Intervention de Philippe Berta

Séance en hémicycle du vendredi 4 octobre 2019 à 15h00
Bioéthique — Article 14

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique :

Nous avons déjà eu ce dialogue en commission ; je vais donc, de même qu'en commission, prendre le temps nécessaire à une réponse qui englobera ces amendements de suppression, mais aussi ceux visant à supprimer des alinéas significatifs de l'article. J'espère dissiper quelques doutes touchant à ces notions d'embryon et de cellule souche embryonnaire.

L'article 14 vise à clarifier le régime juridique des recherches portant sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires. Soit dit en passant, celles-ci ont un jour pu dériver d'un embryon, mais la quasi-totalité des lignées de cellules souches embryonnaires utilisées aujourd'hui sont très anciennes – remontant parfois à plusieurs décennies – et se transmettent entre laboratoires, à l'échelle hexagonale, européenne ou mondiale ; par exemple, la lignée H1, la plus ancienne, est utilisée par tous les laboratoires intéressés depuis au moins une vingtaine d'années.

En premier lieu, l'article 14 identifie, au sein d'un nouvel article du code de la santé publique, le régime juridique de la recherche portant sur les gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon destiné à naître. Celle-ci relève en effet du régime des recherches impliquant la personne humaine, qui nécessitent une autorisation de l'ANSM – Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – et un avis du CPP – comité de protection des personnes. Elle est réalisée au bénéfice de l'embryon et n'a pas vocation à lui porter atteinte. J'insiste sur ce point, car ce régime juridique, issu de la loi – dite Jardé – du 5 mars 2012, n'avait pas été compris : comme l'embryon est destiné à naître, il n'y a ni destruction, ni atteinte à son intégrité, ni bien sûr atteinte à la mère.

Deuxièmement, l'article 14 établit une distinction entre le régime juridique de la recherche sur l'embryon et celui de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Aujourd'hui, ces recherches sont toutes soumises à l'autorisation de l'ABM ; à l'avenir, elles le resteront dans le premier cas, mais feront l'objet d'une simple déclaration auprès de l'ABM dans le second cas.

En effet, les interrogations éthiques ne sont pas les mêmes. Une cellule souche embryonnaire n'est plus un embryon et n'a strictement aucune capacité ni aucune vocation à le redevenir : elle a perdu sa totipotence et n'est plus capable que de pluripotence, c'est-à-dire de se différencier en tissu musculaire, neuronal ou cartilagineux, par exemple. C'est pour cela que nous souhaitons un régime assoupli pour l'utilisation de ces cellules souches en laboratoire.

La recherche sur l'embryon, elle, a pour conséquence la destruction de ce dernier, qui n'a pas vocation à naître. Ce texte fixe à quatorze jours, au lieu de sept actuellement, les limites de son développement. Au cas où il serait nécessaire de le rappeler, ces embryons sont des embryons surnuméraires : ils n'ont pas fait l'objet d'un projet parental, et le couple se voit proposer soit de les détruire, soit d'en faire don à la recherche ; ou ils présentent des anomalies génétiques et ne sont donc pas susceptibles d'être implantés.

Pourquoi travailler sur ces embryons surnuméraires au-delà de ce qu'ils ont été au départ, c'est-à-dire les pourvoyeurs de cellules souches à l'origine des lignées actuelles ? Afin d'étudier l'infertilité. Je crois que tout le monde ici – il me semble même me souvenir d'un amendement transpartisan à ce propos – souhaite que ce travail sur l'infertilité soit mené dans notre pays, amplifié et mieux coordonné.

Les embryons surnuméraires permettent également d'effectuer une ÉPADE – évaluation pré-implantatoire du développement embryonnaire – , d'étudier les causes de la non-implantation, et de comprendre les anomalies génétiques que présentent certains d'entre eux en en observant les conséquences sur leur développement. Ils servent donc aussi à la recherche en matière de pathologies génétiques.

Ces recherches sur l'embryon, soumises à l'autorisation de l'ABM, doivent répondre à des critères précis, que rappelle l'article 14 : pertinence scientifique, finalité médicale, nécessité de recourir à l'embryon en l'état des connaissances scientifiques. Elles sont totalement encadrées, contrôlées, et peuvent être suspendues si elles ne respectent pas les interdits du code civil ou du code de la santé publique, dont mon commentaire d'article dressait la liste.

Mon avis est défavorable sur les amendements de suppression, les amendements de rédaction globale et les amendements de suppression des alinéas portant sur ces recherches – visant à l'interdiction des recherches impliquant la personne humaine, ou les limitant à une recherche observationnelle.

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