Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du lundi 25 novembre 2019 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Il y a un mois, alors que nous débutions l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, un chiffre avait retenu toute l'attention du groupe Libertés et territoires, et suscité notre déception. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie était fixé à 2,3 % pour 2020. C'était bien peu, trop peu.

Il s'agissait d'un recul par rapport à la dynamique que nous saluions l'an dernier, ce qui était incompréhensible alors que la situation des hôpitaux et des services d'urgence s'aggrave depuis plusieurs années, plus fortement encore depuis plusieurs mois. Même si on sait que le PLFSS ne se résume pas au financement des hôpitaux ou au seul risque maladie, les espoirs, les nôtres comme ceux des personnels hospitaliers en souffrance et ceux des citoyens qui éprouvent des difficultés à se faire soigner, tous ces espoirs ont été déçus à l'issue de nos débats en première lecture, sources d'une grande frustration.

Aujourd'hui, la donne a changé. Les annonces du Gouvernement sur l'hôpital public, dévoilées mercredi dernier après la manifestation des soignants du 14 novembre, modifient la trajectoire pour 2020. Une augmentation de 1,5 milliard d'euros sur trois ans pour l'hôpital public, dont 300 millions en 2020, se traduira par une revalorisation de l'ONDAM hospitalier, désormais fixé à 2,4 % au lieu de 2,1 % dans le PLFSS initial. Mais gardons en tête que l'augmentation naturelle des charges en soins aurait nécessité une augmentation d'au moins 4,5 %. L'augmentation proposée reste donc bien insuffisante pour sortir de cette situation de crise et notre groupe considère qu'il ne s'agit que d'un premier pas.

Madame la ministre, chacun ici en est conscient, vous héritez d'une crise profonde, et votre marge de manoeuvre paraît bien limitée. Notre objectif n'est pas de vous faire porter toute la responsabilité de la crise, encore moins de dire que rien n'a été fait depuis votre arrivée. À ce sujet, je pense notamment à la revalorisation tarifaire, que vous annoncez vouloir poursuivre jusqu'en 2022, ainsi qu'au dégel des réserves prudentielles et à la restitution partielle de la sous-exécution de l'ONDAM en 2019.

Mais il est nécessaire d'aller plus loin tant les besoins sont criants. La réforme structurelle du virage ambulatoire mettra du temps à produire ses effets et sans financements substantiels immédiats, les difficultés de notre système de santé empireront. Les ressources insuffisantes des hôpitaux remettent non seulement en cause toute capacité d'investissement et d'innovation mais, pire encore, elles aggravent les déficits des établissements, qui peinent même à couvrir leurs charges courantes.

De surcroît, l'attractivité hospitalière est plus que jamais en péril, et vous ne répondez pas à la nécessaire revalorisation salariale des personnels, dévoués mais épuisés, avec quelques primes ciblées et limitées à Paris et à la région parisienne – vous opposez ainsi ces derniers à leurs collègues de province.

Mais notons que ce PLFSS révisé va donner une plus grande visibilité pluriannuelle aux hôpitaux. C'était une demande essentielle à laquelle il fallait répondre.

La décision de reprendre un tiers de la dette hospitalière, soit 10 milliards d'euros sur trois ans, améliora la capacité d'investissement des hôpitaux et leur donnera un peu d'oxygène. Toutefois, nous ne connaissons ni la répartition de ce montant, ni les conditions d'éligibilité qui y seront associées – souhaitons que cette reprise ne profite pas qu'aux établissements les plus gros.

Notre inquiétude quant à l'avenir de l'hôpital public – et plus généralement quant à l'avenir de notre système de santé – nous ferait presque oublier les dispositions du texte qui améliorent l'existant.

Comme nous avons eu l'occasion de le dire en première lecture, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoit en effet de réelles avancées. Je pense en particulier à l'instauration d'un service public de versement des pensions alimentaires, à la création du forfait de soins remboursés pour l'accompagnement des patients après un cancer, ou à la constitution du fonds d'indemnisation des victimes de pesticides. Enfin, nous accueillons très favorablement l'indemnisation du congé de proche aidant, même si nous aurions souhaité que la durée de versement de l'allocation soit alignée sur celle du congé, qui peut atteindre un an.

En revanche, le groupe Libertés et territoires reste en désaccord profond avec toutes les mesures tendant à réduire le pouvoir d'achat – je songe notamment à la sous-indexation de certaines retraites et prestations sociales – , d'autant que vos arbitrages budgétaires, couplés à la situation économique, creuseront le déficit de la sécurité sociale, qui devrait dépasser 5 milliards d'euros en 2020.

Ces considérations ne nous permettent pas d'envisager avec confiance les réformes en cours et à venir. Nous insistons aujourd'hui sur les hôpitaux et la transformation du système de santé, mais les enjeux des retraites et de la prise en charge de la dépendance nourrissent tout autant nos inquiétudes.

Vous l'aurez compris : le groupe Libertés et territoires salue un premier pas nécessaire, mais estime qu'il est essentiel d'aller plus loin pour préserver les fondements de notre système de protection sociale.

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