Intervention de David Lorion

Séance en hémicycle du jeudi 9 novembre 2017 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavid Lorion :

Madame la ministre, vous êtes une enfant des outre-mer : vous avez sûrement bataillé dur pour ce budget, mais, à l'évidence, vous êtes loin d'avoir gagné toutes les batailles. Vous nous avez fait également des fausses joies en nous annonçant une augmentation du budget. Si cela a été agréable à entendre, ce n'est toutefois pas la réalité, car le fait de défalquer du montant du budget de 2017 des sommes investies par le ministère de l'éducation ne fait qu'artificiellement augmenter le budget pour 2018 !

Dans votre budget, ce sont les entreprises qui sont les plus épargnées, puisque vous avez programmé les dépenses supplémentaires que vont générer l'augmentation des exonérations de charges et du CICE liée à l'embellie économique de 2017 et 2018. Or on est là dans une augmentation mécanique des crédits de paiement : rien de plus.

Madame la ministre, c'est sur le second volet de votre budget que je serai certainement le plus critique. C'est celui qui a pour vocation d'améliorer les conditions de vie et de formation des Ultramarins : or il ne représente plus que 35,5 % du budget total de la mission et ses crédits sont en nette diminution de 6,7 %.

En septembre – vous vous en souvenez – , dans nos rues, les banderoles et le défilé des artisans comme des entreprises du BTP vous demandaient un effort budgétaire. Quelle est la réponse de votre ministère ? Une baisse du budget du logement de plus de 8 %. Au-delà des entreprises, ce sont les familles qui seront concernées, car les dépenses d'intervention sont presque divisées par cinq. Pour l'accession à la propriété, le budget est presque divisé par trois. Pour l'amélioration de l'habitat privé, il est divisé par sept ! Non seulement, il ne permet plus aux collectivités de tenir leurs engagements dans les opérations d'aménagement, mais le rêve de nombreuses familles qui espéraient accéder à un logement privé s'effondre. Cette situation est inacceptable et incompréhensible.

Sans doute nous parlerez-vous de l'ANAH : de belles promesses, pour l'instant sans budget ni négociations. Vous nous direz aussi que la baisse des crédits de la ligne budgétaire unique sera compensée notamment par le fruit de la vente des sociétés immobilières : or nous ne connaissons ni son montant ni le temps qu'elle mettra à se réaliser. Tout cela, loin de nous rassurer, est plutôt de nature à nous inquiéter, car tous ces financements ne sont pas pérennes.

Madame la ministre, après la déception des familles pour leur logement, ce sont les jeunes qui se posent des questions et qui nous regardent. Il y a une bonne nouvelle : vous avez augmenté le budget du SMA. C'est une preuve du soutien à cette structure militaire qui a rayonné dans l'outre-mer et qui donne un horizon nouveau à plus de 6 000 jeunes qui se cherchent un avenir. Mais pourquoi, dans le même temps, gâcher ce bel élan en baissant les crédits de LADOM, qui s'occupe de la mission complémentaire qu'est l'ouverture sur le monde des jeunes d'outre-mer ? Dans un contexte aussi difficile d'éloignement pour la formation, le choix de diminuer les crédits de LADOM est incompréhensible.

Les députés ne peuvent pas non plus comprendre sans explication valable la disparition du fonds vert dans le Pacifique, celle de la Cité des outre-mer, chère à notre collègue Pau-Langevin et aux autres ministres qui l'ont accompagnée, ou l'abandon des équipements sportifs au profit des Jeux olympiques de Paris.

Claire Guion-Firmin et moi-même sommes très inquiets du retard sur les aides apportées à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy. Quelles sont les mesures budgétaires que vous comptez prendre ? Mansour Kamardine juge, comme moi, très préoccupante la situation de Mayotte qui devrait nécessiter de la part de l'État une réaction bien plus forte pour que celui-ci n'ait pas à rougir de son cent unième département. Quant aux emplois aidés, leur disparition mettra naturellement le feu aux poudres dans les outre-mer s'ils ne sont pas remplacés rapidement par un autre dispositif.

Sans doute répondrez-vous que ces problèmes seront évoqués lors des Assises de l'outre-mer, que tous les sujets y seront abordés, du prix du riz jusqu'au statut des départements d'outre-mer. Le champ est vaste. Nous entendrons de belles promesses. Je tiens cependant à vous rappeler que des élus des territoires d'outre-mer – par exemple Serge Letchimy et Ericka Bareigts, ici présents – ont travaillé, réfléchi et rédigé des propositions de loi, que ces élus représentent la population et échangent avec le monde économique. Or je ne vois toujours pas quelle est la place des députés dans les Assises de l'outre-mer.

Madame la ministre, votre budget nous inquiète vraiment, car il n'est à la hauteur ni de nos attentes ni des espoirs des familles, des jeunes et des entreprises. Nous n'y voyons pas le moindre début de l'écriture d'une politique ambitieuse pour la France des outre-mer, qui réponde, en même temps, à une demande sociale de justice et d'équité par rapport à la Nation et fixe de nouveaux horizons pour une France plus océanique, plus riche de sa biodiversité et plus ouverte sur le monde et sur ses territoires ultramarins.

Madame la ministre, en dépit du plaisir que nous avons à vous rencontrer, nous ne vous accompagnerons pas sur ce budget de la mission « Outre-mer », parce que nous le jugeons très décevant.

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