Intervention de Claude Goasguen

Séance en hémicycle du lundi 7 octobre 2019 à 16h00
Déclaration du gouvernement suivie d'un débat sur la politique migratoire de la france et de l'europe

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Goasguen :

Monsieur le Premier ministre, vous le savez, j'ai beaucoup de considération pour votre talent, mais votre discours nous a beaucoup déçus. Je m'attendais à des propositions ; nous avons eu des débuts de réflexions éventuelles !

Je pense que, en réalité, nous n'avons pas abordé le problème de la politique migratoire. Nous avons essayé d'aborder, en quelques minutes, l'amélioration technique et la critique des lois et des règlements relatifs à l'immigration. Mais ce n'est pas la même chose !

Il faut dire que cette politique-là est obsolète, et qu'elle ne marche pas. C'est tellement évident que ce n'est pas la peine de perdre son temps pour le souligner. Le droit d'asile a été déformé. On a oublié que le droit d'asile était le droit des réfugiés, issu de la Convention de Genève du 28 juillet 1951.

En fait, vous n'avez aucun pouvoir réel en matière de droit d'asile, car vous avez délégué ce pouvoir à l'OFPRA. Seule la Cour nationale du droit d'asile peut éventuellement juger de l'asile en termes de légalité. Je souligne qu'elle le fait dans des conditions déplorables – je parle en expérience de cause pour avoir un peu plaidé devant elle.

En ce qui concerne l'AME, j'ai été très choqué d'entendre des discours qui nous expliquent que le débat sur l'AME se limite à des querelles portant sur l'immigration et la santé des immigrés. Le problème n'est pas là ! Je suis parmi les premiers à avoir dit que la question de l'AME ne se posait pas pour les immigrés, mais qu'elle se posait pour la gestion publique.

Madame la ministre des solidarités et de la santé, le problème de la gestion publique de l'AME tient au fait qu'il s'agit d'un budget d'État géré par la sécurité sociale sans être contrôlé. Disons-le : il sert à tout sauf, en général, à l'immigration. Il sert à combler le déficit des hôpitaux publics, et à camoufler un certain nombre de choses. Pourquoi la sécurité sociale se fatiguerait-elle à opérer des contrôles alors que l'État est bon payeur ?

Madame la ministre, s'il faut réformer l'AME, il faut d'abord demander à vos services de la contrôler, ce qu'ils ne font pas. Votre ministère n'assure aucun contrôle de l'AME. Seule la sécurité sociale, qui n'est pas équipée pour cela, fait semblant d'effectuer ce contrôle. On compte seize contrôles en un an pour un budget de près de 1 milliard d'euros ! Je me félicite que la sécurité sociale évoque la transparence de l'AME, mais je crois que ce n'est pas le débat.

Il existe déjà un très grand nombre de rapports : vous n'avez même pas besoin d'en demander d'autres. Interrogez l'IGAS : ils ont certainement des archives. Voyez aussi à l'inspection des finances, ou à l'Assemblée nationale : nous avons déjà travaillé plusieurs fois sur le sujet. J'ai moi-même signé trois rapports, au nom de la commission des finances, sur cette question. Vous devriez demander à l'inspection générale de l'administration de s'en inspirer. Vous risquez d'avoir de mauvaises surprises.

Mais la politique migratoire, c'est autre chose, et j'aimerais, monsieur le Premier ministre, que nous nous interrogions ensemble à son sujet.

Tout d'abord, il n'existe pas de règle de la politique migratoire. Tous ceux qui pensent qu'elle a été établie une fois pour toutes en fonction de considérations républicaines se trompent et ne connaissent pas l'histoire.

Il y a eu les politiques migratoires d'avant la Première Guerre mondiale, pour des raisons que nous connaissons tous ; il y a eu les politiques migratoires de la décolonisation ; et il y a la politique migratoire actuelle, qui date en réalité des années 1970. À cette époque, parce que le monde était ce qu'il était, la France avait besoin de travailleurs étrangers, d'ailleurs moins bien payés que les autres.

Cette politique du travail est encore la nôtre aujourd'hui. Il s'agit – et je le dis sans intention de choquer les députés de la droite et du centre – d'une politique d'immigration néocoloniale, qui n'a qu'un seul objectif : faire venir des immigrés. Mais nous le constatons aujourd'hui, ce système ne fonctionne plus.

Je connais, monsieur le Premier ministre, votre sens de la prospective. Alors essayons de réfléchir à ce que nous devons faire dans le contexte de la mondialisation.

Notre devoir, selon moi, est le rééquilibrage de la société mondiale par l'immigration, ce que les néomarxistes – vous voyez que j'ai de bonnes références ! – appellent le « nivellement ».

La politique qui consiste à attirer les immigrés doit prendre fin ; nous devons aider leurs pays d'origine, afin qu'eux comme nous y gagnent.

Compte tenu des difficultés que nous connaissons, l'idée qui doit sous-tendre la nouvelle politique d'immigration est l'établissement de la paix entre les pays africains et les nôtres.

Il va donc nous falloir remettre en cause les dogmes inspirés des années 1970, et c'est ici que les choses se compliquent, mais j'irai vite.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.