Intervention de Nicolas Dupont-Aignan

Séance en hémicycle du samedi 21 mars 2020 à 9h30
Urgence face à l'épidémie de covid-19 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Dupont-Aignan :

Monsieur le Premier ministre, vous nous demandez de voter cette loi pour vous confier des pouvoirs exceptionnels. La crise impose en effet de donner à votre gouvernement les moyens d'agir vite et fort. Cette séance, et c'est l'honneur de notre démocratie, est importante pour dire les choses franchement, avec pour seul objectif de bâtir la meilleure politique possible pour sauver le maximum de vies.

Des pouvoirs exceptionnels, oui, mais pour quoi faire ? Telle est la question que se posent bon nombre de Français. Depuis des semaines, les professionnels de santé sont au front et vous alertent quant au fossé qui existe entre les paroles et les actes. Pire, ils s'interrogent de plus en plus publiquement sur la cohérence de votre politique. Le spécialiste santé d'un grand journal du soir qui vous est habituellement favorable résume tout en écrivant : « Au fond, tout se passe comme si les autorités politiques avaient accepté l'idée d'une dissémination généralisée et homogène du virus sur l'ensemble du territoire. Rien n'est plus dangereux. » Il ajoute, en conclusion de son article : « Plutôt que d'appliquer rigoureusement les règles essentielles de la santé publique sur la base d'arguments épidémiologiques aujourd'hui bien connus, on masque de graves insuffisances matérielles, logistiques, par de soi-disant arguments médico-scientifiques à géométrie variable. La mascarade continue. » Tout est malheureusement dit. Les Français découvrent avec effroi, en comptant leurs morts, la faillite de l'État qui, entre 2011 et 2015 – ce n'était pas vous – a dilapidé son stock de masques, les déclarations contradictoires des ministres et la désorganisation des services. Soyons lucides : la première bataille a été perdue. Ne nous résignons pas, bien sûr, pour autant. Tâchons simplement d'en comprendre les causes. Sachez vous remettre en cause pour changer de stratégie et d'organisation, et gagner ensemble cette guerre.

Je voterai bien sûr cette loi d'urgence sanitaire, mais je vous supplie de changer de doctrine, de rythme, d'organisation et de discours, car c'est le seul moyen de rassurer nos compatriotes, de restaurer la confiance et de gagner la guerre.

Il faut d'abord changer de doctrine en généralisant les tests pour pouvoir isoler les personnes contaminées qui ne savent pas qu'elles le sont. L'exemple de la Corée du Sud, la recommandation de l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, et les appels de tous les spécialistes doivent vous conduire à changer de rythme, à multiplier les possibilités de tests, notamment pour les professions exposées et dans les régions aujourd'hui les moins touchées.

Vous devez aussi changer d'organisation et de discours sur les masques, car plus personne n'y comprend rien. Comment gagner une guerre quand les soldats n'ont ni casques ni munitions ? Les professionnels de santé reçoivent au compte-gouttes des masques qui ne sont pas les bons. Pourquoi n'avez-vous pas utilisé ou n'utilisez-vous pas aujourd'hui l'armée pour distribuer ces fameux masques ? Les policiers, qui sont chargés de faire respecter le confinement, ont reçu des instructions leur enjoignant d'enlever leurs masques quand ils en avaient.

Depuis la première réunion tenue à Matignon, je vous alerte quant à l'urgence d'une production de masse. Le ministre de la santé a répondu hier que la France produisait 8 millions de masques par semaine et le directeur général de la santé donnait hier soir le chiffre de 6 millions, mais combien produit-on de masques FFP2 pour la protection des soignants ? De surcroît, si l'on compte 2 millions de personnels soignants et de professionnels exposés – notamment les pompiers, gendarmes et conducteurs de bus – , à raison de quatre masques par jour, cela impose la production de 8 millions de masques par jour, et non par semaine. De nombreuses usines textiles qui pourraient être reconverties sont à l'arrêt. Quels sont les moyens que vous allez mettre à disposition pour multiplier par dix la production de masques, sans laquelle le confinement n'aura pas l'efficacité nécessaire ?

Votre gouvernement doit cesser de dire que les masques ne servent à rien. Aucune autorité scientifique et médicale ne soutient une telle contrevérité. Certains pays asiatiques ont pu juguler l'épidémie, ou du moins la freiner – je pense à Taïwan, Singapour et Hong Kong – , en utilisant massivement les masques. Le 24 janvier, d'ailleurs, le DGS, le directeur général de la santé, faisait la même promotion des masques, après avoir changé d'avis. Sans distribution massive de masques, je le répète, le confinement et ses sacrifices n'auront pas les effets désirés.

Enfin, il faut absolument faire respecter le confinement. Attention, cependant, à ne pas faire deux poids, deux mesures. Attention à éviter la surenchère contre les honnêtes citoyens qui, partout en France, le respectent et se sacrifient pour le bien commun, quand on laisse, dans certains quartiers, la racaille et les voyous dissuader la police d'agir.

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