Intervention de Philippe Berta

Séance en hémicycle du lundi 7 octobre 2019 à 22h15
Bioéthique — Après l'article 19

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta :

Je voudrais d'abord dire que je partage l'avis de mon collègue Hetzel : nous sommes en train de prendre des décisions lourdes sur le plan scientifique pour une période de sept ans. En tant que scientifique, je le répète, je ne suis pas sûr que cela soit très raisonnable. À titre d'exemple, je suis assez estomaqué par ce que nous venons de voter sur le DPI-HLA.

Je voudrais revenir assez longuement sur le DPI aneuploïdies, ou DPI-A, dont l'importance me semble remarquable, même si, là encore, cela concerne un peu moins de 300 couples par an. Permettez-moi de rappeler au préalable quelques données dont la connaissance me semble essentielle.

L'espèce humaine est caractérisée par un très faible pouvoir reproductif, puisque seules 30 % des conceptions arrivent à terme. Ceci est dû principalement à la présence d'anomalies chromosomiques embryonnaires précoces, qui augmenteront avec l'âge : 23 % à l'âge de 30 ans, 35 % à 35 ans, 58 % à 40 ans et 84 % à l'âge de 45 ans.

Chaque année en France, environ 300 couples vont devoir vivre un parcours procréatif des plus complexes, soit parce qu'ils ont déjà un enfant affecté d'une lourde pathologie génétique, soit parce que le conseil génétique a permis de détecter dans l'histoire familiale de chaque membre du couple une maladie monogénique lourde et diagnosticable. Ce couple en situation complexe se voit alors proposer un DPI, c'est-à-dire un diagnostic génétique préimplantatoire accompagnant une fécondation in vitro, réalisé dans cinq centres habilités, les CHU de Clamart, Strasbourg, Montpellier, Nantes et Grenoble. Il s'agit de prélever, dans les tous premiers stades, une cellule sur l'embryon conçu in vitro en vue de cette analyse génétique avant son transfert dans l'utérus. On l'appellera le DPI simple ; il concerne environ 4 % des fécondations in vitro.

Il existe – ou il existait, je ne sais plus – une deuxième forme, très rare : le DPI-HLA, qui permet depuis 2011 d'éviter une pathologie, mais aussi de sélectionner un embryon qui puisse soigner son aîné par une greffe de cellules souches sanguines compatibles. Le DPI ne permet à l'opérateur que de contrôler l'embryon sur la seule indication génétique en cause. Pourtant, ce sont environ 50 % des embryons qui associeront des trisomies, en particulier les trisomies 13, 15, 16, 18 et 21, des monosomies, des tétrasomies ou encore des translocations chromosomiques qui conduiront dans la quasi-totalité des cas à des fausses couches.

Nous proposons donc, par cet amendement, de soumettre la réalisation d'un DPI-A au consentement des deux parents, tout comme les autres DPI ; de laisser la liberté aux parents d'implanter ou non un embryon aneuploïde ; de limiter le DPI-A aux seuls chromosomes non sexuels, encore dénommés autosomes. Les anomalies des chromosomes sexuels, le Turner chez la petite fille et le Klinefelter chez le garçon, sont des anomalies « light » qui sont aujourd'hui relativement bien prises en charge. Ces petites filles seront capables plus tard de mener des grossesses à terme avec un don ovocytaire.

Je souhaite souligner, car tout le monde ne le sait pas, notamment parce que cela a été voté en 2011, mais n'est appliqué que depuis janvier 2019, que notre pays met à disposition de toutes les femmes en début de grossesse, si elles le désirent, un diagnostic non invasif, ou DPNI, réalisé à partir de quelques millilitres du sang de la mère, pour rechercher ces anomalies de nombre. C'est donc déjà une liberté, j'insiste sur ce point. En cas de suspicion, seront réalisés ensuite une échographie de contrôle, puis une amniocentèse, et enfin une interruption médicale de grossesse, chaque étape étant bien entendu soumise au consentement de la mère, qui peut à tout moment interrompre le processus si elle le souhaite.

De tous les pays européens, seuls l'Albanie, l'Irlande et le Luxembourg ne pratiquent pas le DPI. Il ne reste que quatre pays, dont la France, qui ne l'associent pas à la recherche d'aneuploïdies. C'est désormais fait pour la Suisse, mais aussi pour l'Italie, qui s'est vu condamner par la Cour européenne des droits de l'homme pour sa pratique de DPI conduisant à un avortement, ce qui est aujourd'hui la situation de la France.

Nous avons ici l'occasion de diminuer le nombre d'embryons surnuméraires – il nous faut en moyenne, ce sont les spécialistes qui le disent, 28 ovocytes pour assurer un accouchement ; de diminuer le risque de gémellité par le transfert d'un seul embryon, alors que nous sommes obligés d'en transférer plusieurs pour espérer qu'un d'eux s'implante, avec le risque de devoir supprimer ensuite les surnuméraires.

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