Intervention de Éric Ciotti

Réunion du mercredi 9 octobre 2019 à 9h40
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti, rapporteur d'application :

Je n'ai pas voté la loi SILT qui permettait de sortir de l'état d'urgence dans des conditions que je considérais alors comme dégradées. Raphaël Gauvain vient de citer des chiffres. Nous ne pouvons pas faire un bilan deux ans après. Les périodes d'état d'urgence, renouvelées six fois à partir du 13 novembre 2015, avaient conduit à mettre en place des dispositions, notamment les perquisitions administratives et les assignations à résidence. Elles ont été transformées par la loi SILT en visite domiciliaire sous le contrôle et l'autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD) et en MICAS.

Je voudrais simplement citer des chiffres qui traduisent ce que je redoutais à l'époque et qui, je le crains, s'est confirmé. Sur les périodes d'état d'urgence du 13 novembre 2015 au 31 octobre 2017, nous avions comptabilisé 4 600 perquisitions administratives. Raphaël Gauvain a raison de souligner qu'une partie importante d'entre elles avait eu lieu dans les premiers mois qui ont suivi les attentats du Bataclan. Néanmoins, le rythme est resté soutenu, y compris dans la dernière période. Nous avons comptabilisé, sur la période de la loi SILT, 189 visites domiciliaires, c'est-à-dire sur une période équivalente à quelques jours près, 24 fois moins. J'y vois un signe de l'affaiblissement de nos outils de contrôle.

En ce qui concerne les MICAS, il y avait eu 708 assignations à résidence. Il y a aujourd'hui, sur la même période de deux ans, 195 mesures de contrôle administratif qui sont elles-mêmes dégradées, puisque ce ne sont plus des assignations à résidence, mais des assignations dans une ville avec une obligation de pointer au commissariat. Je maintiens ma position et je considère que la loi SILT a dégradé nos outils de protection et de prévention de la lutte contre le terrorisme.

Sur les décrets, je n'y reviendrai pas si ce n'est pour confirmer et soutenir ce qu'a indiqué Raphaël Gauvain. Les décrets ont été pris, sauf celui sur le PNR maritime, ce qui prive les services d'un outil particulièrement pertinent. La menace maritime est un motif d'inquiétude. Les services de renseignement y ont beaucoup travaillé. Je crois qu'il est urgent et important de mettre en place ce décret.

Je voudrais également revenir – malheureusement c'est d'actualité – sur l'article 11 de la loi SILT, qui permet la réalisation d'enquêtes administratives dans le cas où le comportement d'un agent exerçant dans les domaines de la sécurité, de la défense ou titulaire d'une autorisation, d'un agrément, d'une habilitation, ferait naître un doute sur la compatibilité de son comportement avec ses missions. En clair, cela concerne les cas de radicalisation, d'émission de signaux faibles. Le décret prévoit la mise en place et le fonctionnement d'un organisme paritaire chargé de donner un avis préalable à la mutation ou à la radiation. Je veux souligner qu'à ce jour, aucun dossier n'a été transmis à cet organisme. Selon la Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ), cela s'explique notamment par le recours aux sanctions disciplinaires pour faire face aux situations difficiles.

Nous avons mis en place un outil pour donner un avis sur les questions de radicalisation dans les lieux et dans les métiers sensibles et stratégiques. Il est quand même à noter, cela est à rattacher à l'actualité tragique que nous connaissons, qu'aucune saisine n'a été effectuée auprès de cet organisme.

Troisième point, je voudrais revenir sur l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), dit « Tele2 Sverige AB », du 21 décembre 2016. En vertu de cette décision, les États membres ne peuvent pas imposer une obligation générale de conservation de données aux fournisseurs de services de communication électronique. Si cette décision devait être confirmée, elle poserait des problèmes majeurs, de réelles difficultés aux services de renseignements. Il faudra travailler là-dessus avec beaucoup de détermination.

Enfin, la clause d'obsolescence introduite dans la loi SILT appelle à une réaction rapide de notre part. En effet, la loi SILT prévoit que les articles 1er à 4 ont un caractère expérimental. Force est de constater, hélas, que la menace terroriste non seulement est permanente, mais qu'elle sera durable. Par conséquent, les mesures de police administrative de la loi SILT doivent naturellement être reconduites.

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