Intervention de Guy Bricout

Réunion du mercredi 22 janvier 2020 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Bricout, rapporteur :

La proposition de loi que je vous présente a pour objet d'étendre à douze jours la durée du congé accordé aux parents pour le décès d'un enfant mineur ou à charge. Elle comporte un seul article, qui tend à modifier en ce sens les dispositions de l'article L. 3142-4 du code du travail.

La durée d'un tel congé est actuellement de cinq jours, étant précisé que ne sont décomptés que les jours ouvrables, au même titre que les congés payés ; il ne s'agit pas de jours calendaires. Or, cinq jours, c'est peu, et même cruellement insuffisant. Il faut, en réalité, bien plus de temps pour faire face au décès d'un enfant.

En effet, au plan pratique tout d'abord, l'ensemble des démarches à entreprendre à la suite du décès – déclaration de décès, obsèques, qui doivent être organisées dans les six jours, et, enfin, démarches administratives, souvent longues – prennent du temps, et cinq jours ne suffisent pas.

Au plan émotionnel ensuite, c'est autrement difficile : il faut du temps pour se reconstruire. Certains d'entre vous ont dû être confrontés à de telles situations, et ont peut-être même dû y faire face. Cette épreuve est la plus difficile que puisse rencontrer un parent au cours d'une vie. La perte d'un enfant crée un vide, un grand vide. Il faut du temps pour l'apprivoiser, accepter que l'enfant que l'on a aimé ne reviendra plus et réapprendre à vivre.

Qui pourrait prétendre que cinq jours suffisent ?

Beaucoup de salariés bénéficient de la bienveillance de leur employeur ou de leurs collègues, dont il faut saluer la générosité. C'est souvent grâce à eux que le parent endeuillé obtient quelques moments de répit, que son employeur lui ait donné une autorisation d'absence de quelques jours ou que ses collègues aient effectué une partie de son travail. Mais cette bienveillance dépend de l'entreprise. Or, on ne peut compter sur le fait que l'employeur sera toujours plus généreux à l'égard de son salarié que ne le prévoit la loi.

Il est vrai que certaines personnes préfèrent reprendre le travail le plus tôt possible ; elles veulent passer à autre chose, s'occuper et ne plus rester chez elles à ne rien faire. Mais les faits sont souvent têtus : la douleur empêche le salarié de se concentrer sur son travail, son environnement est bien souvent perturbé et, en fin de compte, l'ensemble de l'entreprise est affecté.

Pour être bien dans son travail, il faut être bien dans sa famille. Or, il est bien sûr difficile d'être bien dans sa famille lorsque l'on vient de perdre un enfant. Et avec cinq jours de congé seulement, cela devient impossible. La durée de douze jours, retenue dans la proposition de loi, est issue d'un constat simple. Le code du travail accorde un congé de paternité de onze jours. Or, il ne me semble pas normal que la durée du congé accordé au parent en cas de décès de son enfant soit plus courte. Onze jours pour une naissance, douze jours pour un décès : voilà qui serait dans l'ordre des choses, selon moi.

Cette proposition de loi, je tiens à le souligner, ne ferait en aucun cas peser une charge déraisonnable sur les entreprises, grandes ou petites. Une simple comparaison suffit à le montrer. On compte plus de 700 000 naissances par an, et sept pères sur dix choisissent de prendre un congé paternité à la naissance de leur enfant, soit, au total, près de 500 000 congés paternité d'une durée de onze jours chacun. Or, on dénombre, hélas, 4 500 décès d'un enfant mineur par an. Peut-on sérieusement affirmer que les entreprises, qui peuvent supporter le coût de 500 000 congés paternité chaque année, ne pourraient tolérer 4 500 congés de deuil ? La réponse est de toute évidence : non.

Au reste, les exemples étrangers nous confirment qu'un congé de douze jours est des plus raisonnables. Ainsi, en Suède, les salariés ayant perdu un enfant bénéficient d'un congé de dix jours. Ce pays a, certes, la réputation d'une certaine avance en matière sociale. Mais, au Royaume-Uni, depuis une loi de septembre 2018, un congé de deux semaines est accordé aux parents ayant perdu un enfant, mineur ou majeur. La France, pays de la solidarité, se grandirait donc en se montrant généreuse envers ces parents. Douze jours, c'est la durée d'un congé de deuil plus juste, plus respectueux des parents et plus digne. Les parents nous disent avoir besoin de cette reconnaissance sociale.

Pour conclure, permettez-moi de citer quelques vers qui valent mieux que n'importe quel discours :

« Demain dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,

« Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.

« J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.

« Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

« Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,

« Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

« Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe

« Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. »

Qu'ajouter à ces vers, que Victor Hugo composa en hommage à sa fille Léopoldine, décédée à l'âge de 19 ans ?

Je remercie ma collègue Sereine Mauborgne, qui a assisté aux auditions et m'a éclairé sur certains points.

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