Intervention de Mathilde Delespine

Réunion du mercredi 9 octobre 2019 à 15h05
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mathilde Delespine, sage-femme, coordinatrice de l'unité de soins à la Maison des Femmes de Saint-Denis :

Dans votre témoignage, je suis interpellée par le fait que les policiers raisonnent comme si les violences psychologiques n'étaient pas des violences. Ils auditionnent les enfants de façon systématique s'ils ont été victimes de violences physiques ou sexuelles mais s'ils ont été victimes de violences psychologiques qui vont provoquer des troubles de stress post-traumatique potentiels, ils s'interrogent. Ce sont pourtant aussi des violences qui détruisent la santé des enfants. Je suis surprise qu'ils fassent une telle différence. Ils disent ne pas vouloir impliquer l'enfant quand il est exposé à la violence conjugale sans être frappé lui-même car l'enfant sera tiraillé.

Karen Sadlier a montré que les enfants font face à un conflit de protection : ils ne savent pas s'ils doivent se protéger eux-mêmes, protéger la fratrie, protéger leur mère ou leur père. C'est bien pire que le conflit de loyauté en cas de divorce, lorsque le conflit se fait sans violence et sur un pied d'égalité.

Face aux violences conjugales, peut-être faut-il envisager d'autres dispositifs, organiser l'audition de l'enfant par un psychologue qui pourra dire comment il va. On pourrait alors lui demander comment il va, s'il arrive à se concentrer à l'école, s'il se sent en sécurité… Plutôt que de lui demander ce que son père a fait à sa mère, concentrons sur ce que l'enfant vit. Il doit être entendu comme une victime et non comme le témoin des violences conjugales. Il faut le traiter comme nous traitons une victime de violence puisqu'il est victime au moins d'une violence psychologique. Si on le traite comme un témoin, l'enfant pourrait avoir l'impression de dénoncer avec des conséquences potentielles graves. Je pense par exemple au risque d'identification anxieuse au conjoint agresseur.

Évidemment de telles pratiques ne s'improvisent pas. Il faudrait vraiment que les policiers soient soutenus par des professionnels de la santé, par un psychologue spécialisé. C'est une piste pour les aider à moins se sentir démunis et à avoir l'impression de faire plus de mal que de bien.

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