Intervention de Émilie Chalas

Réunion du jeudi 2 novembre 2017 à 15h05
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles - affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Chalas, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour la fonction publique :

Pour la préparation de ce premier rapport de la législature, j'ai procédé à de nombreuses auditions, rencontré les principaux acteurs de la politique de ressources humaines des trois versants de la fonction publique et je me suis rendue dans l'Isère, où j'ai consulté le préfet et plusieurs exécutifs locaux afin d'apprécier la perception des réformes et de récolter un certain nombre d'idées innovantes et de savoir-faire.

Plutôt que de retracer les crédits du programme « Fonction publique », je concentrerai mon propos sur quelques points.

Tout d'abord, je m'inquiète de la baisse continue, depuis cinq ans, du nombre de bons candidats recrutés dans le cadre du cycle préparatoire au concours interne et au troisième concours de l'ENA. Cette situation s'explique par le fait que ces candidats perdent 25 % à 40 % de leur salaire à leur entrée en préparation à l'ENA puis à l'ENA elle-même, puisque les agents publics ne sont rémunérés que sur leur traitement de base. Ne conviendrait-il pas de donner à l'ENA les moyens de compenser cette perte financière de manière à assurer la diversité socioprofessionnelle des profils des futurs dirigeants de l'administration ? Cette mesure aurait un coût d'environ un million d'euros par an. Si vous m'apportiez des éléments de réponse, monsieur le ministre, je serais tout à fait disposée à retirer l'amendement que j'ai déposé à ce sujet.

Ensuite, je souhaiterais vous interroger sur la pertinence du dispositif du jour de carence, que vous avez rétabli pour lutter contre l'absentéisme. En effet, les comportements abusifs restent minoritaires parmi les 5,4 millions d'agents publics. Ne serait-il pas plus juste et tout aussi efficace de maintenir la prise en charge par l'employeur public des deux premiers arrêts maladie ordinaire au cours de l'année civile et d'appliquer trois jours de carence, comme c'est le cas dans le secteur privé, à compter du troisième arrêt ? En effet, tout un chacun peut tomber malade une ou deux fois par an ; or, on doit pouvoir se soigner sans être systématiquement pénalisé et stigmatisé au nom de la lutte contre l'absentéisme. La majorité des employeurs du secteur privé l'ont d'ailleurs bien compris puisque, pour 70 % des salariés, la prise en charge des trois jours de carence est prévue par les conventions collectives. Ma proposition cible spécifiquement les agents qui bénéficient d'un arrêt maladie ordinaire trois fois par an ou plus. Je défendrai, par ailleurs, un amendement spécifique sur l'exonération du délai de carence pour les femmes enceintes.

Je souhaite également vous interroger sur la stratégie de pilotage et de transformation de l'action publique pour la période 2018-2022.

Le processus « Action publique 2022 » m'apparaît comme une méthode inédite, inclusive et moderne pour redéfinir le périmètre des services publics. Pour ma part, je considère que cette réflexion devra conduire à clarifier les compétences de chacun en supprimant les doublons inutiles. Il s'agira de définir très clairement nos priorités pour le service public de demain. Ce n'est que dans ces conditions qu'il sera possible d'apprécier le niveau optimal des effectifs de la fonction publique au regard du référentiel de 120 000 suppressions de postes à l'horizon 2022 fixé par le Président de la République. Je formule d'ailleurs, dans mon avis, douze propositions pour assurer le succès de cette démarche.

Sur le plan de la méthode, le comité « Action publique 2022 » réunit trente-trois personnes de très grande qualité et dont les profils sont très divers, mais il manque trois catégories d'acteurs essentiels à la conduite du changement : les représentants des directeurs généraux des services (DGS) de collectivités territoriales et des directeurs d'hôpitaux ; les organisations syndicales ; enfin, les parlementaires ne sont que deux, ce qui me paraît insuffisant pour illustrer et rapporter l'avis du législateur. Pouvez-vous nous expliquer comment nous pourrions les associer concrètement au processus « Action publique 2022 » ?

S'agissant des outils conçus pour améliorer la maîtrise des dépenses publiques, je me réjouis de la création d'un dispositif de contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales. Cette nouvelle relation partenariale permettra de co-construire les conditions dans lesquelles pourront être atteints les objectifs de maîtrise des dépenses de fonctionnement et du ratio d'endettement fixés par la loi de programmation. À cet égard, ne serait-il pas intéressant d'inciter les collectivités à réduire leurs dépenses de fonctionnement en utilisant le levier de l'augmentation du temps de travail – 1 607 heures annuelles – ou de revoir l'octroi d'un grand nombre d'autorisations spéciales d'absence ? Du reste, j'ai pu constater, durant mon déplacement en Isère, que cette pratique pouvait favorisait une concurrence déloyale entre collectivités soucieuses d'attirer les meilleurs agents publics.

Il me semble également indispensable, dans la même perspective de concertation innovante et pragmatique que les démarches « Action publique 2022 » et « Conférence des territoires », d'évaluer à moyen terme l'efficacité des réformes territoriales engagées sous le précédent quinquennat. Ne faudrait-il pas lancer cette évaluation en 2019 pour se laisser le temps, le cas échéant, de réfléchir aux incohérences issues de ces réformes et de poursuivre la simplification de notre millefeuille territorial ? Je sais que les demandes des élus locaux sont contradictoires : ils réclament une stabilité législative tout en jugeant nécessaire de réformer plus avant.

Enfin, je tiens à appeler votre attention sur la nécessité d'associer le plus en amont possible les 5,4 millions d'agents publics et de les aider à adhérer à notre stratégie. C'est ainsi que nous réussirons ensemble le plan de transformation de la fonction publique.

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