Intervention de Bernard Perrut

Séance en hémicycle du mercredi 6 novembre 2019 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Perrut :

… le projet de budget de l'État en faveur du travail et de l'emploi pour 2020, lequel connaît, c'est vrai, une légère augmentation, de plus de 300 millions d'euros par rapport à 2019. Cette augmentation est cependant loin de compenser les coupes passées, puisque le Gouvernement avait réduit ce budget de près de 3 milliards en 2019 par rapport à 2018.

Vous pouvez certes justifier, madame la ministre, le désengagement de l'État par la baisse du chômage, puisqu'il est vrai que, selon les chiffres publiés, celui-ci décroît – ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Toutefois, le chômage est un fléau que nous devons continuer à combattre par tous les moyens, quand bien même il ne concernait que quelques personnes, car nous en connaissons les conséquences pour ceux qui le subissent. La baisse du nombre de demandeurs d'emploi ne doit pas masquer la réalité de la progression du chômage de longue, voire de très longue durée, ni la réalité du chômage des jeunes qui continue d'augmenter, ni le taux d'emploi des non-qualifiés qui décroche depuis deux ans, et ce alors même que le nombre d'emplois vacants a littéralement explosé.

À ce titre, les mesures proposées pour l'apprentissage paraissent toujours insuffisantes, et les freins demeurent nombreux en ce domaine. Je tiens ainsi à évoquer la situation paradoxale du financement des écoles de production, dont le niveau du concours de l'État est bien insuffisant vu leurs besoins. En effet, ces écoles s'attendent à une perte de 50 % de leurs ressources, en raison de la réforme de la taxe d'apprentissage et du retrait progressif des régions. Le désengagement de celles-ci est grave pour ces écoles, mais il était prévisible et lors de l'examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, nous, Les Républicains, n'avions cessé de vous mettre en garde quant aux conséquences d'un transfert des compétences aux régions. Il paraît aujourd'hui indispensable de concrétiser la promesse que vous aviez faite en commission, madame la ministre, de leur allouer 4 millions d'euros.

Notre pays conserve de fait la quatrième place en matière de chômage de masse en Europe, chômage aujourd'hui marqué par une grave inadéquation entre l'offre et la demande de travail. Sur ce dernier point, le Gouvernement dit vouloir apporter une solution par la possibilité d'instaurer bientôt des quotas d'immigration économique par secteur d'activité. Quelles sont les modalités choisies pour le déploiement de cette mesure ? Vous avez précisé, madame la ministre, que la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques – la DARES – et Pôle emploi seraient chargés d'établir une liste des métiers en tension, laquelle serait revue chaque année, mais avez-vous des objectifs déjà chiffrés par métier et par région ? Et comment s'assurer que cette main-d'oeuvre ne concurrencera pas les travailleurs français ? Comment peut-on justifier, dans un pays où l'on compte plus de 6 millions d'inscrits à Pôle emploi toutes catégories confondues, dont plus de 3,3 millions sans aucune activité, que nous devons faire appel à des personnes venues d'autres pays ?

Je souhaite exprimer la satisfaction de notre groupe face à l'augmentation des crédits dédiés à l'insertion par l'activité économique, qui financeront en 2020 83 000 équivalents temps plein – ETP – , soit 10 000 de plus qu'en 2019. Nous défendons depuis très longtemps, Gérard Cherpion en tête, ces dispositifs d'accompagnement car nous savons toute leur utilité. Toutefois, cette augmentation ne compensera pas la division par deux des contrats aidés depuis le début du quinquennat, réduction qui touche particulièrement les associations et les collectivités territoriales.

Autre point essentiel de cette mission budgétaire : la poursuite du désengagement de l'État dans Pôle emploi, sa subvention baissant de 136 millions d'euros, après une baisse de 85 millions d'euros en 2019. Pourtant, le budget de Pôle emploi augmente. En effet, si jusqu'à maintenant l'UNEDIC lui dédiait 10 % de ses recettes, votre réforme de l'assurance chômage va dorénavant augmenter sa quote-part. Ce sont par conséquent les partenaires sociaux, les employeurs et la contribution sociale généralisée – CSG – qui financent toujours davantage Pôle emploi ; mieux encore, ce sont les demandeurs d'emploi qui vont le financer à travers la perte plus ou moins complète de leurs droits, qu'il s'agisse de l'ouverture de droits retardée, des allocations dégressives pour les hauts revenus ou de la durée des prestations plus courte pour d'autres. Les cadres, les jeunes et les précaires, 30 % à 50 % des indemnisés par l'assurance chômage, vont faire les frais de votre réforme, et l'accompagnement d'une grande partie d'entre eux sera transférée à la solidarité nationale, à la charge notamment des départements.

Je veux saluer ce soir, madame la ministre, l'action des missions locales en direction des jeunes. Elles sont néanmoins inquiètes pour leur avenir, et je vous remercie par avance de les rassurer. Il reste que les maisons de l'emploi ont une fois encore disparu de la mission et, sans la motivation d'un certain nombre de collègues, elles n'existeraient plus aujourd'hui !

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