Intervention de Jean-Jacques Ferrara

Séance en hémicycle du mardi 7 novembre 2017 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de commission de la défense nationale, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, bien entendu, l'effort consenti en projet de loi de finances pour 2018 est notable, même si une part importante n'est que la traduction budgétaire de décisions prises ces dernières années ou financera le surcoût des OPEX, auparavant pris en charge de manière interministérielle.

Mais, madame la ministre, la réussite de l'exercice 2018 dépendra des conditions de sortie de l'année 2017. Permettez-moi, à ce titre, d'attendre, le coeur plein d'espoir, le dégel des 700 millions d'euros encore bloqués. Nous comptons tous sur vous, car nous connaissons votre détermination à faire céder Bercy ; vous nous l'avez confirmé la semaine dernière en commission élargie.

Malgré les effets d'annonce, la situation demeure tendue. Permettez-moi de vous faire part de mon inquiétude quant à l'avenir de notre armée de l'air. Bien sûr, celle-ci devrait recevoir, au cours de l'année 2018, un certain nombre d'appareils essentiels au maintien de nos capacités – je pense au premier ravitailleur MRTT Phénix notamment. Mais quel n'a pas été mon désarroi lorsque j'ai pris connaissance des documents annexés au projet de loi de finances ! Il y est froidement écrit que le « niveau élevé d'engagement » de l'armée de l'air « entraîne [… ] des pertes de compétences dans les savoir-faire non utilisés dans les opérations actuelles » et que « le déficit organique va continuer à se creuser ». En somme, le Gouvernement prend acte des difficultés, mais ne semble pas prêt à fournir l'effort nécessaire pour inverser la tendance. Je sais bien que tel n'est pas votre point de vue, madame la ministre, mais l'honnêteté qui transparaît dans ces propos est déconcertante.

Je centrerai ici mon intervention sur trois sujets qui me semblent prioritaires. Le premier concerne les ressources humaines : nous sommes sans nul doute collectivement allés trop loin dans les réductions des moyens de l'armée de l'air. Si la chute des effectifs a été brutale pour toutes les armées, l'armée de l'air a supporté près de 50 % des déflations. Cette pression sur les effectifs est d'autant plus rude que les besoins de recrutement s'accroissent du fait de l'apparition de nouvelles spécialités ou de l'entrée en service de nouveaux matériels. Je pense ainsi à l'essor du cyber, à l'armement des drones, à la livraison des MRTT ou des avions légers de surveillance et de reconnaissance.

Le deuxième point touche aux capacités : je n'évoquerai ici que quelques points méritant selon moi l'attention la plus vive, et d'abord les ravitailleurs. Vous le savez, madame la ministre, nous n'en avons pas assez. Cela est d'autant plus vrai que nos C-135 ont plus de cinquante ans – ils ont été livrés du temps du général de Gaulle ! Sans ravitailleur, un avion de combat ou un hélicoptère reste cloué au sol et nous sommes, en la matière, dépendants de nos alliés. Dans ce contexte, il est essentiel d'accélérer le programme de livraison et d'augmenter la cible d'aéronefs, alors que les douze MRTT ont vocation à remplacer dix-neuf appareils.

Depuis plus de vingt ans, nous dénonçons le trop faible nombre de pods de désignation laser. Les Talios arrivent, ainsi que vous l'avez rappelé en commission élargie, mais, ne nous trompons pas, madame la ministre : les Talios n'équiperont que les Rafale, tandis que les Mirage 2000 D continuent d'opérer avec les pods d'anciennes générations, dont vous nous avez dit qu'ils ont des performances limitées et ne sont donc plus adaptés aux exigences des théâtres d'opérations modernes. Ne faut-il pas augmenter la cible des Talios et prévoir d'en équiper les Mirage 2000 D ? J'en suis convaincu.

Enfin, madame la ministre, concernant la commande d'un Caracal destiné à remplacer l'un des deux détruits en opération, j'ai déposé un amendement qui vous fournira l'occasion de préciser vos intentions à ce sujet. Cet appareil est fondamental pour la conduite des opérations de nos forces spéciales au Sahel. Vous avez dit un peu plus tôt que la France ne céderait rien ; alors ne cédez rien, madame la ministre !

Troisièmement, j'évoquerai le niveau d'engagement actuel, qui contribue à l'épuisement des matériels et pèse sur la préparation opérationnelle. Les avions volent quatre fois plus en opérations qu'en métropole et leur potentiel opérationnel s'épuise plus vite. De plus, la formation et l'entraînement des pilotes sont fortement touchés par le niveau d'engagement. Tout cela pèse sur la préparation opérationnelle.

Pour terminer, je souhaite, en notre nom à tous, rendre hommage aux aviateurs qui partout assurent la protection de la France et des Français, et défendent les valeurs de la Nation. Il y a peu, nous avons célébré la mémoire des As de la Première Guerre mondiale. Aux côtés de Charles Nungesser, René Fonck et tant d'autres, la figure de Georges Guynemer inspire toujours les aviateurs. Aujourd'hui encore, « Faire face » est l'une de leurs devises. Tâchons d'honorer la mémoire de ces chevaliers du ciel en donnant à leurs successeurs les moyens de perpétuer leur héritage.

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