Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du mercredi 13 novembre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Moins de deux jours ouvrés pour lire le texte, rédiger, déposer et examiner des amendements, ce n'est pas sérieux !

Si nous avons déposé des amendements, c'est pour vous montrer, monsieur le ministre, que nous sommes les défenseurs du système parlementaire. Sur les articles non rattachés du projet de loi de finances, vous avez d'ailleurs déposé vous-même, au titre de l'article 88, onze amendements que nous n'avons même pas eu le temps d'examiner. Aucune simulation n'a été effectuée – que l'on pense au projet Cigéo ! C'est inacceptable, et c'est comme cela que vous vous planterez, car la représentation nationale est peut-être moins intelligente que vous, mais nous avons parfois un peu de bon sens et nous voyons des choses qui échappent à vos propres services – j'y reviendrai tout à l'heure lors de l'examen des articles non rattachés. Si vous aviez écouté davantage les parlementaires – ceux de votre majorité comme ceux de l'opposition – , vous auriez sans doute pu éviter certaines erreurs que vous avez commises.

Ce texte, même s'il contient peu d'articles – une dizaine – , aborde plusieurs sujets qui méritent une vraie discussion.

Monsieur le ministre, je vous plains beaucoup : il n'y a plus de budget. Le Président de la République l'a dit lui-même dans une interview à The Economist : « le débat autour du 3 % dans les budgets nationaux, et du 1 % du budget européen, est un débat d'un autre siècle ». Allons-y donc ! Ouvrons les vannes ! L'important, c'est d'investir !

Mais, chers collègues, la France ne peut pas se payer un déficit public dépassant 1,1 ou 1,2 %, c'est-à-dire son taux de croissance potentiel. La thèse du Président de la République ne peut pas tenir avec un déficit de fonctionnement estimé à 78,1 milliards d'euros dans la loi de finances initiale pour 2019 et à 70,6 milliards d'euros en 2020. Notre déficit est donc massivement un déficit de fonctionnement et nous devons réaliser, avant de pouvoir nous permettre d'investir, au moins 70 milliards d'euros d'économies pour atteindre l'équilibre de fonctionnement.

Les chiffres sont là : nous n'investissons plus qu'une vingtaine de milliards d'euros pour 370 milliards de dépenses de fonctionnement en 2019. Le projet de budget pour 2020 suit la même direction, avec un déficit de fonctionnement de près de 71 milliards d'euros. Ce n'est pas tenable. Les finances publiques dérivent et la France ne respecte pas ses engagements européens – qui, je le rappelle, étaient de réduire de 0,5 point de PIB par an son déficit structurel.

Venons-en à vos prévisions de croissance. Monsieur le ministre, votre gouvernement continue à s'accrocher à l'espérance d'un taux de croissance de 1,4 % pour 2019, mais vous êtes les derniers à y croire. En effet, pour atteindre ce niveau, la croissance devrait être, au quatrième trimestre, de 0,5 point de PIB. Or la Banque de France vient de publier hier son estimation pour ce quatrième trimestre, qui est de 0,2 %, soit un peu en dessous des 0,3 % relevés au cours des trois premiers trimestres de 2019, et donc en deçà de l'objectif affiché. Pourquoi ne l'écoutez-vous donc pas ?

Notons que si vous aviez ramené ce taux à 1,3 %, notre déficit structurel passerait de 2,2 % à 2,3 % : en matière de lutte contre les déficits, l'électroencéphalogramme est donc plat depuis trois ans. Par voie de conséquence, votre politique entraîne un dérapage croissant par rapport à la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022, que votre majorité a votée. Sur les deux ans, en effet, on atteindrait 0,5 % si on réajuste le taux de croissance, ce qui, compte tenu de l'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012, vous oblige à faire une nouvelle loi de programmation – que nous attendons avec impatience, puisque vous en avez annoncé une pour le printemps.

En troisième lieu, vous estimez l'effort structurel sur les dépenses publiques pour 2019 à 0,3 point de PIB, soit environ 7 milliards d'euros, mais en 2019, les deux tiers de cette baisse ne correspondent pas à une économie structurelle, mais à une économie de constatation sur les charges financières prévues en LFI pour 2019, soit 0,2 point de PIB.

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