Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du mercredi 9 octobre 2019 à 14h35
Commission des affaires étrangères

Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes :

Le ministère des finances français travaille sur des mécanismes incluant le pétrole iranien d'ailleurs.

Monsieur Lambert, je suis prête à décrire ce que nos partenaires nous disent de ces propositions telles que je les connais. Tout ce que nos partenaires disent peut changer jusqu'au Conseil. Sur le climat, la coalition est composée de vingt-quatre pays qui veulent la neutralité carbone en 2050. Ce sont des pays porteurs de certaines idées, prêts à créer des moyens financiers comme le fonds de transition juste. Sur le principe ces pays considèrent que c'est une priorité. La difficulté restante concerne l'ampleur des moyens et les modalités à mettre en oeuvre. Il faut également trouver une solution pour continuer à travailler avec les trois pays restants qui sont d'ailleurs devenus deux depuis que l'Estonie nous a rejoints.

Sur le sujet de l'agriculture, vingt pays soutiennent une augmentation de l'enveloppe de la PAC par rapport à ce qui était proposé par la Commission. Certains soutiennent le premier pilier comme la France, d'autres sont pour augmenter le second pilier. Les ministres de l'agriculture vont faire des déclarations pour éclairer les positions collectives sur la PAC. Sur les enjeux sociaux, il y a des États favorables à ce que le semestre européen inclue un vrai volet social – sur le montant des salaires, les salaires plancher –. Les positions françaises ne sont jamais isolées sur ce sujet comme sur d'autres. Sur le budget, nous avons une position médiane, sur les autres sujets nous sommes parmi les pays les plus ambitieux mais nous ne sommes jamais seuls. Il y a des coalitions sujet par sujet qu'il faut animer et élargir. Il nous faut être extrêmement habiles. Mon travail consiste justement à construire des coalitions, parfois avec certains pays, parfois avec d'autres.

Madame Trisse, que se passera-t-il en termes de flux de personnes avec le Brexit ? Les Britanniques avaient posé un principe clair quand Theresa May était Premier ministre : les règles de circulation des personnes resteraient inchangées quoi qu'il arrive, y compris en cas de « no deal » jusqu'en décembre 2020. Certaines déclarations récentes de la ministre de l'intérieur britannique laissent entendre qu'ils pourraient vouloir amender le droit des étrangers, notamment pour les Européens qui viendraient sur leur sol pour plus de trois mois. J'ai encore hier posé la question aux Britanniques pour que nous comprenions si cela inclurait des démarches à l'arrivée au Royaume-Uni et potentiellement au passage de la frontière. Je n'ai pas de certitude quant à la réponse aujourd'hui. Mais c'est un point sur lequel nous sommes extrêmement vigilants. Cette question est essentielle pour notre capacité à nous organiser dans les ports, les gares, etc. La frontière est gérée sur le sol français par la police française et britannique. S'il faut faire des files différentes selon les personnes, il faut nous le dire vite.

Madame Le Peih, sur les fonds européens agricoles, la coalition autour de la PAC est importante. Une vingtaine de pays sont alignés sur le fait nous devons maintenir la PAC à son niveau en valeur sur la période 2021-2027. Il est clair pour ces pays que nous devons investir davantage et financer la transition. Nous accompagnons cette transition. Les fonds de développement rural doivent pouvoir se déployer de manière plus simple. Nous allons négocier le budget de la PAC et tâcher de faire au mieux pour avoir ces mécanismes d'investissements et d'accompagnement de la transition mais il faut ensuite que nous soyons capables de les déployer.

Monsieur Kokouendo, sur les fonds européens consacrés à l'intégration et aux migrations, des orientations fortes ont été données par les ministres de l'intérieur sur les types de politiques à soutenir notamment l'enseignement de la langue ou encore l'accès au marché du travail des réfugiés comme le programme HOPE. Nous devons faire non pas de la discrimination positive mais avoir les bons mécanismes et ne pas contrevenir à certaines dispositions légales. Nous avons aussi dans les programmes structurels des outils qui peuvent nous aider à compléter les actions nationales. Les fonds européens de l'aide à l'entrepreneuriat ou au soutien aux dynamiques de politiques de la ville peuvent également appuyer les programmes nationaux.

Monsieur El Guerrab, je vais vous répondre sur les accords de Cotonou, et ce que nous cherchons à faire en direction des pays ACP. Les États membres ont adopté un mandat qui est bon à nos yeux, qui préserve l'acquis de Cotonou. Il engage un dialogue politique ainsi qu'un dialogue sur les valeurs et surtout une meilleure prise en compte des priorités régionales. Ainsi nous pourrons avoir une vraie stratégie avec chacune des zones géographiques et également une vraie réflexion sur l'intégration régionale. L'Europe doit faciliter les dynamiques sur l'intégration régionale pour créer une cohérence de déploiement des fonds. Nous sommes en négociations. Les volets Caraïbes et Pacifique ont plus avancé que le volet Afrique de l'ACP.

Monsieur Cordier, j'ai déjà beaucoup parlé des fonds européens. Ce que je cherche à faire sur ce sujet est dans l'intérêt de tous les élus, des députés, du Gouvernement, des présidents de régions, des acteurs européens. Il s'agit de nous assurer que nous savons et que nous pouvons déployer pleinement les fonds jusqu'au terrain. Toute personne désirant travailler avec moi sur des choses qui ne fonctionnent pas est la bienvenue. Le but est que nous puissions repartir sur une dynamique de déploiement intensif en 2021. J'ai ainsi demandé à des préfets de me faire remonter tous les problèmes sur le terrain pour que nous puissions les traiter.

Sur l'harmonisation des règles fiscales, la France n'est pas en faveur de l'unanimité dans ce domaine. Nous considérons que nous perdons du temps avec l'unanimité. La taxation minimale telle qu'elle est négociée à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est un chemin intéressant pour l'Union. Je fais le lien avec la question de M. Mahjoubi. La question du numérique et de la taxation du chiffre d'affaires est bien sûr importante et avance bien. Les pays les plus récalcitrants ne bloquent plus le processus. L'Union européenne est relativement unie sur le sujet. Mais la taxation minimale est une capacité à définir une taxation qui s'applique à tous les acteurs économiques. Les États-Unis ont retenu un seuil de 10 % d'impôts minimal. Cela permet de gommer les disparités d'assiette. On fait fi des mécanismes d'optimisation réciproques. Je pense que c'est une démarche éclairante sur ce nous pouvons faire au niveau européen. Il ne faut cependant pas tuer les objectifs politiques dans ces négociations techniques. Il faut rester cohérent avec l'OCDE.

Monsieur Maire, intégrer le climat et le développement durable dans le commerce, c'est une priorité française, partagée je crois. C'était dans la feuille de route d'Ursula von der Leyen. Elle a bien dit que l'enjeu climatique n'était pas un enjeu parallèle mais devait être présent dans toutes les régulations européennes : dans les règles financières, d'investissement, etc. Si nous ne sommes pas cohérents et si nous nous empêchons de faire des choses positives pour le climat parce que certaines régulations européennes n'ont pas été mises à jour, les citoyens ne vont pas comprendre. C'est un sujet sur lequel nous travaillons activement.

Monsieur Girardin, ce que vous décrivez c'est un mécanisme d'aide d'État non justifié et il faut le notifier. Selon les règles, au-dessus de 200 000 euros d'aides publiques, au bout de trois ans, nous rentrons dans le domaine des aides d'État. Il faut expliquer à la Commission européenne pourquoi telle entreprise ou activité a bénéficié de fonds publics. Si cela s'applique à l'entreprise dont vous me parlez, il y a une procédure officielle qui permet de le notifier. On poursuivra la discussion avec vous bien volontiers.

Madame Poletti, la révision du droit à la concurrence évidemment est une priorité. Par exemple, Mme Goulard à qui on propose le portefeuille de l'industrie, aura à travailler sur la concurrence et l'industrie. Mais il y a d'autres sujets comme la concurrence et le commerce, comme l'entrée sur nos marchés d'acteurs super subventionnés par les puissances publiques. L'ambition est de pouvoir considérer que les concurrents ne sont pas juste au sein de l'Europe mais aussi sur un marché mondial. Certains biens sont échangés sans frontière. Le droit à la concurrence doit pouvoir identifier sur quels marchés ces biens sont diffusés : locaux, régionaux ou mondiaux. Mme Vestager a été très claire sur ces enjeux-là. Il faut s'adapter à la concurrence et au numérique. On voit bien que des acteurs qui sont en concurrence avec d'autres acteurs traditionnels ont des pratiques très différentes et qui posent questions. Là aussi, la position française est très forte, et la position allemande est très proche de la nôtre, ce qui est relativement nouveau.

Madame Rauch, à propos de la convention d'Istanbul, vous étiez à Strasbourg pour les soixante-dix ans du Conseil de l'Europe. Le sentiment que nous avons est qu'être progressiste sans faire comprendre que la moitié de la population ne peut pas vivre dans la peur de se faire agresser, ne sert à rien. On porte une politique féministe dans les grandes instances mondiales. Nous voudrions d'ailleurs universaliser la convention d'Istanbul. Il y a des bonnes nouvelles. L'Arménie a annoncé qu'elle travaillait avec l'Europe à une ratification de ce texte. D'autres pays travaillent à l'étude juridique de la cohérence entre cette convention et leur droit. Si vous pouvez nous aider, c'est par vos liens avec les parlementaires de pays tiers, notamment à travers vos groupes d'amitié. Il faut que les faits soient connus. En France, nous n'avons pas de leçons à donner mais nous avons une conscience collective de ce que sont les féminicides et les violences faites aux femmes car les faits sont sur le devant de la scène. Mais, dans beaucoup de pays, la ratification n'a pas encore eu lieu et l'idée selon laquelle ce sujet est un petit sujet existe. Or c'est un petit sujet jusqu'à ce qu'on en réalise l'ampleur. La diplomatie parlementaire peut aider, je le crois, à la prise de conscience populaire.

Monsieur Mahjoubi, je crois avoir déjà répondu à votre question.

Madame Lenne, sur la coopération transfrontalière franco-suisse, d'abord, il s'est passé plein de belles choses entre la Suisse et la France : en termes de transports, de systèmes hospitaliers, etc. Cela concerne aussi la relation avec le Luxembourg. La prochaine étape, c'est la formation. Il s'agit de nous assurer que les bassins d'emplois soient mieux identifiés et que nous formions assez de personnel pour qu'ils puissent travailler de part et d'autre de nos frontières. La relation franco-suisse est forte. Je me suis rendue à Berne, nous avons fait de grands progrès sur les investissements dans l'infrastructure aéroportuaire par exemple. Ce sont des sujets sur lesquels il y a une vraie dynamique, nous sommes au service des citoyens. Ce sont des laboratoires et nous travaillons sur notre capacité à transformer la diplomatie en résultats concrets pour ceux qui vivent dans ces régions.

Madame Clapot, sur les Balkans, le sujet n'est pas de changer les règles du jeu en cours de route puisque les négociations d'adhésion n'ont pas commencé. Nous aimerions pour ces pays, le jour venu, négocier sur des bases efficaces et de confiance mutuelle. La France a posé des conditions pour ouvrir les négociations, nous voulons que ces conditions soient remplies. C'est également ce qu'a dit le Bundestag. Dans l'intérêt de tous, il faut que ces négociations se fassent dans un cadre bénéfique pour les peuples, la jeunesse et les entrepreneurs. Il faut porter ces exigences. L'Europe a un rôle pour la stabilité de la région et la géopolitique. Les Balkans sont au coeur de l'Europe. Il faut donc investir politiquement et économiquement dans ces régions.

Monsieur Buon Tan, la relation UE-ASEAN et l'axe indopacifique forment évidemment une relation importante. Chaque bloc possède 500 à 600 millions d'habitants si on exclut la Chine. Je crois que l'ambition de former un partenariat stratégique est connue mais bloquée car l'Indonésie et la Malaisie portent le sujet de l'huile de palme au coeur de ces négociations et en font un point bloquant. L'ASEAN représentent trente et un partenaires commerciaux potentiels et donc c'est autour de ce bloc que doit être pensée une stratégique indopacifique. Nous mettons les enjeux de développement durable et de climat à un niveau stratégique, notamment sur l'huile de palme.

Madame Chapelier, à Malte, quatre pays ont travaillé ensemble sur un mécanisme de gestion des débarquements de migrants sauvés en mer. C'était l'objet de l'échange entre les ministres hier à Luxembourg. Nous avons aujourd'hui une dizaine de pays prêts à aider quand de prochains bateaux arriveront. Nous ne souhaitons pas que ces drames se produisent. Mais nous pensons que, quand cela se produit, nous avons à être beaucoup plus efficaces sur ces sujets humanitaires. Voici quelques chiffres. Parfois, on a l'impression qu'on parle de centaines de milliers de personnes. La France est le pays à avoir accueilli le plus de personnes depuis juin 2018 via ces mécanismes, avec six cents personnes. En Allemagne, ce sont trois cents personnes et, au Luxembourg, soixante. Par rapport aux flux migratoires qui arrivent par voie terrestre, ce sont de tous petits chiffres. Bien sûr il y a tous ceux que nous n'avons pas réussi à sauver. Hier, à Luxembourg, une dizaine d'États se sont accordés pour travailler ensemble pour accueillir de manière rapide ces personnes. Nous avons une obligation plus importante d'agir avec humanité et d'empêcher ces hommes et femmes de monter sur des bateaux qui les mettent les exposent à la mort. Nous travaillons ainsi afin de sauver des personnes qui sont en situation de besoin manifeste, en leur faisant prendre des avions. Ce sont 10 000 personnes que la France a accepté d'accueillir avec le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR).

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