Intervention de Alexis Corbière

Séance en hémicycle du jeudi 10 octobre 2019 à 21h30
Violences au sein des couples et incidences sur les enfants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Je crois pouvoir parler au nom de l'ensemble de la représentation nationale quand je salue toute initiative s'attaquant aux violences intrafamiliales, à celles faites aux femmes et à leurs incidences sur les enfants. C'est pourquoi, Valérie Boyer, nous vous remercions d'avoir, avec votre groupe, lancé le débat.

Le durcissement de l'arsenal répressif à destination des coupables fera, j'en suis sûr, l'unanimité. Châtier tous ceux qui sont violents – souvent, bien sûr, des hommes – , personne ne s'y opposera, à moins de s'en rendre complice. Toutefois, je regrette que le texte proposé consiste essentiellement en un renforcement de la répression et qu'aucun dispositif significatif ou qu'aucun moyen supplémentaire n'y figure pour la prévention et l'accompagnement des victimes.

Nous le savons, les violences intrafamiliales s'accompagnent de traumatismes psychiques et psychologiques graves. Or condamner les coupables est nécessaire mais ne suffit pas à épargner les victimes. Je tiens à le rappeler solennellement : rien que dimanche dernier, deux femmes mouraient sous les coups de leur conjoint, étranglée ou battue, portant à 119 le nombre de féminicides en France depuis le début de l'année : 119 !

Face à cela, que faisons-nous, que fait le Gouvernement ? Mardi 3 septembre, ce dernier ouvrait son Grenelle des violences conjugales. À cette occasion, Mme la secrétaire d'État Marlène Schiappa expliquait qu'il n'y avait pas « d'argent magique » pour les associations, en essayant, tant bien que mal – plus mal que bien, avouons-le – , de canaliser les colères pour, doucement, peut-être, les « invisibiliser ». Au fond, de mon point de vue, ce Grenelle sera aux violences conjugales ce que le grand débat aura été aux injustices sociales : une non-réponse, un temps purement médiatique.

En parallèle et au moment où je vous parle, un collectif fait fleurir sur les murs des rues de Montreuil des slogans dénonçant les féminicides. Je leur dis tout mon soutien. Puissent ces phrases fortes éveiller les consciences de ceux qui jusqu'à présent restaient indifférents.

Récemment, j'ai reçu dans ma permanence, comme cela vous est sans doute arrivé, une femme victime de violences conjugales. En pleurs, elle m'a demandé un logement que je ne pouvais évidemment pas lui attribuer. J'ai écrit au préfet, à Paris Habitat, à Mme Schiappa : rien n'y a fait. Les réponses, lapidaires, se contentaient de rappeler les procédures administratives à suivre pour déposer un dossier de demande de logement – procédures interminables, totalement inadaptées à l'urgence qui s'impose dans de telles situations.

Les associations qui essaient d'apporter des solutions sont elles aussi sabordées. Je citerai la Maison des femmes de Montreuil, que beaucoup connaissent, qui doit faire face à une baisse de ses subventions de 10 000 euros chaque année depuis dix ans ! Je laisse chacun calculer la somme. À Bagnolet, avec pratiquement le seul concours du département et de la ville de Paris, un lieu d'accueil et d'orientation a ouvert ses portes pour les jeunes femmes victimes de violences. C'est une bonne chose, et chaque collectivité locale devrait avoir les moyens de mener de telles actions.

Mais je ne peux conclure sans parler des conséquences sur les enfants de ces violences intrafamiliales. Votre proposition de loi l'évoque mais, là encore, je pointerai certains dysfonctionnements graves qui, à cause des politiques d'austérité, mettent en danger ces enfants. Je ne citerai qu'un exemple : dans la juridiction de Bobigny, lorsqu'une mesure de placement est prononcée par un juge des enfants, il s'écoule jusqu'à dix-huit mois avant que celle-ci ne soit appliquée ! À chacun de méditer les conséquences de ces manques de moyens.

Voilà ce que nous avions à dire sur ce texte. En guise de conclusion, je répéterai : oui au durcissement des sanctions contre les conjoints violents ; oui, au renforcement des mesures visant à protéger les enfants. Néanmoins, et c'est ce qui manque dans le texte et qui justifiera notre difficulté à voter pour tel quel, nous voulons une meilleure prise en charge des femmes victimes de violences, mais aussi le déploiement de moyens supplémentaires pour permettre à la justice de faire son travail dans des délais raisonnables, enfin l'octroi de crédits permettant aux collectivités territoriales et aux associations d'agir dans l'intérêt des femmes, des enfants et de toutes les victimes de violences.

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