Intervention de Anne-Marie Curat

Réunion du mercredi 9 octobre 2019 à 15h05
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Anne-Marie Curat, présidente du Conseil national de l'Ordre des sages-femmes :

Les sages-femmes sont bien sûr au coeur du problème des violences. La lutte contre les violences faites aux femmes est une priorité pour les sages-femmes défenseurs du droit des femmes. Depuis 2013, nous avons travaillé en partenariat avec la MIPROF et avec Ernestine Ronai pour proposer des formations aux sages-femmes. Nous avons vraiment oeuvré pour que cette initiative se diffuse sur tout le territoire, en veillant par exemple à ce que toutes, dans les réunions de conseils départementaux, il y ait eu une communication sur les violences et que des formations aient été proposées.

Nous avons beaucoup travaillé pour que les sages-femmes puissent vraiment repérer, dépister les violences et ce de façon systématique lors de chaque consultation. Notre profession touche toutes les femmes puisque, depuis 2009, nous sommes maintenant compétents pour le suivi gynécologique de prévention. À ce titre, nous suivons et nous accompagnons toutes les femmes en dehors de la grossesse, pendant la grossesse, tout au long de la grossesse et quelle que soit l'issue de la grossesse – je rappelle que nous avons la compétence pour des IVG médicamenteuses. Nous sommes donc clairement au coeur de l'accompagnement et de la prise en charge des femmes.

La grossesse est un moment où vont éclater les violences conjugales, notamment lorsqu'elles sont latentes au niveau du couple. Les nombreux rendez-vous de suivi de la grossesse avec un professionnel de santé doivent donc être l'occasion de repérer les violences. Comme interlocuteur de premier niveau, les sages-femmes doivent utiliser tous les outils disponibles pour ce repérage. Beaucoup d'entre nous participent aux formations de la MIPROF et réfléchissent à l'articulation entre signalement et respect du secret médical. Au sein de l'Ordre, nous travaillons à une modification de notre code de déontologie. Certains de ses articles interdisent aujourd'hui à la sage-femme de s'immiscer dans les affaires de famille. Notre service juridique est interpellé au quotidien par des sages-femmes qui se demandent comment agir sans se mettre en défaut vis-à-vis du code de déontologie. Nous avons à apporter cette connaissance auprès de toute la profession. Il y a cinq ou six ans, nous avons ainsi mis en place le programme de retour à domicile précoce (PRADO), qui permet, après l'accouchement, aux sages-femmes de rentrer dans les familles et ainsi de repérer beaucoup de situations susceptibles de poser problème, notamment pour les enfants. Je tenais à préciser la place de la sage-femme dans ce cadre pour bien montrer que le repérage peut se faire au domicile des patientes.

Nous incluons désormais la question des violences dans la formation initiale comme dans les formations continues. Normalement, ce doit aussi être inclus dans les orientations du développement personnel continu (DPC). L'agence nationale du développement personnel continu vient d'arrêter des orientations visant à former toutes les sages-femmes, à bien les informer pour qu'ils puissent utiliser tous les outils à leur disposition et ainsi bien prendre en charge les victimes et bien les orienter.

Sur la prise en charge, j'ai déjà évoqué la nécessaire clarification du cadre juridique.

En ce qui concerne les 1 000 premiers jours, il faut – et nous ne manquons pas de le demander à chaque audition – généraliser l'entretien prénatal dans la prise en charge et le suivi de la grossesse. C'est un très bon outil pour repérer un problème dès l'origine et pouvoir agir pendant toute la grossesse. Alors que les plans de périnatalité prévoyaient déjà sa généralisation en 2005, nous constatons que ce n'est toujours pas le cas 14 ans après. Les derniers chiffres de l'enquête périnatale de 2016 disent que seulement 29 % des entretiens prénatals précoces sont réalisés. Cette situation s'explique par le fait que cet entretien prénatal a été présenté comme un premier cours de préparation à la naissance. Il faut pourtant absolument le dissocier de cette préparation à la naissance. Toutes les femmes ne suivent pas les préparations à la naissance – on estime qu'une femme sur deux suit cette préparation -, surtout quand ce sont des femmes qui ont déjà plusieurs enfants. Donc souvent ce premier entretien n'a pas lieu ! Il ne s'agit pas d'une consultation médicale d'orientation, il comprend une plus grande dimension psychosociale quand l'entretien réalisé au cours du premier trimestre vise à orienter le suivi. Cet entretien permet d'ajuster la prise en charge qui peut être proposée ensuite aux femmes.

Il faut donc bien distinguer ces deux étapes, généraliser de façon systématique cet entretien et le traiter différemment en termes de prise en charge et de rémunération des professionnels.

J'ai rencontré les équipes qui travaillent sur les 1 000 premiers jours. Lors d'un déplacement à Metz ce matin pour les journées cadres de sages-femmes, j'ai compris que ce point avait été identifié par tous les acteurs. Il semble que la direction générale de la santé l'ait bien pris en compte.

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