Intervention de Laurence Trastour-Isnart

Réunion du mardi 17 septembre 2019 à 18h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Trastour-Isnart, co-rapporteure :

Après une évacuation aérienne le blessé est accueilli dans un HIA où il est soigné, aujourd'hui principalement les HIA franciliens. Préalablement au rapatriement, le chef de corps est averti et se charge d'informer la famille. Il est important de le souligner car la hantise des militaires est que la famille soit informée d'une blessure ou d'un décès par les médias avant que l'institution n'ait pu le faire. C'est pour cette raison que l'identité des blessés n'est pas révélée tout de suite.

La venue de la famille est organisée et ainsi que la prise en charge financière pour six personnes au maximum. Les familles sont hébergées, le cas échéant, dans la maison des familles de l'HIA Percy, par exemple. On peut à ce propos déplorer le nombre de voyages pris en charge car seuls deux aller-retour le sont. Ils suffisent rarement, les blessés étant souvent hospitalisés plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Le soutien financier associatif assure alors le relais.

Une commission de suivi est mise en place dans l'HIA réunissant tous les acteurs, soignants, cellule d'aide des blessés, assistant social, représentant de l'ONAC, de Défense mobilité, aumônier… Il y est évoqué l'opportunité d'introduire telle ou telle mesure pour le blessé. Parallèlement, le chef de corps organise le soutien local avec la famille, l'assistant de service social local, l'aumônier… Des représentants de l'unité se mobilisent pour aller visiter le blessé. Une commission locale de suivi des blessés suit l'évolution du blessé et celle de ses besoins.

L'Institution nationale des Invalides, dont la transformation a débuté, agira à l'avenir en tant que post-rôle 4, en coordination avec les hôpitaux d'instruction des armées franciliens, en tant que centre de rééducation post-traumatique des blessés physiques et psychiques. Nous avons visité l'INI et avons trouvé les installations et le dispositif actuels remarquables.

Le premier congé dont bénéficie le blessé est de 180 jours. Si le médecin est d'avis que le blessé ne peut pas reprendre son poste, deux possibilités s'offrent à lui, soit, dans un premier temps, le congé du blessé de 18 mois maximum, s'il peut y prétendre, durant lequel il reste attaché à son unité. S'il n'est toujours pas guéri à l'issue du congé du blessé, il passe, dans un second temps, en congé de longue maladie ou en congé de longue durée pour maladie en fonction de la nature de son affection. Ces derniers congés sont dits de non-activité contrairement aux deux premiers qui sont des congés d'activité. Il est alors géré par un organisme de gestion des personnels isolés présent dans chaque armée. Il s'agit d'une transition douloureuse souvent vécue comme un arrachement. Nous suggérons d'ailleurs d'étudier la révision de ce mode de gestion et celle de ces types de congé pour éviter cet isolement. C'est généralement à ce moment-là qu'interviennent les cellules d'aide selon le fonctionnement propre à chacune d'elles. Ces congés sont d'une durée maximum très longue, 3 ans pour l'un et 8 ans pour l'autre. Le passage en demi-solde au cours de ces congés constitue un autre choc et dans certains cas le début de la précarisation. Mais il peut aussi faire l'effet inverse et inciter à initier un parcours de reconversion après un des stages de reconstruction que proposent les cellules d'aide.

Le blessé est toujours suivi par la commission et peut bénéficier de secours en fonction de sa situation. Plusieurs possibilités existent : soit le blessé reprend son travail, éventuellement sur un poste adapté, pour l'identification duquel beaucoup d'efforts sont mis en oeuvre, soit il est réformé, soit il va jusqu'au bout de son congé. Une fois qu'il a quitté l'institution, il peut se tourner soit vers l'ONACVG, s'il en est ressortissant, soit vers l'action sociale de la défense s'il ne l'est pas. Il peut entreprendre un parcours sportif dans le cadre du Centre national des sports de défense. Il peut simultanément recourir sans limite de temps aux prestations de Défense Mobilité qui s'est organisée pour mieux accompagner les blessés et enregistre des résultats. Les entreprises publiques et privées doivent se mobiliser pour recruter des militaires blessés et il conviendra de suivre le résultat de l'insertion de clauses sociales dans les marchés du ministère des Armées, comme cela se fait dans les collectivités pour la réinsertion des jeunes.

Voilà de façon non exhaustive le parcours type d'un blessé dont la convalescence est très longue. Tous ne sont malheureusement pas réinsérés et il faut veiller à ne pas « perdre » les blessés une fois qu'ils ont quitté l'institution au regard des divers risques encore encourus dont celui de l'alcoolisme, la blessure psychique étant par ailleurs souvent associée à la blessure physique.

L'expérience tend à montrer qu'il vaut mieux, chaque fois que l'état de santé du blessé le permet, éviter le passage en congé de non-activité et l'isolement qui en découle. L'extension du congé du blessé à des opérations dangereuses se déroulant sur le territoire national et à l'étranger, désormais actée, est une bonne chose en la matière. Une demande similaire, assez générale, est exprimée notamment par les pompiers de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris et les personnels militaires des Unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile. L'octroi du congé du blessé étant par ailleurs assorti d'une « probabilité objective de réinsertion ou de reconversion au sein du ministère », il conviendra d'évaluer la portée de ce congé en termes de reprise effective du travail au sein du ministère pour en mesurer l'impact en matière de ressources humaines et de fidélisation.

La coordination est la clef de réussite de ce parcours, tous les acteurs devant être vraiment impliqués. Je dirais que cela était effectivement le cas pour 98 % des acteurs que nous avons rencontrés. Nous avons observé que si l'un des rouages du soutien grippe, le blessé réagit vivement et porte une appréciation négative sur l'institution dans son ensemble. Le soutien moral est essentiel ainsi que la cohésion et « l'esprit de famille » propre aux armées. C'est la raison pour laquelle il est difficile qu'un blessé se retrouve isolé.

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