Intervention de Laurence Gayte

Réunion du mercredi 25 octobre 2017 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Gayte, rapporteure :

Comme je l'ai déjà indiqué le 11 octobre dernier, cet avis est par nature peu budgétaire puisqu'il concerne les instruments, les objectifs et les modalités de la diplomatie environnementale. Aucun programme, au sens de la structure budgétaire, n'est dédié à la diplomatie environnementale. Aucun indicateur n'y est non plus associé : l'objectif est politique. En outre, la diplomatie environnementale est une compétence partagée par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et par le ministère de la Transition écologique et solidaire.

Cet avis vise à donner au Gouvernement des recommandations en matière de diplomatie environnementale et climatique. Il est cette année centré sur le climat en raison de l'urgence planétaire.

Trois éléments les plus marquants en 2018 sur le plan climatique seront d'abord rappelés dans le rapport. D'abord, les événements météorologiques récents, qui rappellent la nécessité d'agir vite. Ensuite, la chute du prix des énergies renouvelables, qui fait que le marché s'oriente progressivement en faveur de la transition énergétique. Enfin, le retrait annoncé des États-Unis de l'Accord de Paris. Ce dernier devrait finalement avoir peu d'effet sur le climat. Au niveau des États fédérés, des grandes villes américaines, des entreprises, de la finance et de la société civile, le pays reste très engagé dans la transition énergétique. Par ailleurs, aucun autre pays n'a suivi les États-Unis ni au sein du G7, ni au sein du G20. C'est donc surtout sur le plan politique qu'ils s'affaiblissent.

Ensuite, le rapport analysera le positionnement de la France dans cette géo-écologie en mouvement qu'est la diplomatie environnementale. On constate que notre pays est cohérent et crédible. Son engagement en faveur du climat, couronné par le succès de l'Accord de Paris, il y a deux ans, est conforté et amplifié par les discours, d'abord l'Assemblée générale des Nations unies, ensuite à la Sorbonne, sur le thème de l'Europe : le Président de la République a développé une vision stratégique du monde et de l'Union européenne où l'environnement, le climat et la transition énergétique tiennent une place de choix. Notre pays a enfin pris deux initiatives majeures : le sommet climat du 12 décembre pour montrer combien, deux ans après l'Accord de Paris, la volonté politique et la dynamique sont encore au rendez-vous ; le projet de Pacte mondial pour l'environnement.

Pour ce qui concerne la politique intérieure, le Gouvernement a présenté son plan climat le 6 juillet dernier. L'objectif est d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050. La première priorité du Grand plan d'investissement de 57 milliards d'euros est la transition énergétique avec une enveloppe de 20 milliards d'euros.

Le projet de loi de finances pour 2018 conforte la crédibilité de l'engagement du Gouvernement et de la France en faveur du climat, avec l'augmentation de 5 % des crédits de la mission écologie, développement et mobilité durables avec 10,4 milliards d'euros en 2018. 21 % de ces crédits sont dédiés au développement durable.

La troisième partie du rapport mentionne les recommandations au Gouvernement sur les quatre sujets cardinaux de notre diplomatie environnementale et climatique.

La première recommandation concerne la mise en oeuvre de l'Accord de Paris. Celle-ci doit être la plus ambitieuse possible. La COP 23 devrait valoriser l'idée que l'année 2018 sera l'année de la révision d'ici 2020, dans un sens plus ambitieux, des contributions climat des pays membres. Tel doit être le sens du dialogue facilitateur prévu par le texte de l'Accord, et éclairé par un rapport du GIEC. En effet, si l'on fait le compte des engagements des pays, on ne parvient pas à l'objectif des 2° C. On se situe au mieux vers les 3° C3,5°C. Or, il faut arriver à rester sous les 2° C, voire sous les 1,5° C.

Il faut également être à la hauteur des enjeux sur les modalités d'application de l'Accord de Paris, notamment sur la transparence, d'autant que la technique satellitaire permet maintenant d'estimer la concentration de CO2 dans l'atmosphère.

Il faut aussi être clair sur l'engagement financier en faveur des pays du Sud. Les 100 milliards de dollars par an prévus depuis Copenhague font partie de la relation de confiance. La France s'est engagée sur 5 milliards. Les besoins estimés de la transition énergétique sont immenses : plus de 1 000 milliards par an d'investissements pour plusieurs années pour la seule Europe.

Enfin, il convient de jouer sur la synergie et la complémentarité de l'Accord de Paris avec deux autres instruments majeurs de la diplomatie environnementale qui sont la convention sur la diversité biologique et la convention sur la lutte contre la désertification.

La seconde recommandation concerne l'Union européenne. L'exigence s'impose dans les négociations sur les directives de mise en oeuvre de la stratégie énergie-climat 2030. Il convient aussi de traiter la question du prix du carbone, l'objectif était de fixer un niveau crédible, de 25 à 30 euros la tonne, qui assure aux investisseurs que les conditions économiques de la décarbonation de l'économie sont bien là. Je propose d'ailleurs d'appuyer la proposition du Président Macron sur la taxe carbone aux frontières, car c'est uniquement par ce moyen que l'on garantira la compétitivité de nos entreprises et que l'on évitera les fuites de carbone. Il me semble aussi opportun de prévoir le verdissement des deux grandes politiques de l'Union européenne, la PAC et la politique de cohésion, pour la prochaine période de programmation budgétaire qui démarre après 2020. La décennie 2020 sera en effet stratégique pour la transition vers l'économie décarbonée.

La troisième priorité concerne les engagements commerciaux, qui doivent être mis en cohérence avec l'objectif climatique. On le voit avec l'accord avec le Canada, le CETA. Il a été signé avant l'Accord de Paris, et le plan d'action du Gouvernement contient un volet environnemental, dont je n'ai pas encore eu le temps de prendre connaissance notamment pour tenir compte des objectifs climatiques. Je pense aussi nécessaire de faire évoluer le secteur du transport maritime international.

Pour ce qui est des accords en cours de négociation ou envisagés au niveau de l'Union européenne, il est clair que l'articulation avec les objectifs de l'Accord de Paris doit être incluse dans les futurs dispositifs. D'une manière générale, ces accords doivent servir de levier pour faire évoluer notamment le secteur du transport maritime, qui est pour l'instant le seul à ne pas avoir d'objectif climatique.

La quatrième recommandation du rapport, qui ne relève pas à proprement parler de notre diplomatie environnementale, mais qui lui est étroitement liée, est la mise en place d'une politique de recherche ambitieuse et visible, au niveau national et européen, en matière de stockage de l'électricité, mais aussi dans le domaine du captage du CO2 et en matière de ville durable et d'économie circulaire. Ce sont trois domaines clefs où l'enjeu est de rester industriellement présent dans la définition et la diffusion d'un modèle d'économie sobre en carbone dans toute sa diversité. L'insuffisance de la vision en la matière a été reconnue par la Commission européenne. Le vice-président de la Commission européenne Maroš Šefčovič a réuni le 11 octobre dernier à Bruxelles les acteurs du secteur pour un « Airbus » de la batterie pour les voitures électriques. Cette initiative en forme d'aveu, laquelle est naturellement soutenue par la France, montre l'ampleur du chemin à parcourir pour que l'Europe et la France restent à la pointe des enjeux économiques du monde futur que nous devons bâtir. Ce monde porteur d'un modèle économique transformé, comme me l'a fait très justement remarquer Christian Hutin le 11 octobre, exige de toujours mieux sensibiliser les générations futures grâce à un important effort d'éducation.

Voilà, c'est sous le bénéfice de ces observations que la commission des affaires étrangères pourra à l'issue de la réunion de la commission élargie, le mardi 31 octobre prochain, émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables pour 2018.

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