Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du vendredi 27 septembre 2019 à 13h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

S'agissant de la suppression des taxes à faible rendement, nous avons prévu de budgétiser 23 millions d'euros dans le projet de budget pour 2020 afin de garantir leur compensation intégrale – on notera qu'une partie de ces petites taxes relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale – 93 millions en 2021 et 95 millions en 2022. Le débat parlementaire permettra peut-être de décider d'autres suppressions de taxes : c'est ce que nous avions fait l'année dernière en acceptant un certain nombre de propositions du Parlement, notamment faites par vous, monsieur le rapporteur général.

La question de la programmation des finances publiques s'est évidemment posée au Gouvernement. Nous présenterons un projet de loi de programmation des finances publiques au printemps, sans doute au mois de mars ou d'avril 2020 : il apparaît assez conforme à l'idée de la sincérité budgétaire d'attendre le printemps pour revoir la trajectoire des finances publiques, pour deux raisons essentielles. Premièrement, il nous faut connaître précisément l'influence du Brexit sur notre économie ; les chiffres évoqués par le HCFP, à supposer qu'ils soient avérés, ce que nous ne pensons pas, remettraient en cause une trajectoire si jamais nous avions à présenter notre programmation des finances publiques aujourd'hui. La deuxième raison concerne le débat à venir sur les retraites dont nous connaissons le montant important dans le fonctionnement de notre dépense publique : 340 milliards d'euros, 14 % du PIB, 28 % de la dépense publique. Si nous avions présenté maintenant un projet de loi de programmation des finances publiques, nous aurions sans doute eu un débat intéressant, mais il aurait dû être modifié dès le mois de novembre ou de décembre en raison du Brexit, puis de la réforme des retraites qui sera discutée l'année prochaine. En tout état de cause, il y aura bien une loi de programmation des finances publiques ; je crois savoir que le Premier ministre vous a écrit à ce propos, monsieur le rapporteur général, ainsi qu'à M. le président de la commission des finances.

S'agissant de votre question sur les heures supplémentaires, la différence relève du passage au prélèvement à la source. Les 3 milliards en 2019 se décomposent en 2 milliards d'exonérations sociales et 1 milliard d'exonérations fiscales. Les 3,8 milliards de 2020 se décomposent en 2 milliards d'exonérations sociales et 1,8 milliard d'exonérations fiscales. La différence d'exonération fiscale vient du prélèvement à la source qui permet d'anticiper le gain pour nos concitoyens. D'ailleurs, M. le président Woerth et une partie de ceux qui siègent à la droite de cette commission gagneraient à se féliciter de la réussite du prélèvement à la source et à avouer qu'ils ont eu tort de le décrire à maintes reprises comme une catastrophe absolue pour les Français. Les enquêtes des instituts de sondage comme les réactions des contribuables montrent combien ces derniers jugent le prélèvement à la source facile, efficace, cohérent et de nature à faire entrer notre pays dans la modernité, à l'instar de pratiquement tous les pays occidentaux : nous étions le seul, avec la Suisse – laquelle pratique une fiscalité différente – à ne pas l'avoir institué. Ce dispositif rend, à leurs dires, un grand service à nos concitoyens, puisque l'impôt s'adapte à leur vie. C'est une grande réussite de l'administration fiscale, et cela a conduit à une transformation du pays en tout point satisfaisante.

Si votre groupe politique a eu tort, me semble-t-il, M. le président, de s'opposer d'emblée à cette réforme avec tant de véhémence, vous auriez tort de chercher à vous rattraper ainsi… J'ai du mal à suivre votre raisonnement : si les revenus augmentent, c'est parce que la politique économique du Gouvernement fonctionne ; si les gens bénéficient d'une augmentation de revenus, il est logique que l'impôt sur le revenu s'accroisse. Ce n'est pas à vous que j'apprendrai que l'impôt sur le revenu, depuis sa création, est par principe proportionné au niveau des revenus, avec des barèmes, des tranches : plus vous gagnez d'argent, plus vous payez d'impôt. L'impôt étant devenu contemporain, l'effet d'une hausse des revenus est immédiat, et non plus décalé d'un an ; mais cela vaut aussi en cas de baisse de revenus : lorsque nos compatriotes perdent leur emploi, des demi-parts fiscales ou des revenus, par exemple lorsqu'ils prennent leur retraite – ils sont 400 000 à 500 000 dans ce cas chaque année –, nous leur évitons ainsi bien des ennuis fiscaux. Par ailleurs, le prélèvement à la source va permettre d'améliorer le recouvrement, en procurant à l'État 2 milliards de recettes supplémentaires : 1 milliard, à titre exceptionnel, correspondant à l'effacement de l'année « blanche » 2018, et 1 milliard consécutivement à l'amélioration du recouvrement, hors produit des contrôles fiscaux. Sans doute constatera-t-on l'année prochaine, dans la loi de règlement, que ce dernier chiffre excédera 1 milliard, grâce aux effets de ces contrôles. S'il y a bien une appréciation positive à faire des PLF 2018 et 2019, c'est la réussite du prélèvement à la source, qu'on doit notamment à l'administration fiscale, mais aussi aux parlementaires, qui ont bien voulu l'accompagner et l'améliorer – je pense notamment, mais pas seulement, à Mme Cendra Motin.

S'agissant du Brexit, M. le rapporteur général, il est difficile de prévoir l'avenir, de connaître exactement la nature des liens – juridiques, frontaliers – qui nous lieront à nos amis britanniques. Ce qui est certain, c'est que nous sommes prêts à accompagner les entreprises françaises. Je vous rappelle qu'elles ne sont que 100 000 – même si ce chiffre n'est pas négligeable – à importer ou exporter des produits avec la Grande-Bretagne. Demain, à défaut d'accord, nous aurons avec ce pays les mêmes rapports que ceux que nous entretenons avec l'Afrique du Sud, État avec lequel nous avons des échanges, mais pas de liens juridiques et douaniers particuliers. Nous aurons toujours un tunnel, des ports, singulièrement celui de Calais ; le problème essentiel créé par le Brexit – et la clé d'une transition réussie – consistera, pour les 100 000 entreprises françaises, à s'habituer à cette relation internationale. Cela étant, je rappelle que 80 % des containers et des camions qui arrivent en France par le tunnel ou par le port de Calais – qui est le port essentiel – ne sont pas français et transportent des marchandises produites par des PME non françaises. J'ai donc du mal à concevoir que le Brexit puisse avoir une incidence aussi forte que d'aucuns le disent sur l'économie française. Nous aurions évidemment tous préféré garder un lien juridique et douanier avec la Grande-Bretagne, ce qui aurait sans doute eu des effets plus favorables sur l'économie – à plus forte raison si un Brexit dur devait survenir. Toutefois, nous ne sommes pas à l'abri de surprises : chacun aura compris que les affaires politiques se passent parfois de façon originale chez nos amis britanniques… Nous observerons l'évolution de la situation avec attention.

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