Intervention de Aurélien Pradié

Réunion du mercredi 2 octobre 2019 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Pradié, rapporteur :

J'ai terminé mon propos introductif en vous rappelant un chiffre – 111 – et en vous disant qu'à chaque fois que nous pourrions être tentés d'être trop timides, il faudrait se le rappeler. Depuis le début de l'année, 111 femmes sont mortes sous les coups de leur compagnon. Ce chiffre doit balayer notre timidité.

Je suis, comme vous, très soucieux de respecter l'organisation du droit de notre pays, mais je crois utile de préciser les choses. D'abord, je ne suis pas d'accord avec notre collègue Didier Paris : il ne s'agit pas, dans le cadre d'une ordonnance de protection, de porter atteinte à des droits fondamentaux. Le magistrat dispose d'une palette de mesures qui va crescendo : il ne sera pas obligé de délivrer systématiquement une ordonnance de protection incluant un bracelet anti-rapprochement. Empêcher deux personnes d'entrer en contact pendant six mois, n'est-ce pas déjà une atteinte à la liberté ? Le juge veillera à ce que les rencontres avec les enfants se déroulent dans un lieu médiatisé et en dehors du logement, quand c'est nécessaire. Peut-être décidera-t-il, enfin, de recourir au bracelet anti-rapprochement. Mais vous oubliez qu'à ce stade, il faut que le compagnon violent l'accepte. Nous ne sommes pas dans une procédure pénale, mais civile, et la privation de liberté qu'implique le bracelet anti-rapprochement n'est pas comparable à celle du bracelet électronique que nous connaissons.

Certes, il faut le porter, ce qui représente, en soi, une atteinte corporelle. Mais le bracelet a seulement vocation à alerter son porteur lorsqu'il s'approche d'un lieu où se trouve habituellement la victime : ce n'est donc pas, de mon point de vue, une atteinte colossale aux libertés de la personne. Je rappelle en outre qu'il s'agit d'une disposition précaire, qui s'applique pendant six mois. Le juge civil ne pourra statuer qu'avec l'accord du compagnon violent. Ce que nous ajoutons, c'est le pont, que plusieurs d'entre vous ont évoqué, entre le civil et le pénal. Si le compagnon violent refuse de porter un bracelet, le juge civil ne peut pas forcer cette décision : il transmettra le dossier au parquet. Celui-ci pourra utiliser ses pouvoirs coercitifs. Le dispositif que nous proposons répond à l'ensemble de vos préoccupations.

La véritable révolution au sujet du bracelet anti-rapprochement aura lieu au stade de l'ordonnance de protection. Si les Espagnols ont réussi à relever le défi, c'est parce qu'ils ont appliqué un principe de précaution absolue. Quand une femme explique qu'elle est en danger et que le magistrat dispose d'un certain nombre d'éléments qui lui donnent, non la certitude, mais la conviction intime que c'est le cas, il faut appliquer le principe de précaution. On le fait dans beaucoup d'autres domaines avec bien plus de rigueur que lorsque la vie des femmes est en jeu. L'introduction du bracelet anti-rapprochement au stade de l'ordonnance de protection permettra d'appliquer un principe de précaution qui s'impose.

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