Intervention de Esmeralda Luciolli

Réunion du mercredi 11 décembre 2019 à 15h05
Commission des affaires sociales

Esmeralda Luciolli, conseillère référendaire en service extraordinaire à la Cour des comptes :

En ce qui concerne la chirurgie bariatrique, la France y a plus recours que d'autres pays, comme vous pourrez le constater dans le tableau à la page 84 du rapport. Les taux sont toutefois à nuancer, dans la mesure où, au Royaume-Uni et en Allemagne, les modalités de remboursement sont beaucoup moins favorables qu'en France. Par ailleurs, au-delà de la question du nombre d'interventions et du taux de recours, nous avons essayé d'insister, dans le rapport, sur le problème de la prise en charge des patients. Non seulement on recourt un peu trop facilement à la chirurgie bariatrique, mais surtout il existe un problème de suivi des patients, avant et après la chirurgie. Loin d'être un acte anodin, celle-ci exige un suivi très rapproché et des compléments nutritionnels. Elle n'a rien d'une intervention miracle ou ponctuelle. Elle est d'ailleurs censée être réservée à des patients en échec thérapeutique, après un accompagnement d'au moins six mois.

Nous remettons en cause, dans le rapport, la facilité avec laquelle se fait le recours à cette chirurgie, en particulier dans le secteur privé, notamment dans des établissements qui ne font que de la chirurgie et où l'accompagnement médical pré et post-chirurgical n'est pas satisfaisant. Depuis 2017, où l'on a pour la première fois tiré la sonnette d'alarme, à la suite de plusieurs rapports réalisés par la Caisse nationale de l'assurance maladie, l'Académie de médecine et l'Inspection générale des affaires sociales, on assiste enfin à une petite baisse du recours à la chirurgie bariatrique dans les établissements privés à but lucratif. La feuille de route obésité 2019-2022, publiée au mois d'octobre, suit en cela plusieurs recommandations afin d'introduire des seuils d'activité et des critères de qualité. Si la situation est en voie d'amélioration, nous devons rester vigilants.

Le problème des transports bariatriques a été soulevé par des patients, mais aussi par des équipes. Dans le cadre du plan obésité de 2011, l'organisation des transports bariatriques a été confiée aux centres spécialisés de l'obésité, qui disposent de quelque 25 000 euros pour aider à les organiser sous leur égide et dans le cadre d'un schéma régional du transport bariatrique. Les premières étapes ont consisté à faire un état des lieux et à équiper les véhicules SMUR. Aujourd'hui, presque tous les SAMU disposent d'un véhicule pouvant transporter des personnes en situation d'obésité sévère en urgence vitale. Ce qui pose davantage problème, ce sont les transports non urgents, pour lesquels nous avons constaté un problème d'organisation, de disponibilité et de surcoût, puisqu'il faut au minimum deux personnes pour transporter les patients. Dans le cadre de la feuille de route obésité 2019-2022, nous devrions aller vers une amélioration de l'offre qui n'est, comme nous l'avons constaté sur le terrain, pas satisfaisante, avec de nombreux retards. Les centres spécialisés de l'obésité chargés de cette mission n'ont pas toujours les moyens de l'organiser, étant donné que cela leur demande d'identifier les sociétés d'ambulances prêtes à investir dans ce type de démarche.

En milieu scolaire, le plus frappant, ce sont les inégalités qui se creusent entre les enfants et adolescents selon les catégories socio-professionnelles dont ils sont issus, comme l'a montré une publication de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du mois d'août dernier. C'est pourquoi il faut certainement privilégier des actions plus ciblées vers les enfants les plus vulnérables, et plus probantes. Même s'il est très difficile d'évaluer des actions de prévention, nous savons que le programme ICAPS destiné aux collégiens, qui a été testé et évalué il y a plusieurs années dans l'est de la France, a obtenu des résultats très positifs et durables. L'important, en matière de stratégie, est, d'une part, d'instaurer une surveillance plus régulière des enfants – au Royaume-Uni, l'ensemble des enfants scolarisés est évalué chaque année, ce que nous ne sommes pas capables de faire en France, faute d'un système d'information à l'échelle de la santé scolaire ; d'autre part, de mettre en oeuvre des actions ciblées sur les enfants et les adolescents les plus à risque.

Outre-mer, comme vous l'avez dit, madame la députée, les conditions sont particulièrement défavorables, aussi bien en matière d'offre alimentaire que de facteurs de risque. Il y a quelques années, la Cour des comptes avait consacré un rapport thématique à la santé outre-mer, où ces problèmes se manifestent de façon particulièrement aiguë. Il nous semble important de pouvoir cibler dans ces territoires également les enfants les plus à risque. Compte tenu de la situation et de la démographie médicales, il convient de développer toutes les stratégies permettant de s'appuyer sur d'autres catégories de personnels. Parmi nos recommandations apparaît ainsi l'extension des compétences des infirmières en pratique avancée (IPA) ou la participation des infirmières Asalée aux programmes de prévention, étant donné qu'elles sont habilitées à le faire dans le cadre de leur mission concernant le diabète ou la prévention des risques cardiovasculaires. Ce type d'appui nous semble particulièrement pertinent outre-mer pour pallier la pénurie médicale. Un effort sur les formations serait souhaitable, afin notamment que les universités outre-mer proposent le master IPA. Il faut également favoriser les fonctionnements en réseau avec d'autres professionnels.

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