Intervention de Annick Girardin

Réunion du mardi 14 avril 2020 à 17h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Annick Girardin, ministre des outre-mer :

Monsieur Barrot, vous soulignez que La Réunion doit lutter à la fois contre l'épidémie de dengue et contre celle de Covid-19, et souhaitez savoir quels moyens sont accordés aux collectivités, notamment dans le cadre du parcours emploi compétences (PEC), c'est-à-dire des emplois aidés. La question m'a également été posée par plusieurs parlementaires, lors des tours téléphoniques effectués ces trois dernières semaines.

J'ai donc vérifié, et j'ai eu la déception de constater, alors que nous avons besoin d'hommes et de femmes sur le terrain pour lutter contre la dengue notamment, que seuls 12 % des crédits affectés à ces dispositifs ont été consommés en outre-mer. Je vous rappelle que l'enveloppe octroyée aux départements et régions d'outre-mer en 2020 permet de financer 18 085 PEC ; cela représente 22 % de l'enveloppe au niveau national, qui permet le financement de 83 000 PEC. Cette répartition se justifie largement, compte tenu de toutes difficultés sociales que vous avez évoquées. Ainsi, seulement 2 226 contrats ont été signés dans les territoires d'outre-mer, alors que nous avons besoin d'un accompagnement sur le territoire, dans la lutte contre la dengue, et en faveur des personnes âgées, isolées, des plus fragiles.

J'en viens à l'île de Saint-Martin, qui est bien évidemment un objet de préoccupation pour nous. Comme l'île de Saint-Barthélemy, elle rencontre des difficultés pour se reconstruire, après le passage de l'ouragan Irma. Vous en connaissez les causes : la situation et les ressources de la collectivité ainsi que les questions d'ingénierie. Néanmoins, nous pouvons dire que nous sommes au rendez-vous, concernant le nombre de lits nécessaires à Saint-Martin, et l'envoi du matériel nécessaire. Je ne pourrai communiquer les chiffres à la députée de ce territoire que plus tard, car les documents dont je dispose actuellement, transmis par le ministère des solidarités et la santé, ne donnent que les chiffres pour l'ensemble de l'ARS de la Guadeloupe sans préciser ceux pour Saint-Martin et Saint Barthélemy.

Oui, une unité de tests sera envoyée à Saint-Martin, comme d'ailleurs aux autres territoires qui ne disposent actuellement d'aucune machine pour réaliser des tests, les îles Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Actuellement, les tests pour les habitants de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy sont envoyés en Guadeloupe. On peut estimer que c'est du temps perdu. Il est prévu d'aller plus vite, notamment lors du déconfinement, où des équipements seront nécessaires. La proximité des îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy laisse penser que l'on pourrait instaurer une force de frappe commune, si besoin.

Effectivement, en Guyane et à Mayotte, comme dans d'autres territoires ultramarins, voire dans certains quartiers ou régions de l'Hexagone, la question de la faim se pose aujourd'hui. Le confinement y rend impossible le travail informel, empêchant la circulation de l'argent. Aussi certains n'ont-ils pas de quoi acheter à manger.

C'est pourquoi les aides alimentaires seront plus importantes en Guyane et à Mayotte que dans d'autres territoires ultramarins. Mayotte bénéficiera de 1,3 million d'euros de bons alimentaires distribués par la Croix-Rouge française, la Guyane de 1,2 million, en supplément de la réadaptation de la PARS, qui cible les enfants dont le seul repas était celui pris en milieu scolaire. Il fallait réagir de manière très rapide à cette difficulté. Enfin, une aide alimentaire supplémentaire est prévue pour les territoires les plus défavorisés.

Cette crise sanitaire et économique laisse craindre une crise de l'ordre public dans certains territoires. De nombreuses agressions ont visé les forces de l'ordre à Mayotte ; quelques tensions sont aussi apparues en Guyane. Monsieur Vallaud, je surveille ces questions de très près, et n'hésiterai pas à prendre des mesures supplémentaires. La précarité, déjà trop grande avant l'épidémie, avait conduit à une grave crise en 2017 en Guyane. Nous devons être à la hauteur du plan Guyane, dont l'application se poursuit, même si c'est à un rythme qui n'est jamais suffisamment rapide pour un territoire dont le retard sur la métropole est important.

Rattraper ce retard est aussi l'objectif des contrats de convergence et de transformation comme de toutes les mesures prises dans le cadre des assises des outre-mer et du Livre bleu des outre-mer. La remise à niveau de tous les services dans tous les territoires d'outre-mer est en cours ; malheureusement, l'épidémie nous frappe alors que cette tâche n'est pas achevée.

Concernant la Polynésie, je voudrais rappeler aux parlementaires élus dans ce territoire que le gouvernement polynésien dispose de prérogatives en matière économique, sanitaire et de transport – je pense notamment à la compagnie Air Tahiti Nui. Il a pris la décision de mettre fin aux liaisons aériennes entre les îles afin d'éviter que le virus ne s'y diffuse. Nous avons malgré tout garanti, comme c'est normal, les évacuations sanitaires.

Comme les liaisons avec la métropole assurées par Air Tahiti Nuit ont été interrompues, l'État a décidé de prendre en charge l'instauration d'un pont aérien avec la Polynésie, afin de permettre le ravitaillement alimentaire et sanitaire, qui est prioritaire. Les décisions en la matière sont prises par la cellule transport, mais aussi par le service du ministère des solidarités et de la santé chargé de répartir les commandes entre les territoires.

Par ailleurs, 320 personnes résidant en Polynésie sont aujourd'hui bloquées à Paris. La décision, sur ce point aussi, appartient à Air Tahiti Nui, qui a cessé d'assurer la liaison avec la métropole. La Polynésie ne disposerait pas des capacités d'accueil pour la quatorzaine, si bien que le gouvernement polynésien ne souhaite pas permettre le retour de ces personnes en attente à Paris. Nous nous sommes assurés auprès de la Maison de la Polynésie à Paris, avec qui nous sommes en lien direct, qu'aucun d'entre eux n'était en situation de détresse ou d'errance. Plus généralement, le délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'outre-mer a eu mission de vérifier qu'aucun des ultramarins bloqués à Paris, notamment les étudiants, ne se trouvait dans ces situations.

Je souhaite qu'avec le président Édouard Fritch, nous puissions permettre le retour des Polynésiens le plus rapidement possible ; dès le prochain vol vers la Polynésie – il y en a un tous les dix jours.

Par ailleurs, l'envoi du matériel attendu – notamment celui nécessaire aux tests – par voie aérienne a été validé. Le prochain vol, qui a lieu dans quelques jours, permettra, je pense, de livrer des tests de dépistage et des masques pour la Polynésie. C'est désormais une question de logistique.

La quasi-totalité des aides économiques prévues a été versée, pour les territoires du Pacifique – la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie –, en réponse aux souhaits qui avaient été formulés. Nous accompagnerons les gouvernements de ces deux territoires dans leurs besoins de trésorerie.

Concernant les violences intrafamiliales, tous les dispositifs nationaux, notamment les numéros d'appel, comme le 39 19, le 119 pour les mineurs, ou le 17 et le 112 en cas d'urgence, valent aussi pour les territoires ultramarins. Il est possible d'envoyer des SMS au 114 à partir des départements et régions d'outre-mer ; la plateforme arretonslesviolences.gouv.fr est accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept.

Dans certains territoires ultramarins, comme en métropole, des lieux d'écoute, d'accompagnement, ont été créés dans les pharmacies, les centres commerciaux et les commerces d'alimentation. Par exemple, en Guyane, le Carrefour Matoury et l'Hyper U de Cayenne disposent aujourd'hui de points d'écoute. Ce type de dispositif doit être installé dans l'ensemble des territoires ultramarins, notamment dans les pharmacies, dont les responsables peuvent alerter le 17.

Les violences intrafamiliales sont plus nombreuses dans les territoires ultramarins que dans l'Hexagone : nous suivons ce sujet de près avec Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

J'en viens à l'impact de la crise épidémique sur les finances locales des départements et régions d'outre-mer. Les communes d'outre-mer connaissent déjà d'importantes difficultés budgétaires et font subir de nombreux impayés aux entreprises locales. Au-delà des aides liées à la crise, les entreprises ultramarines demandent avant tout aux collectivités – hôpitaux, État – de respecter les délais de paiement. Or, dans certains territoires, les retards dépassent 300 jours. Si nous voulons que les entreprises survivent, les collectivités doivent faire ce geste. En contrepartie du versement anticipé de leurs dotations qui est envisagé, je leur demanderai d'honorer leurs paiements aux entreprises.

Les produits de l'octroi de mer et de la taxe sur les carburants sont garantis par les régions aux communes pour l'année. En la matière, la réflexion doit donc viser le moyen terme : comment les régions y feront-elles face, dès lors qu'elles ne percevront pas les recettes correspondantes ? Nous devrons réfléchir avec elles à des avances de trésorerie, au cas par cas, ou à d'autres modalités de soutien. D'ailleurs, certains territoires comme Saint-Martin, la Guyane et Mayotte ont déjà signé des plans d'accompagnement avec l'État.

Le ministère du travail s'est saisi du chômage partiel en outre-mer et de l'éventuelle création d'une structure intermédiaire. Les annonces qu'a faites ce matin Bruno Le Maire devraient rassurer la grande majorité des entreprises ultramarines. Je tiens d'ailleurs à remercier toutes les collectivités qui participent au financement de la solidarité et des aides destinées aux entreprises.

Une précision pour finir : lorsque j'ai affirmé que tous les soignants avaient certainement des masques, je parlais des soignants en milieu hospitalier. Je vérifierai ce qu'il en est pour les autres soignants – la question s'est notamment posée il y a quelques jours s'agissant des kinésithérapeutes à La Réunion.

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