Intervention de Olivier Marleix

Séance en hémicycle du vendredi 3 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Administration générale et territoriale de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette mission présente un profil atypique – c'est le moins que l'on puisse dire. Le projet de loi de finances pour 2018 ne prévoit que 324 suppressions d'emplois pour les services de l'État. À ce rythme, il faudra 370 ans au président Macron pour tenir sa promesse de suppression de 120 000 emplois de fonctionnaires ; certes, il est jeune, mais quand même ! Dans ce contexte, au sein de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », le programme 307, qui rassemble les moyens des préfectures, y participe quasiment à lui tout seul à hauteur de 137 %, puisqu'il prévoit 443 suppressions de poste.

Le ministère de l'intérieur fait donc preuve d'un zèle incomparable ! En soi, je ne condamne évidemment pas cet effort, pour autant que l'on soit capable, en même temps, si j'ose dire, de garantir une poursuite efficiente des missions. Et c'est là, madame la ministre, que j'ai des divergences.

Après dix ans de réduction des moyens, quel est le rôle et quel est l'avenir des préfectures et des sous-préfectures ? Cette question, voire cette inquiétude, est largement partagée sur tous les bancs. Elle fait écho au sentiment d'abandon d'un nombre grandissant de nos concitoyens, qui voient s'éloigner d'eux les services publics. Or le budget qui nous est proposé est loin d'apaiser ces craintes.

Je ne prendrai que deux exemples : le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales et les missions de guichet ou de délivrance de titres.

Le contrôle de légalité est une mission essentielle aux yeux du pouvoir législatif, puisque c'est lui qui garantit l'application uniforme de la loi sur tout le territoire. Je tiens à saluer les efforts importants de mutualisation qui ont été réalisés ces dernières années, notamment avec les DDT – directions départementales des territoires – et les directions départementales des finances publiques – DDFiP. Je tiens aussi à saluer les efforts de rationalisation réalisés en interne par le regroupement des moyens au sein des préfectures.

Toutefois, madame la ministre, nous sommes aujourd'hui très clairement à l'os : il n'y a plus grand-chose à rogner, si bien que je m'inquiète de l'apparition d'angles morts dans le contrôle de légalité. Je pense aux décisions et aux budgets des sociétés d'économie mixte ou des SPL – sociétés publiques locales – , qui échappent à peu près totalement au contrôle de légalité, avec en plus la difficulté qu'on y pratique la comptabilité privée, dont les fonctionnaires ne sont pas toujours les plus familiers.

Je m'étonne aussi que, quatre ans après le vote de la loi de 2013 relative à la transparence de la vie publique, vos services n'utilisent toujours pas les données des déclarations d'intérêt des exécutifs locaux pour les croiser avec l'attribution des marchés publics. Je crois qu'il n'y a rien de pire que les faux-semblants. Avoir légiféré en annonçant : « Nous allons assainir » pour, finalement, faute de moyens de contrôle, ne pas garantir cet assainissement, ne serait pas une bonne chose.

Je crois vraiment, madame la ministre, que le contrôle de légalité ne peut plus servir à l'avenir de variable d'ajustement.

Je voudrais en second lieu évoquer la question de la délivrance des titres qui connaît cette année une révolution, puisque, conformément au Plan préfecture nouvelle génération mis en place par votre prédécesseur, M. Cazeneuve, depuis le 1er novembre, nos concitoyens trouvent porte close en préfecture et sont orientés vers des centres régionaux dématérialisés. En termes d'effectifs, c'est évidemment une réforme majeure puisqu'elle permet de dégager 1 650 emplois en trois ans.

J'ai deux regrets, madame la ministre. Le premier est la brutalité de la mise en oeuvre de cette réforme. Il n'est pas normal que nos concitoyens trouvent du jour au lendemain porte close en préfecture. Il y a toujours près de 20 % des Français – vous le savez puisqu'il y en a notamment dans votre département du Loir-et-Cher – qui n'ont pas internet, et bien davantage encore qui n'ont pas de scanner pour joindre les copies des justificatifs. Je crains que cette dématérialisation de la délivrance des titres ne garantisse plus un accès équitable à tous les usagers. Il faudrait que, comme à la préfecture de Rennes où je me suis rendu, demeure un accueil physique en préfecture pour accompagner nos concitoyens dans leurs démarches.

Mon second regret est de savoir que cet effort de réorganisation considérable, auquel se prêtent les agents des préfectures avec un sens du service public exceptionnel, ne permet pas de dégager des moyens pour des politiques choisies : en effet, ces moyens seront, pour l'essentiel, absorbés par une mission totalement subie qui est l'accueil des étrangers, notamment des demandeurs d'asile.

C'est une situation assez inédite et paradoxale que vous créez : les citoyens français ne seront plus accueillis dans les préfectures, où ils trouveront porte close et où, en revanche, n'y seront plus admis que les étrangers. C'est la seule mission de guichet qui demeurera dans les préfectures. Le sujet n'est pas anecdotique puisque, au terme du Plan préfecture nouvelle génération, à la fin de l'année 2018, il n'y aura plus, madame la ministre, que 1 300 agents affectés à la délivrance des titres pour tous les citoyens, contre 3 200 affectés au seul accueil des étrangers. Tout cela démontre simplement que l'accueil des demandeurs d'asile et des étrangers et les tentatives d'éloignement infructueuses sont en train d'emboliser le fonctionnement des préfectures !

On pourrait en rire si cette embolie n'avait eu les conséquences que chacun connaît à la gare Saint-Charles. Qui peut croire que des effets semblables ne pourraient pas se reproduire dans d'autres départements ? Ce n'est pas le professionnalisme de M. Comet qu'il faut mettre en doute, c'est l'impotence de notre système d'éloignement qui est en cause. Il est urgent d'y remédier en apportant des solutions.

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