Intervention de Jean-Michel Clément

Séance en hémicycle du mercredi 6 novembre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

C'est mon collègue Sylvain Brial, député de Wallis-et-Futuna, qui aurait dû exprimer devant vous la position du groupe Libertés et territoires sur les crédits de la mission « Outre-mer ». Permettez-moi donc de vous donner quelques nouvelles de sa santé. Après que nous avons craint le pire, il semble que l'espoir puisse renaître : sans savoir dans quel état il nous reviendra, nous sommes un peu plus confiants qu'auparavant car il a retrouvé la capacité de répondre oui ou non, du moins avec les paupières, et ses membres reprennent vie. Le chemin sera nécessairement très long, mais nous avons bon espoir qu'il surmonte un jour entièrement le violent accident vasculaire cérébral dont il a été victime.

Comme lui, nous avons tous le profond désir d'aider les outre-mer à relever les défis auxquels ils sont confrontés, et, surtout, le devoir de parvenir à établir une égalité réelle entre tous les territoires afin que chacun de nos concitoyens puisse y vivre et s'y épanouir, unis par le sentiment d'appartenir à la même communauté, une communauté qu'Aimé Césaire rêvait véritablement égalitaire et fraternelle.

Mais le chemin pour y parvenir semble long et tortueux. Ainsi, le budget pour l'outre-mer que nous examinons aujourd'hui affiche une baisse de 100 millions d'euros par rapport à 2019. Certes, dans bien des secteurs, les outre-mer bénéficient également des budgets de différents ministères, mais nous manquons de lisibilité et l'horizon n'est pas dégagé pour tous, ni dans tous les domaines.

Il est difficile, dès lors, de visualiser clairement l'ambition gouvernementale pour les outre-mer tant les voix sont parfois discordantes, comme dans le cas de l'octroi de mer, et tant les paroles sont en décalage avec les actes.

Ainsi, les montants alloués au programme « Emploi outre-mer » sont en baisse de près de 2 % en crédits de paiement alors que vous prétendez, parallèlement, encourager la création et la sauvegarde d'emplois durables dans le secteur marchand et lutter contre l'exclusion du marché du travail des publics les plus éloignés de l'emploi. Le législateur, mais aussi les populations d'outre-mer, ont du mal à comprendre une telle dichotomie.

Je pense notamment aux Réunionnais qui, à l'occasion de la récente visite du Président de la République, ont pu lui faire part de leur détresse concernant la situation de l'emploi, de leur perte d'espoir dans l'avenir, de leurs difficultés à vivre « avec 790 euros par mois », dénoncées par une habitante en colère. Les nouvelles mesures annoncées pour indemniser le chômage ne feront qu'aggraver la situation dans ces territoires où le travail est encore plus précaire qu'en métropole.

Certes, le Président de la République a annoncé un plan pour l'emploi et la formation, d'un total de 700 millions d'euros sur trois ans, pour l'île de La Réunion. Mais comment ce plan sera-t-il financé, et qu'en sera-t-il de sa pérennité ? Il ne suffit pas de se contenter d'un cautère sur une jambe de bois quand les tensions deviennent trop fortes, mais bien de contribuer par des mesures de fond à la relance outre-mer.

S'agissant des contrats de convergence, dont celui de Wallis-et-Futuna, signé en juillet dernier, nous ne pouvons que nous interroger quant à leur financement – d'où la réserve exprimée par Sylvain Brial, qui déplorait également que la diversité des îles ne soit pas prise en considération.

Ces contrats doivent permettre d'investir en faveur du développement des territoires, tout en tenant compte des spécificités et des besoins des outre-mer. Ils nécessitent que l'État donne des instructions claires à ses représentants dans les territoires, qu'il veille à l'effectivité d'une ingénierie propice à la réalisation de ces contrats et que les fonds soient versés dans les temps.

Bref, il convient de mettre un terme aux blocages récurrents qui contribuent à freiner, voire à empêcher l'arrivée des financements. La contribution financière de la République à la réussite des outre-mer doit s'appuyer sur deux jambes : la mise à disposition des fonds indispensables au développement des territoires ultramarins et la perception réelle de ces fonds. Il n'est pas acceptable d'entendre que les sommes dévolues aux outre-mer n'ont pas été entièrement consommées et, surtout, que la faute en est rejetée sur les opérateurs et les collectivités alors que les dysfonctionnements, nous le savons, sont ailleurs. Nous nous réjouissons donc, madame la ministre, de votre engagement à faire réaliser une étude des raisons pour lesquelles ces crédits n'ont pas été consommés.

Le groupe Libertés et territoires est également attaché à la continuité territoriale. Certes, concernant Wallis-et-Futuna, nous nous satisfaisons du montant inscrit pour compenser le surcoût de la subvention d'exploitation, mais la somme ne peut cacher les dysfonctionnements d'un service que les autorités traitent avec une désinvolture affligeante.

Le principe de la cohésion nationale impose d'accorder aux outre-mer leur juste place dans notre République : une place qui ne soit ni discriminatoire, ni attentatoire à la personnalité des territoires ultramarins, une place qui fasse d'eux des acteurs à part entière de la réussite de la France. Ainsi, la continuité territoriale est un enjeu de cohésion sociale par le biais du transport, de la formation, de la santé ou de la communication, mais elle est aussi un enjeu de souveraineté.

Mes chers collègues, de la métropole aux outre-mer, nous avons tous un destin commun qui peut être fait de réussites à condition de pratiquer le langage de la vérité et non celui de l'ambiguïté. C'est malheureusement l'ambiguïté qui caractérise ce budget. Aussi est-ce le débat qui s'ouvre qui déterminera notre vote.

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