Intervention de Edouard Philippe

Réunion du mercredi 1er avril 2020 à 18h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Edouard Philippe, Premier ministre :

S'agissant, monsieur le président Abad, du nombre de tests réalisés en Allemagne, je suis prudent car je ne sais pas comment ils construisent ce chiffre de 500 000 tests par semaine. Correspond-il à une ambition, à un objectif ou à une réalité ? Je fais preuve de la même prudence lorsque l'on compare nos chiffres avec ceux d'autres pays.

Un exemple : nous avons, s'agissant des décès à l'hôpital, choisi de vérifier qu'ils étaient bien dus au Covid-19. J'ignore si une telle vérification est effectuée partout ailleurs en Europe, ce qui, sans mettre personne en cause, a par définition une influence sur lesdits chiffres, dont l'interprétation requiert une extrême prudence.

Nous avons par ailleurs décidé d'augmenter le nombre de tests réalisés. La semaine dernière, nous effectuions aux alentours de 5 000 tests par jour : à la fin de cette semaine nous en effectuerons 20 000 par jour. Nous montons donc rapidement en puissance. Le ministre des solidarités et de la santé aura l'occasion de vous communiquer des éléments relatifs à notre stratégie en la matière.

Pour ce qui concerne les cliniques privées, la situation est différente dans les régions où l'ensemble du système hospitalier, public et privé, est à saturation et celles où il ne l'est pas encore. Il en va différemment dans le Grand Est et en Nouvelle-Aquitaine, pour la simple raison que, dans le Grand Est, où les capacités sont saturées, l'ensemble des cliniques privées est associé à l'effort. Si des lits restent disponibles dans certaines cliniques, c'est que tous les malades ne souffrent pas du Covid-19 et qu'il faut conserver des lits disponibles pour les accueillir, y compris dans les régions sous tension. En outre, la déprogrammation des interventions non urgentes dans les hôpitaux publics et privés a permis de libérer des capacités, qui nous permettent de procéder à des transferts de malades ou de soignants entre régions.

Monsieur Mignola, il n'appartient évidemment pas au Premier ministre de dire ce que les collectivités territoriales ou les mairies doivent faire ; ce serait contraire à tous les principes auxquels je suis attaché en matière de décentralisation. Il est vrai, cela étant, que, comme toujours quand il s'agit de la vie quotidienne de nos concitoyens, les mairies sont en première ligne, et il faut saluer l'incroyable inventivité et l'engagement des maires, des équipes municipales et de l'ensemble des fonctionnaires territoriaux, qui ont fait preuve d'initiatives et d'une solidarité remarquables.

J'évoquais tout à l'heure la manière dont les enseignants, fonctionnaires d'État, se sont engagés volontairement pour accompagner les enfants de soignants, afin de permettre à ces derniers d'être tout entiers à leur tâche : c'est une mission pour laquelle ils ont reçu l'aide des communes, qui ont notamment mis à disposition de l'éducation nationale des établissements adaptés, comme des centres de vacances, tout comme elles ont développé des initiatives admirables sur le plan sanitaire et social, pour accompagner les personnes âgées. Nous les en remercions et devons évidemment travailler avec elles, ce qui incombe en particulier aux préfets.

Monsieur Habib, lorsque nous avons commencé à saisir, vers le milieu ou la fin du mois de janvier, qu'il se passait en Chine quelque chose dont il était difficile de savoir très exactement de quoi il s'agissait, nous avons examiné quelles étaient nos capacités d'approvisionnement en masques, et nous avons constaté que, parce que la Chine équipait sa population et parce qu'elle avait fermé ses usines, ces capacités avaient considérablement diminué. On estime ainsi – mais j'insiste sur le fait que ce ne sont que des estimations – que la production quotidienne de masques en Chine était, au cours de la deuxième quinzaine de janvier, de l'ordre de 20 millions d'unités par jour ; aujourd'hui, alors que le déconfinement s'est engagé là-bas depuis une quinzaine de jours, cette production serait de l'ordre de 300 millions d'unités par jour.

Autrement dit, passer commande de masques en Chine a constitué dès ce moment un problème aussi bien pour nous que pour les autres pays qui s'y approvisionnaient. C'est la raison pour laquelle nous avons très tôt décidé d'augmenter notre production nationale, contrairement à d'autres pays européens qui n'ont pas la chance d'avoir ce type de fabricants sur leur territoire. Nous avons donc passé commande, le 30 janvier et les 23, 25 et 26 février, de plusieurs millions de masques, ce qui nous a permis de compléter le stock déjà existant, que j'ai évalué à 117 millions de masques chirurgicaux et 40 millions de masques pédiatriques.

Enfin, monsieur Lagarde, nous ne sommes pas les seuls à avoir mis en place un confinement progressif. Nos amis italiens ont commencé par des mesures de confinement régionales, qu'ils ont ensuite étendues à l'échelle nationale quand ils ont compris que les échanges de population favorisaient la propagation du virus dans des régions qui jusqu'alors n'étaient pas encore atteintes. Puis ils les ont durcies quand ils ont estimé que les effets du confinement tel qu'il avait été décrété n'étaient pas suffisants. Nous avons, pour notre part, opté d'emblée pour un confinement national englobant des régions où le virus circulait encore assez peu – je pense notamment aux outre-mer car cela y était essentiel compte tenu de la fragilité sanitaire de ces territoires.

En ce qui concerne la durée globale de confinement, si nous avions d'emblée décidé d'un confinement s'étalant sur une longue période mais assorti de rendez-vous intermédiaires permettant de faire des points de situation, d'autres que vous nous auraient critiqués. J'ai, d'ailleurs, tendance à penser que, quelle que soit la décision que nous aurions prise, elle nous aurait été, de toute façon, reprochée, soit par les uns, soit par les autres.

L'important, quels que soit la préférence ou le pari fait par chacun en la matière, c'est que notre objectif soit de ne maintenir le confinement qu'aussi longtemps que cela sera nécessaire sur le plan sanitaire, car nous sommes conscients que les incidences individuelles et collectives en sont considérables. J'insiste aussi sur le fait que nous souhaitons pouvoir présenter le plus rapidement possible une stratégie de déconfinement, qui intégrera le maximum d'informations – nous nous attachons actuellement à les obtenir – sur la prévalence et la circulation du virus dans les populations qui ont déjà été atteintes, sur la qualité des tests virologiques et sérologiques qui sont en production, et sur la manière dont ils nous permettront de mettre en oeuvre les décisions que nous allons prendre.

Vous m'avez également interrogé sur l'association des centres vétérinaires départementaux au processus de dépistage. En matière d'analyses sérologiques et virologiques, les normes imposées aux laboratoires sont très strictes. Nous réfléchissons donc à modifier les normes réglementaires pour pouvoir nous appuyer sur les capacités offertes par les centres vétérinaires. Il faut aller vite si nous voulons que les capacités d'analyse dont nous disposons aujourd'hui – de l'ordre de 20 000 par jour, soit déjà beaucoup plus que ce qui prévalait jusqu'à présent – puissent encore monter en puissance.

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