Intervention de Caroline Fiat

Réunion du jeudi 10 octobre 2019 à 16h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

Comme l'an dernier, nous avons reçu le PLFSS 2020 moins de 22 heures avant cette audition. Sauf à vouloir entraver notre travail, comment pouvez-vous nous imposer dans de tels délais un projet de loi de soixante-quatre articles et de plusieurs centaines de pages ? Je l'ai répété hier en séance, cela compromet gravement l'exercice de notre mission. J'espère que vous saurez nous entendre à l'avenir. Je tiens toutefois à remercier vivement la présidente de son aide sur ce sujet. Ne prenez pas cette remarque à la légère, vous n'imaginez pas ma colère devant ce mépris pour la représentation nationale. Nous parlons pourtant ici d'une institution issue de la Seconde Guerre mondiale et du CNR, une des décisions les plus importantes et les plus transpartisanes du XXe siècle. Permettez-nous de travailler correctement !

Le PLFSS 2020 prend le contre-pied de l'euphorie affichée à la présentation du PLFSS 2019, qui prévoyait un retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale. La réalité de 2019 est cruelle et parlante : un déficit de 5,4 milliards d'euros et une prévision de 5,1 milliards pour 2020, avec plus de 4 milliards d'économies nouvelles. Il s'agit clairement d'un texte de renoncement et de déception. Le déficit affiché n'est pas le fruit du hasard, il est le choix conscient du Gouvernement de poursuivre et d'amplifier sa politique d'exonération de cotisations sociales. Et surtout, ne me dites pas que c'est la faute des « gilets jaunes » !

Les mesures d'urgence pèseront encore fortement sur le budget : je pense au prolongement de l'exonération des cotisations sur la prime exceptionnelle, jusqu'à 1 000 euros, à l'exonération des cotisations sur les heures supplémentaires, pour un coût de 1,8 milliard, à la suppression du forfait social sur l'épargne salariale dans les PME votée dans la loi « PACTE », pour un coût de 600 millions d'euros, et à la création, non financée, d'un taux intermédiaire de la CSG des retraités.

Pourtant, l'heure n'a jamais été aussi propice à une augmentation du budget de la sécurité sociale : les taux d'intérêt sont historiquement bas, ce qui fait la joie des éditorialistes économiques néo-libéraux que vous aimez tant écouter.

Ayons malgré l'honnêteté d'évoquer quelques mesures particulièrement positives : la prise en charge de la contraception pour les mineurs de moins de 16 ans ; la rémunération, bien que limitée, des congés des proches aidants ; la réalisation de tests rapides d'orientation diagnostique et d'évaluation par les pharmaciens.

Ces mesures ne masquent cependant pas les manquements les plus criants. La politique du grand âge reste au point mort. Malgré l'urgence, aucune réponse n'est apportée aux personnels des SAAD et des EHPAD. Mardi, les personnels étaient une fois encore dans la rue, avec des revendications qui n'ont pas changé depuis plusieurs années. Faute de moyens, la maltraitance institutionnelle se poursuivra et le Gouvernement en sera comptable.

Même si, pour le Président de la République, le mot « pénibilité » « donne le sentiment que le travail serait pénible », sachez que, oui, le travail de soignant est devenu pénible. Afficher un ONDAM à 2,3 %, ce qui implique un nouveau train de mesures d'économie, relève d'une véritable provocation. Après plus de six mois de grève aux urgences, cette décision laisse n'importe quel observateur sans voix. Pourtant, des mesures de bon sens pour l'hôpital vous sont proposées. Je vous le dis avec force, l'hôpital agonise ! Vous devez nous répondre, et répondre aux soignants.

La première mesure consiste à mettre fin à l'assujettissement des hôpitaux à la taxe sur les salaires – qui représente 4 milliards d'euros. Plus généralement, c'est notre modèle social qui est en jeu. À l'aube d'une réforme des retraites des plus injustes, vous promettez aux Français une austérité budgétaire absurde. La sécurité sociale n'est pas née d'un coup de tête en 1945, elle est l'aboutissement d'un siècle de luttes pour les droits sociaux, pour la dignité humaine.

La discorde ne porte pas sur une simple histoire de virgule : ce budget porte le poids de l'histoire que nous sommes en train d'écrire. En tant que femme, mère, parlementaire et républicaine, je suis choquée par l'entorse terrible que vous faites au pacte républicain.

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