Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mercredi 12 février 2020 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Comme l'a souligné M. Bruno Cabrillac, cette question de la transformation du franc CFA en eco n'est évidemment pas simplement technique ; elle est aussi éminemment politique. Le franc CFA est un acronyme qui désignait d'abord les colonies françaises d'Afrique, puis les communautés françaises d'Afrique et enfin la « communauté financière africaine ».

Mais, au delà des acronymes, cela indique en réalité une persistance d'une politique monétaire néocoloniale, avec l'obligation pour ces pays de déposer 50 % de leurs réserves de change au Trésor français et une fixation sur le franc puis l'euro, qui sont des devises trop fortes au vu des faibles capacités productives des économies africaines. Cette économie a ainsi été artificiellement surévaluée. Cette surévaluation a pénalisé les exportations, miné la compétitivité et découragé la production locale.

Quelle est la situation actuellement ? Passer du franc CFA à l'eco constitue-t-il une transformation aussi radicale que nous le prétendons ?

Il s'agit d'une timide avancée. Auparavant, 50 % a minima des réserves de change des pays membres de la zone franc CFA devaient être placées auprès du Trésor français. Désormais, ces pays peuvent placer leurs devises là où ils le souhaitent. Évidemment, cela constitue un progrès. Toutefois, je souhaite fortement nuancer cette appréciation pour plusieurs raisons. D'une part, la manière dont le chef de l'État a communiqué sur ce sujet montre encore un rapport pour le moins bizarre entre la France et les pays d'Afrique francophone. D'autre part, l'eco conservera une parité fixe avec l'euro. Cette décision réitérera un des principaux problèmes du franc CFA. Le fait que l'eco soit surévalué et piloté par la BCE pénalisera encore les exportations et la compétitivité des économies africaines. Ne pas pouvoir dévaluer ou réévaluer sa monnaie revient à ne conserver que le coût du travail et les politiques de baisse des dépenses publiques comme variables d'ajustement lors des crises économiques conjoncturelles.

Pour toutes ces raisons, je me demande si ce changement de nom ne signifie pas tout simplement que nous transférons, au niveau de l'Union européenne, les mêmes inconvénients et la même logique néocoloniale que recouvrait le franc CFA.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.