Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mardi 29 octobre 2019 à 18h00
Commission des affaires sociales

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Je vous remercie de me recevoir pour vous présenter le budget 2020 de la mission Travail et emploi. Les deux dernières années ont constitué un temps fort de conception et de mise en oeuvre des orientations structurelles de notre politique dans le champ de l'emploi et des compétences. Nous avons posé les fondations d'une nouvelle politique du marché du travail et de l'emploi, fondée sur la compétence et la liberté donnée aux acteurs : ordonnances issues de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dites « ordonnances travail » ; apprentissage ; formation ; inclusion ; plan d'investissement dans les compétences (PIC) ; assurance chômage.

Notre conviction est claire : la clef de voûte de la politique de l'emploi, c'est l'émancipation, la recherche constante des conditions collectives qui permettent à chacun d'être plus libre de choisir sa voie professionnelle. Cela implique des choix, y compris budgétaires, que nous assumons. La baisse des contrats aidés a permis de financer l'effort sans précédent de formation des demandeurs d'emploi et d'inclusion des plus vulnérables.

L'année 2020 sera celle de la consolidation et de l'approfondissement de cette transformation, et de la montée en charge des dispositifs issus de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. C'est dans cet esprit, en multipliant les déplacements sur le terrain et en développant le dialogue avec les acteurs, que j'ai construit le présent budget de l'emploi et de la formation professionnelle.

En 2020, le budget global de la mission Travail et emploi s'élèvera à 13,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), en hausse de 0,80 %, et à 12,8 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), en hausse de 2,58 %. Ces montants marquent la volonté du Gouvernement de poursuivre les efforts de transformation, et surtout le souci de leur inscription concrète dans la vie de nos concitoyens.

L'une de nos priorités est que les personnes les plus vulnérables soient replacées au coeur des politiques d'inclusion, en cohérence avec l'objectif porté par la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Au moment où le taux de chômage baisse – il est passé de 9,6 % à 8,5 % – chacun de nos concitoyens doit pouvoir se dire qu'il a sa chance. À cette fin, le financement des aides au poste dans les structures de l'insertion par l'activité économique (IAE) va connaître une augmentation historique en 2020 : 83 000 équivalents temps plein (ETP) seront financés par le fonds d'inclusion dans l'emploi, soit une hausse de 7 000 ETP par rapport à la loi de finances pour 2019. Au service de cet objectif, le budget est en hausse de 120 millions d'euros, dépassant pour la première fois de notre histoire la barre symbolique du milliard d'euros. Il résulte d'un travail en profondeur avec tous les réseaux de l'insertion par l'économie. À l'horizon 2022, 100 000 personnes supplémentaires devraient avoir bénéficié de ce dispositif.

Dans le même esprit d'inclusion, le budget pour 2020 réaffirme l'engagement du Gouvernement en faveur des entreprises adaptées, tremplins essentiels vers l'insertion et l'emploi des personnes handicapées les plus éloignées de l'emploi. L'appui financier de l'État se poursuit, avec un budget de 403 millions d'euros, en augmentation de 7 millions d'euros par rapport à 2019, afin que 6 000 à 10 000 personnes supplémentaires accèdent aux entreprises adaptées dès 2020.

En parallèle, pour soutenir le développement des compétences et les parcours qualifiants, le PIC crée un système d'incitation à la formation des travailleurs handicapés pendant la durée de leur contrat à durée déterminée (CDD) tremplin ou de leur contrat de mission. Son budget est de 12 millions d'euros pour 2020. Ces efforts sont complétés par 100 000 nouveaux parcours emploi compétences (PEC) – nouvelle formule d'emploi aidé comprenant un accompagnement et une formation.

L'expérimentation des emplois francs, lancée le 1er avril 2018 puis étendue en avril dernier, se poursuit et sera généralisée, début 2020, à l'ensemble des quartiers de la politique de la ville (QPV) du territoire. Une enveloppe de 233,6 millions d'euros en AE et 80 millions d'euros en CP permettra d'offrir un contrat à 40 000 personnes fin 2020.

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 soutient également l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » à hauteur de 28,5 millions d'euros, soit 6 millions d'euros de plus par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2019. Ces crédits permettront la poursuite de la montée en charge dans les territoires participant à l'expérimentation, avec 1 750 ETP financés. À ce sujet, j'ai rencontré récemment M. Laurent Grandguillaume et M. Michel de Virville. Deux rapports d'évaluation, l'un, conjoint, de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale des finances, l'autre, du comité scientifique indépendant, seront présentés d'ici au 15 novembre. Sur la base de ces résultats intermédiaires – puisque l'expérimentation n'est pas terminée –, nous engagerons une discussion avec les acteurs pour améliorer l'expérimentation, la prolonger et la développer.

Opérateurs essentiels de l'accompagnement et de l'insertion des jeunes, les missions locales bénéficieront de 371,94 millions d'euros de crédits en 2020, soit une hausse de 21 millions d'euros par rapport à la LFI 2019. Ces crédits sont désormais globalisés en gestion et couvrent à la fois la convention pluriannuelle d'objectifs et l'accompagnement des jeunes qui bénéficient de la garantie jeunes. Le montant prévu en 2020 intègre le financement de la mise en oeuvre de l'obligation de formation pour les 16-18 ans, instaurée par la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.

À 1 235,9 millions d'euros, la subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi sera en baisse de 136,8 millions par rapport à la LFI 2019. Cependant, cette baisse est plus que compensée par la contribution de l'UNEDIC, qui progresse sous l'effet conjugué du dynamisme de la masse salariale – nous créons beaucoup d'emplois – et du passage de 10 % à 11 % des contributions salariales. Pôle emploi disposera donc de 622 millions d'euros de ressources supplémentaires en 2020, qui lui permettront de mettre en oeuvre les évolutions issues de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Ces crédits accompagneront aussi la transformation de l'accompagnement par Pôle emploi dans le cadre de la réforme de l'assurance chômage, fruit d'une large concertation avec les partenaires sociaux et concrétisée dans la convention tripartite État-UNEDIC-Pôle emploi.

La montée en puissance du PIC se poursuit, avec un nouvel engagement de 3 milliards d'euros, financé pour moitié par des crédits budgétaires et pour moitié par la contribution des entreprises collectée par France compétences.

Sur la période 2019-2022, ces crédits permettront de mettre en oeuvre les parcours de formation déployés dans le cadre des pactes régionaux pluriannuels d'investissement dans les compétences négociés entre l'État et les régions, ou les collectivités compétentes s'agissant de l'outre-mer – 1,7 milliard d'euros ont été provisionnés pour la seule année 2020.

Un montant de 575 millions d'euros sera également consacré à consolider les mesures d'accompagnement des jeunes du parcours contractualisé vers l'autonomie et l'emploi (PACEA) et de la garantie jeunes, et de renforcer les capacités d'accueil dans les écoles de la deuxième chance et les établissements pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE).

Des programmes innovants seront développés pour repérer les « invisibles », ces jeunes sans emploi ni formation qui ne sont pas suivis par Pôle emploi ou les missions locales car ils ne s'y rendent pas : 60 millions d'euros seront investis dans un appel à projets destiné à identifier ces jeunes décrocheurs grâce à des activités sportives ou de proximité.

Enfin, le PIC promouvra des expérimentations sur des problématiques ciblées telles que la remobilisation et le retour à l'emploi dans les QPV, grâce à l'appel à projet « 100 % inclusion » ou la préparation à l'apprentissage. Il poursuivra l'expérimentation du parcours intégré d'insertion « hébergement, orientation et parcours vers l'emploi » (HOPE) au profit de 1 500 nouveaux bénéficiaires parmi les réfugiés.

S'agissant de la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage, l'année 2019 a été une année de profonde transition. Elle a notamment vu la mise en place de France compétences, nouvel opérateur en charge des missions financières, de régulation et de recommandation en faveur du développement et d'une plus forte efficacité des politiques de formation et d'alternance. France compétences est également en charge de la certification et de la qualité des formations.

Onze nouveaux opérateurs de compétences (OPCO) viennent prendre la place des vingt organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) et voient leurs missions recentrées sur le développement de l'apprentissage et de l'alternance, et l'appui aux très petites et petites et moyennes entreprises (TPE-PME) dans la mise en oeuvre d'une politique ambitieuse de formation.

Le déploiement du nouveau compte personnel de formation (CPF) « Mon Compte Formation » trouvera son aboutissement le 21 novembre prochain avec le lancement d'une application mobile dédiée recensant toute l'offre de formation qualifiante disponible, ainsi que les crédits de chacun. Elle donnera un accès direct à la formation à 26 millions d'actifs.

L'année 2020 sera une année importante avec l'organisation des élections professionnelles des salariés des TPE, qui permettront de déterminer l'audience syndicale dans les petites entreprises, puis de réaliser en 2021 la troisième mesure de l'audience syndicale et patronale. Dans le budget 2020, cela se traduit par une augmentation sensible des crédits du programme 111.

Mon ministère participe à l'effort gouvernemental de réduction des effectifs. En 2020, la baisse sera de 226 emplois, soit 2,6 %, identique à celle de 2019. Cet effort s'inscrit plus largement dans le cadre de la réorganisation des services territoriaux de l'État. Nous souhaitons regrouper toutes les compétences contribuant à l'accompagnement, sans discontinuité : de l'hébergement d'urgence à l'insertion vers l'activité économique, jusqu'à l'emploi. C'est l'ambition du nouveau service public de l'insertion, placé auprès des préfets de département.

Enfin, le code du travail numérique verra le jour le 1er janvier 2020.

Un mot, pour conclure, sur deux sources d'économies possibles. L'une se trouve dans la réforme de l'aide au créateur ou repreneur d'entreprise (ACRE), qui s'inscrit dans notre volonté de recentrer les crédits budgétaires sur les personnes les plus éloignées de l'emploi. Nous avons constaté des effets d'aubaine et un détournement du dispositif en faveur de publics qui n'étaient initialement pas ciblés. La réforme prévoit l'alignement du niveau d'exonération applicable pour les micro-entrepreneurs sur celui des autres travailleurs indépendants. L'exonération sera également limitée à un an pour tous. En outre, le PLF 2020 réserve l'exonération aux chômeurs créateurs d'entreprises, afin de la cibler sur les publics les plus éloignés de l'emploi. Les crédits connaissent néanmoins une progression conséquente de 216 millions d'euros par rapport à la LFI 2019.

L'autre voie d'économies est liée aux exonérations de charges pour les services à la personne, que nous avons décidé de stabiliser pour les personnes de 70 ans et plus. Pour financer cette stabilisation, nous devons rechercher des économies de l'ordre de 120 millions d'euros. La suppression de ces exonérations initialement envisagée entraînait un coût pour la sécurité sociale à hauteur du report sur les allégements généraux de charges sociales, estimé à 125 millions d'euros en 2020, ramenant l'économie à 198 millions d'euros. Après prise en compte du crédit d'impôt – qui aurait été plus élevé du fait du renchérissement de la prestation –, l'économie pour l'ensemble des administrations publiques était estimée à 101 millions d'euros en 2020.

À compter de 2021, pour ces deux dispositifs, l'économie nette totale demandée par le Premier ministre est d'environ 120 millions d'euros pour le budget de la mission Travail et emploi. Cela fera l'objet d'un amendement gouvernemental. Nous affecterons cette économie au PIC : en raison de son caractère pluriannuel, le léger retard pris sur certains projets nous autorise à décaler le lancement de certaines formations du dernier trimestre 2020 au premier trimestre 2021. Cela nous permettra de réaliser les économies demandées sans pénaliser les formations ou les demandeurs d'emploi.

Ce budget porte deux grandes ambitions : intensifier l'effort d'inclusion, de formation et d'émancipation dans l'emploi, et stimuler la création d'emplois par la libération de l'alternance et de la formation professionnelle.

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