Intervention de Hervé Saulignac

Séance en hémicycle du jeudi 3 octobre 2019 à 21h30
Bioéthique — Après l'article 5

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Saulignac, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique :

Le tourisme de transplantation est un vrai problème dont personne ne peut nier la gravité, même si la France fait partie des pays qui ne sont concernés qu'à la marge.

Je pourrais vous dire que ce sujet ne relève pas, à proprement parler, du champ de la bioéthique, d'autant que l'interdiction est posée à la fois dans le code de la santé publique et dans le code pénal. Cela étant dit, ce sujet doit effectivement nous préoccuper. Il y a des choses que nous ne pouvons pas ne pas remarquer : il existe aujourd'hui des courtiers, et même des agences qui mettent en relation des donneurs potentiels avec des receveurs.

La France a un cadre légal très clair et très strict en la matière : le don d'organes provenant de personnes vivantes – non de personnes décédées – ne peut être entrepris qu'à l'intérieur du cercle familial ou du cercle affectif. Une personne qui n'appartient ni à l'un ni à l'autre ne peut en aucun cas, en France, faire don d'un organe.

Tel n'est pas le cas dans tous les pays : au Canada et aux États-Unis, il est possible de faire don d'un rein à quelqu'un indépendamment de tout lien familial ou affectif. D'autres pays sont pourvoyeurs d'organes, comme la Chine, chacun le sait, dans des conditions absolument inhumaines, qui heurtent notre éthique en tous points. Le Pakistan fait aussi partie de ces pays, comme l'Égypte et encore bien d'autres. Aux États-Unis, certains états fédérés prennent même en charge les frais de déplacement de celles et ceux qui font don d'un de leurs organes à un citoyen américain.

C'est donc un sujet grave et complexe. Nous disposons de données assez précises fournies par l'Agence de la biomédecine. La dernière enquête qui a été menée, et dont les résultats ont été rendus publics en 2016, a identifié dix personnes françaises ou résidant en France qui sont allées chercher un greffon à l'étranger, sans que l'on puisse affirmer catégoriquement qu'elles n'ont pas respecté la législation du pays dans lequel elles se sont rendues ni, bien entendu, qu'elles ont versé la moindre contrepartie.

Ce serait donc une erreur de vouloir traiter cette question seulement du point de vue pénal. Or les amendements qui nous sont proposés l'abordent essentiellement sous cet angle. Je rappelle quand même que c'est le manque d'organes qui, tragiquement, conduit parfois certains de nos concitoyens à se tourner vers l'extérieur, dans le but, si vous me permettez cette expression, de sauver leur peau. Je ne dis pas cela pour leur donner raison, mais pour que nous gardions à l'esprit cette réalité. Ce n'est donc pas en augmentant les peines que nous les dissuaderons.

Nous devons d'abord nous attacher, et c'est l'objet de cet article et surtout du suivant, à améliorer le niveau de dons dans notre pays et la disponibilité des organes, à sensibiliser l'opinion aux dangers encourus lorsque l'on va à l'étranger pour procéder à une telle opération, et puis lutter à l'échelle internationale contre le trafic et même contre la pauvreté, parce que c'est très souvent la pauvreté qui conduit au trafic. Je vous demande donc de retirer ces amendements, faute de quoi mon avis sera défavorable.

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