Intervention de Olivier Damaisin

Réunion du jeudi 2 novembre 2017 à 15h05
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles - affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Damaisin, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour les régimes sociaux et de retraite :

Le système de retraite français est composé d'une pluralité de régimes, parmi lesquels on compte une quinzaine de régimes spéciaux, appelés ainsi parce qu'ils fonctionnent sur la base d'une solidarité restreinte à une profession ou à une entreprise et parce qu'ils dérogent en tout ou partie aux règles des régimes alignés. L'État contribue au financement de certains d'entre eux, soit en tant qu'employeur – ce sont les opérations budgétaires retracées dans le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » –, soit au titre de la solidarité nationale – ce sont les dépenses retracées dans la mission « Régimes sociaux et de retraite » –, les régimes spéciaux étant dans l'incapacité de s'autofinancer du fait de leur déséquilibre démographique. Le total de ces dépenses atteint, en 2018, 64,7 milliards d'euros, dont 58,41 milliards d'euros pour les régimes spéciaux de la fonction publique et des ouvriers d'État et 6,33 milliards d'euros pour les autres régimes spéciaux.

S'agissant du régime spécial des fonctionnaires civils et des militaires, le budget prévu pour 2018 fait apparaître une hausse des dépenses de pensions de 1,49 % par rapport à 2017. Cette augmentation, plus importante que la moyenne annuelle depuis 2014, s'explique essentiellement par un facteur démographique : le nombre de nouveaux retraités croît tandis que les sorties de pension sont stables. Elle est cependant indolore pour le budget de l'État, car elle est compensée, côté recettes, par la hausse du taux des cotisations salariales, qui passe de 10,29 % en 2017 à 10,56 % en 2018, sans que la contribution de l'État employeur augmente. Ainsi, cette année encore, le CAS « Pensions » dégage un solde excédentaire qui porte le solde cumulé à un niveau record. Cependant, certains facteurs pourraient contribuer à le dégrader à moyen terme. Ainsi, l'accord sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR), négocié en 2015 entre le Gouvernement et les six syndicats de fonctionnaires, qui prévoit la revalorisation de toutes les grilles de rémunération des fonctionnaires d'ici à 2020, pourrait conduire, à terme, à une augmentation du montant des pensions du fait de l'élévation de la rémunération des fonctionnaires en fin de carrière.

Selon les prévisions du service des retraites de l'État, la dynamique des dépenses devrait ramener le niveau du solde cumulé vers le montant d'un milliard d'euros d'ici à 2020. Il faudra alors relever le taux de la contribution employeur pour maintenir l'équilibre du compte, comme cela a été fait à maintes reprises par le passé pour pallier la hausse des dépenses du CAS « Pensions ». L'impact sur le budget de l'État s'en ressentira.

S'agissant des subventions d'équilibre versées par l'État aux caisses de retraite gestionnaires des autres régimes spéciaux, retracées dans la mission « Régimes sociaux et de retraite », les crédits augmentent de 2,4 millions d'euros en 2018 par rapport à 2017. Tandis que la subvention d'équilibre versée à l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM), qui gère le régime spécial de retraite des marins, reste stable et que les subventions versées aux régimes fermés décroissent de près de 3 % par rapport à 2017, le montant des subventions d'équilibre versées aux régimes spéciaux des transports terrestres – RATP et SNCF essentiellement – connaissent une envolée de 70 millions d'euros. Le montant prévisionnel de la subvention versée à la caisse de retraite des personnels de la RATP passe ainsi de 680 millions d'euros en 2017 à 709 millions d'euros en 2018, soit une augmentation de 4,2 % par rapport à 2017. Quant à la subvention d'équilibre qu'il est prévu de verser à la caisse gestionnaire du régime spécial de retraite SNCF, son montant atteint 3,28 milliards d'euros en 2018 ; il s'alourdit donc de 30 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2017, après avoir augmenté de 38 millions d'euros l'année précédente. Qui plus est, la ligne est systématiquement sous-budgétisée, si bien que, chaque année depuis 2015, il a été nécessaire de trouver des financements complémentaires. Ainsi, en 2016, il a fallu opérer un transfert de crédits de 27 millions d'euros en provenance du programme 195 et utiliser 24 millions d'euros de crédits disponibles sur le programme 198, soit 51 millions d'euros débloqués en cours d'année pour compléter la subvention d'équilibre.

Cette situation me paraît intenable. Ces régimes ne peuvent pas s'autofinancer puisqu'ils comptent un nombre de pensionnés bien plus élevé que le nombre de cotisants. Or, leur situation démographique ne devrait pas s'améliorer dans les années à venir, ce qui signifie que le montant des subventions étatiques est voué à augmenter. Là est bien la limite des réformes paramétriques opérées ces dernières années dans un objectif de convergence avec le régime de la fonction publique. L'âge moyen de départ à la retraite, notamment, reste trop bas pour permettre de juguler la hausse du nombre des pensionnés. En outre, les différentes de traitement entre les salariés relevant du régime général et les bénéficiaires des régimes spéciaux ne sont plus acceptées par l'opinion.

Ces régimes sont, pour la plupart, les vestiges d'une organisation éclatée de la protection sociale avant 1945. Leur maintien ne se justifie plus aujourd'hui. C'est pourquoi je me réjouis que l'exécutif, en la personne du haut-commissaire Jean-Paul Delevoye, réfléchisse à une grande réforme qui consisterait à harmoniser les nombreux régimes existants pour mettre en place un système universel de retraite par répartition.

Monsieur le ministre, ma question portera sur le régime spécial de retraite des marins, géré par l'ENIM. Ces dernières années, cet établissement a embauché sous contrat une quarantaine de collaborateurs spécialisés dans la protection sociale, alors qu'il employait jusqu'à présent essentiellement des marins. Ce sont des collaborateurs précieux pour cet organisme qui cherche à gagner en efficacité et à améliorer le service rendu à ses assurés sociaux. Or, ces agents contractuels arrivent au terme de deux CDD de droit public et, pour obtenir le droit de les « CDIser », l'ENIM doit figurer dans un décret-liste en cours de préparation à la direction générale des finances publiques (DGFiP). Pourriez-vous nous confirmer que l'ENIM figurera bien sur ce décret-liste ?

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