Intervention de Constance Le Grip

Séance en hémicycle du lundi 21 octobre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Article 36 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaConstance Le Grip :

Dans le marathon budgétaire que nous courons chaque année, dont la cadence est, si ce n'est infernale, tout du moins très soutenue, et dont la chronologie s'avère parfois bousculée, il y a un point de repère, celui du temps réservé à l'examen du montant de la contribution française au budget de l'Union européenne. Ce rendez-vous stable est, au-delà de l'importance de la somme en jeu – 21,3 milliards d'euros – , le bienvenu pour débattre de l'avenir de l'Europe et de ses politiques. En tant que membre fondateur de l'Union et contributeur net, à hauteur de 7 milliards d'euros, notre pays se doit avoir un débat éclairant, ne serait-ce qu'en raison de la période troublée que nous traversons. Comme cela a été dit, il y a beaucoup d'incertitudes.

La première incertitude concerne les recettes estimées. La conjoncture macroéconomique mondiale ne peut que nous inciter à la prudence, à l'heure où nous parlons, car l'économie mondiale ralentit. En effet, les dernières prévisions estiment la croissance du PIB de la zone euro autour de 1,2 %, rythme le plus faible de la décennie selon l'OCDE, avec 1 % pour l'Allemagne, 1,2 % pour la France avant une probable prochaine révision, 1,8 % pour l'Espagne et 0 % pour l'Italie. Ce ralentissement se répand du fait de la dégradation du climat économique, notamment dans l'industrie, mais aussi des résurgences protectionnistes qu'attestent les hausses de tarifs douaniers et les tensions géopolitiques au Moyen-Orient avec leurs conséquences sur le prix du baril de pétrole. Néanmoins, le ralentissement de la croissance dans la zone euro ne doit pas nous faire oublier que ces mêmes prévisions évaluent la croissance des États-Unis à 2,5 % et celle de la Chine et de l'Inde à 6 %. Ces prévisions économiques sont importantes car la part issue du revenu national brut – RNB – est la principale fraction des ressources de l'Union européenne. La contribution française est entourée d'un halo d'incertitudes, et la sincérité des prévisions budgétaires de la Commission européenne n'est pas garantie, car la croissance effective aura un impact sur le montant définitif de la participation française au budget de l'Union.

Dans ce contexte, certains choix opérés par le Gouvernement en matière budgétaire et fiscale interrogent les députés du groupe Les Républicains. Les longs débats budgétaires que nous avons déjà eus dans notre assemblée nous ont donné l'occasion d'exprimer nos réserves et nos réticences, ainsi que d'avancer des propositions. L'obligation de sérieux et de crédibilité est une ardente nécessité pour notre pays : elle fait partie de notre responsabilité et de notre mission de membre fondateur de l'Union européenne.

La deuxième incertitude qui plane sur nos débats a trait aux besoins de l'Union européenne pour 2020 et, au-delà, pour les années 2021 à 2027, période couverte par le prochain cadre financier pluriannuel. Nous sommes encore dans une période de conciliation, le Parlement européen devant voter après-demain ses amendements au projet de budget adopté par le Conseil après proposition de la Commission. La nouvelle Commission, qui n'entrera pas en fonction le 1er novembre mais un mois plus tard, ne devrait pas remettre en cause les grands équilibres budgétaires ni perturber le dialogue entre le Conseil et le Parlement, ce qui, de notre point de vue, est tout à fait heureux.

À la suite du revers assez cinglant infligé au Président de la République, dont la candidate à la commission a été rejetée, le groupe Les Républicains appelle instamment à ce que le périmètre du grand portefeuille réclamé officiellement par notre pays au sein de la Commission européenne soit sauvegardé ; à l'heure où nous parlons, nous n'avons pas d'assurances en la matière. Nous sommes très attachés au Fonds européen de la défense et à la politique de sécurisation du Sahel : nous ne souhaitons pas que ce rendez-vous soit manqué.

Je ne reviendrai pas sur les grandes priorités du budget de l'Union européenne pour 2020, dernier exercice du cadre financier pluriannuel, car elles ont été excellemment et précisément présentées dans les rapports de nos collègues, que j'ai lus attentivement. Nous pouvons faire nôtres ces priorités, qui sont souvent très pertinentes. Comment s'opposer, par exemple, à ce que l'on mette l'accent sur le renforcement de la compétitivité de l'économie européenne ou que l'on accorde un financement suffisant à l'encadrement des migrations et à la protection des frontières extérieures de l'Union ? Encore une fois, tout cela est de bon aloi. Les hausses de crédits prévues dans le cadre du programme Horizon 2020, notamment pour les programmes spatiaux EGNOS et Galileo, ou encore pour le programme COSME visant à soutenir l'entrepreneuriat dans les PME, sont tout à fait souhaitables.

Nous nous satisfaisons également de voir que le versement des crédits de la deuxième tranche du programme « Facilité en faveur des réfugiés en Turquie » a disparu du budget. Cela nous semble la moindre des choses, compte tenu de la très nette dégradation des relations entre l'Union européenne et la Turquie après l'offensive militaire turque au Kurdistan syrien, alors que l'occupation d'une partie de l'île de Chypre se prolonge depuis quarante-cinq ans et que de nouveaux forages illégaux ont lieu. Tout cela devrait nous conduire à considérer le chantage exercé par le président turc à l'encontre de l'Union européenne comme absolument intolérable. Nous souhaiterions, à tout le moins, que la République française rappelle son ambassadeur à Ankara.

Madame la secrétaire d'État, comment sont utilisés les 480 millions d'euros prévus au titre de la participation de la France au désendettement de la Grèce ?

Je tiens également à souligner l'énorme incertitude que font planer les épisodes à rebondissements du Brexit. Nous savons qu'il faudra faire face, le moment venu, au départ du Royaume-Uni. Dans son rapport, notre collègue Pascal Brindeau estime que le Brexit engendrera, pour l'Union européenne, une perte de recettes de 12 à 14 milliards d'euros chaque année. En conséquence, la contribution française augmentera substantiellement. Nous vous appelons à veiller scrupuleusement, dans les jours et les semaines à venir, à ce qu'en cas d'accord avec le Royaume-Uni, celui-ci s'engage fermement à assumer ses responsabilités financières jusqu'à la fin de la période de transition.

Je terminerai mon intervention en évoquant, en quelques mots, les ressources propres de l'Union européenne. Les pistes de travail en la matière ont été mises sur la table – il y aurait beaucoup à dire. À l'instar du président Woerth, j'en appelle à un principe de réalité, ou tout du moins à un principe de constance : si de nouvelles taxes européennes devaient être créées afin d'affecter de nouvelles ressources propres au budget de l'Union européenne, ce mouvement devrait systématiquement s'accompagner d'une diminution à due proportion des impôts nationaux. Dans le cas contraire, nous irions au-devant de graves déconvenues : l'opinion publique ne comprendrait plus du tout le bien-fondé de notre politique européenne.

L'instauration d'une taxe sur les activités numériques doit également être regardée avec une certaine circonspection. Nous nous réjouissons qu'un accord ait été trouvé au sein de l'OCDE en vue de la mise en place d'une telle taxe à l'échelle internationale, mais cela laisse planer une certaine incertitude sur l'éventuelle affectation d'une taxe numérique européenne au budget de l'Union.

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