Intervention de Bertrand Pancher

Séance en hémicycle du jeudi 12 décembre 2019 à 15h00
Certification publique des performances sociales et environnementales des entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Nous avons besoin de puissants outils de régulation de notre économie et d'entreprises qui rendent des comptes au plan social et environnemental. Comme mes amis du groupe LT, l'humaniste que je suis en est convaincu. Je voulais vraiment remercier et féliciter Dominique Potier d'avoir engagé ce combat.

Tout d'abord, je voudrais vous faire partager trois observations.

Premièrement, la situation du capitalisme mondial se dégrade malheureusement d'année en année ; l'Organisation mondiale du commerce ne régule plus rien à cause des populismes et du recul de l'État de droit dans le monde. C'est une catastrophe. Les profits des entreprises sont de plus en plus élevés et le partage des richesses dégagées n'a jamais été aussi faible ; la corruption gagne partout du terrain.

Deuxièmement, les Français pensent que les États ne contrôlent plus les entreprises depuis longtemps. Il faut dire que les richesses mondiales se concentrent : les cinq plus grands fonds mondiaux d'investissement gèrent 10 000 milliards de dollars d'actifs : ils pourraient se payer cinq fois la France. Quelque 75 % des gaz à effet de serre sont émis par 80 % des grands groupes de la planète. Plus les entreprises sont prospères, plus elles devraient être responsables, mais c'est malheureusement l'inverse qui se produit.

Troisièmement, la France n'échappe pas à ce phénomène, notamment depuis la privatisation des grands groupes français. L'argent coule à flots, les redistributions restent faibles et, c'est un secret de polichinelle, dans les plus grands groupes français familiaux, on ne sait souvent plus quoi faire de son argent.

La France a souvent traîné les pieds sur le plan de la transparence, même si des progrès ont été réalisés par le biais de projets de loi successifs, comme l'a rappelé Dominique Potier. La création d'une certification publique des performances sociales et environnementales des entreprises et l'expérimentation d'une comptabilité nouvelle pour le XXIe siècle sont de très bonnes idées.

Je ne referai pas l'historique du concept de RSE, depuis l'adoption en 2001 de la loi relative aux nouvelles régulations économiques. Pour ma part, j'étais rapporteur de la loi Grenelle 2 qui, dans son article 225, obligeait les entreprises de plus de 500 salariés à publier un rapport sur les questions sociales et environnementales.

Des labels sont évidemment indispensables pour permettre à l'État, éventuellement par la voie de l'expérimentation, de favoriser les entreprises qui s'engagent dans le bon sens, et surtout pour permettre aux consommateurs de savoir réellement ce qu'ils achètent, car ils demandent à être éclairés sur les produits qu'ils consomment. C'est pourquoi l'idée qui sous-tend la proposition de loi nous semble très bonne.

Nous ne devons jamais oublier, cependant, que les efforts doivent d'abord être menés au niveau européen – vous l'avez d'ailleurs rappelé il y a quelques instants, monsieur le rapporteur – , tout d'abord, il faut le dire, parce que les entreprises sont beaucoup plus vertueuses sur le territoire national qu'au niveau international. Total, c'est mieux que Gazprom, et il vaut mieux EDF ou Engie que Total Direct Énergie ! On risque pourtant, en se limitant au niveau français, de taper sur Total plutôt que sur Gazprom. De toute évidence, l'enjeu est bien la régulation au niveau de l'Union européenne, d'autant que les États-Unis possèdent toutes les grandes agences de notation dans le monde – ils viennent même de s'offrir celle de Nicole Notat. Quant à la Chine, elle encourage de plus en plus ses entreprises à intégrer la responsabilité sociale et environnementale. Veillons à ce que l'Union européenne ne soit pas le seul continent du monde à ne pas s'engager dans ce domaine.

C'est donc sur le terrain commercial que nous devons agir, en prenant quand même garde à ne pas tomber dans l'arrogance française : nous ne pouvons pas tout faire seuls. Les règles doivent être élaborées au niveau européen, en fonction de trois critères.

Le premier est la transparence : toutes les entreprises qui mènent une activité commerciale en Europe doivent être contrôlées par des organismes indépendants et rendre des comptes. Le jour où Gazprom sera certifié par un organisme indépendant, le regard que nous portons sur cette entreprise – et sur de nombreuses autres dans le monde – changera sans doute.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.