus alors seulement d'égalité, mais d'identité. Vous ne parvenez pas à articuler l'égalité et les différences. Vous niez donc la différence.

Il faut aller plus loin. Pourquoi ne pas imposer cette égalité, cette identité, au sein de tous les couples ? Aujourd'hui, l'établissement de la filiation est différent selon qu'on est une femme ou un homme au sein d'un couple hétérosexuel, ce qui ne pose, soit dit entre nous, aucun problème, sauf pour les militants qui finiront un jour par vous demander d'aller plus loin. Ils ont déjà commencé, d'ailleurs, à vous réclamer le même dispositif de reconnaissance pour tout le monde. Nous nous dirigeons dans cette direction, celle qui niera tout aspect, non pas biologique, mais corporel. Je ne parle pas des gamètes mais du corps, de l'accouchement. La dimension corporelle finira pas être gommée de la filiation, qui ne dépendra plus que de la volonté.

Vous répondrez que le texte ne prévoit rien de tel, mais, si vous fondez votre raisonnement sur le principe d'égalité et d'identité au sein d'un couple, pourquoi ne pas l'appliquer au couple entre un homme et une femme ? Pourquoi réservez-vous ce dispositif « discriminant », différent, aux couples de femmes ? Dites clairement quelle est votre conception de la filiation ! Nous en avons une, établie, et qui présente au moins le mérite de la cohérence et de la solidité. Vous évoluez vers une notion, pour reprendre les termes du rapport de M. Touraine, de procréation sans sexe. Le cheminement ne date pas d'hier, porté par différents courants philosophiques. Soit vous en êtes complice, soit vous y résistez. Là est l'enjeu. L'accouchement fera-t-il d'une femme, une mère ? Certaines continueront à le devenir par cette voie, d'autres non.

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