Intervention de Gérard Cherpion

Séance en hémicycle du mercredi 8 novembre 2017 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Cherpion :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons le premier budget du travail et de l'emploi de cette nouvelle législature. Il est loin d'être le budget de rupture nécessaire, et s'affiche plutôt comme un budget d'attente qui se déleste de la politique brouillonne et opportuniste de vos prédécesseurs.

Visuellement, le budget en faveur du travail et de l'emploi reste stable, en passant de 15,4 à 15,3 milliards d'euros. En réalité toutefois, il perd 1,5 milliard d'euros en raison notamment de l'augmentation des crédits destinés à la compensation par l'État des allocations des demandeurs d'emploi en fin de droits. La mesure principale du Gouvernement est la diminution drastique des contrats aidés. Comprenons-nous bien, madame la ministre : je ne suis pas opposé à une autre solution que celle des contrats aidés. Ceux-ci ont souvent été utilisés par les différents gouvernements comme un moyen de diminution artificielle du chômage. Le gouvernement de François Hollande a toutefois été l'un des plus grands utilisateurs de cet artifice, que nous avons toujours dénoncé. Nous n'allons donc pas nous contredire aujourd'hui.

Toutefois, nous devons dire que la brutalité de la méthode nous semble inacceptable. Vous avez abondé le nombre de contrats aidés durant l'été, pour annoncer leur suppression brutale en août. Cette annonce sans concertation va mettre en péril un grand nombre d'acteurs, que ce soient des associations, des entreprises ou des collectivités locales. Elle va également faire payer ceux qui sont actuellement bénéficiaires de ces contrats, généralement les personnes éloignées de l'emploi et en situation de précarité.

Enfin, non seulement vous avez pris la décision de baisser le nombre de contrats aidés, mais aussi leur taux de prise en charge, qui passe ainsi de 72 % à 50 %. Cette décision mettra, elle aussi, les finances des acteurs concernés en péril. Un minimum de concertation sur ce sujet aurait été bienvenu voire nécessaire. Sur ce sujet, madame la ministre, vous ne pouvez pas prendre l'argument de la promesse de campagne, puisque le candidat Macron n'avait jamais annoncé une telle baisse. C'est en réalité la guillotine de Bercy qui a frappé.

Par ailleurs, l'une des promesses de campagne, appliquée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, aura des conséquences importantes sur le budget du travail et de l'emploi. La hausse de la CSG et la suppression des cotisations sociales vont en effet avoir un effet direct sur l'UNEDIC. Or cet organisme contribue au financement de Pôle emploi à hauteur de 10 % de ses recettes, c'est-à-dire 3,3 milliards d'euros en 2016, soit 64 % du budget de Pôle emploi.

En commission élargie, vous nous avez expliqué que ce problème était résolu puisque la baisse pour Pôle emploi serait compensée par l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale – l'ACOSS. Cette compensation est prévue pour 2018. Mais le sera-t-elle pour les années à venir ? Il semble que ce sera donc à la Sécurité sociale de compenser cette baisse de dotations, avant d'être abondée par la hausse de la CSG, dont les retraités notamment seront les victimes. Cela ressemble à une rustine plutôt qu'à une décision réfléchie. Pourquoi ne pas avoir attendu la réforme de l'UNEDIC et celle de l'assurance chômage pour engager ce changement majeur ?

À l'occasion de cette même commission élargie, la majorité a fait adopter une disposition qui n'était pas prévue par le Gouvernement. Ainsi, les crédits de tous les programmes de ce budget sont ponctionnés afin de créer un dispositif d'emplois francs – même si l'amendement du Gouvernement fait évoluer les choses. Il s'agit d'une prime à l'emploi destinée aux quartiers prioritaires de la politique de la ville : 15 000 euros sur trois ans pour une embauche en CDI et 5 000 euros sur deux ans pour une embauche en CDD. Cette expérimentation coûterait 64 millions d'euros pour l'année 2018. Cette belle idée de discrimination positive peut s'entendre sur le principe. Nous devons en effet aider à faire diminuer le taux de chômage dans les quartiers prioritaires, car il y est extrêmement élevé. Toutefois, est-ce la bonne solution ?

En 2013, le précédent gouvernement s'était essayé aux emplois francs. Le résultat, qui n'était pas satisfaisant, avait entraîné l'arrêt puis la suppression du dispositif. En 2013, les emplois francs étaient limités aux jeunes de 16 à 30 ans ; les vôtres ne prévoient pas de limite d'âge. Ceux de 2013 étaient soumis à une condition de qualification ; les vôtres n'en imposent aucune. Pas de conditions, et un montant d'aide très supérieur à celui de 2013 ; tout cela fait craindre un effet d'aubaine.

Pourtant, France Stratégie, institution alors présidée par Jean Pisani-Ferry, proposait, en mars 2015, de restreindre le dispositif aux « habitants les moins qualifiés pour éviter les effets de dépréciation des plus diplômés », d'adapter l'aide à la durée du travail et de prévoir une évaluation indépendante pour apprécier les effets d'aubaines. Apparemment, la plume du projet économique du candidat Macron n'a pas été entendue, et c'est bien dommage.

Sur le plan de la formation professionnelle, ce budget est marqué par les annonces gouvernementales. Le Premier ministre prévoit ainsi, dans le volet formation de son plan d'investissement, de former un million de jeunes décrocheurs afin que 150 000 d'entre eux trouvent un emploi, ainsi qu'un million de demandeurs d'emploi dans l'objectif d'en conduire également 150 000 à retrouver du travail. On peut s'étonner du manque d'ambition de ce plan qui ne vise un taux de réussite que de 15 %. Mais surtout nous devons nous inspirer du précédent plan de formation.

Dans ce domaine, les régions ont pleinement joué le jeu, et je peux en témoigner en tant qu'ancien vice-président du conseil régional du Grand Est, délégué à l'emploi, la formation et l'apprentissage. Les régions ont principalement investi dans les formations qualifiantes et préqualifiantes, alors que Pôle emploi s'est plutôt chargé des formations professionnalisantes courtes. Ce plan doit donc se faire en étroite collaboration avec les régions et de façon pluriannuelle. Sur ce sujet, madame la ministre, nous vous avons posé plusieurs fois une question à laquelle vous n'avez toujours pas répondu clairement. Avez-vous prévu de transférer la compétence apprentissage des régions aux branches, un projet dont nous entendons trop souvent parler ?

Mes chers collègues, face à un budget qui manque d'ambition par rapport aux objectifs, le groupe Les Républicains ne pourra que voter contre.

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