Intervention de Jean-François Delfraissy

Réunion du mercredi 15 avril 2020 à 17h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Jean-François Delfraissy :

La santé mentale fait partie des sujets en relation avec la comorbidité liée au confinement. Nous en sommes tous d'accord, le confinement n'est pas quelque chose de naturel, a fortiori lorsqu'il dure et qu'il est prolongé. Il entraîne un certain nombre de comorbidités, sur lesquelles nous ne nous sommes pas encore assez penchés. Lorsque nous dresserons le bilan global de cette crise sanitaire, il faudra certainement ajouter aux décès liés au Covid-19 les surmortalités liées à ses conséquences indirectes. Nous l'avons signalé à plusieurs reprises dans nos avis, mais nous le constaterons à mesure que le confinement se poursuit. Même dans l'hypothèse d'un déconfinement, on peut ainsi anticiper une hausse du nombre des fractures du col du fémur chez les personnes âgées, qui auront été peu mobilisées durant toute cette période. Ne demeurons pas obnubilés par le Covid-19 – je vous l'accorde, ce n'est pas facile – et pensons à la santé globale des Français.

S'agissant de la santé mentale, vous avez tout à fait raison. Le confinement peut entraîner des conséquences psychiques, par exemple dans le cadre intrafamilial, avec le risque de sévices sur les enfants, en particulier dans les familles défavorisées confinées dans des espaces réduits. Nous devons tous être conscients que cette crise va accentuer les inégalités sanitaires dans notre pays ; l'un des objectifs de notre modèle est précisément de les amortir.

Il faut également s'intéresser à ce qui se passe dans les hôpitaux psychiatriques. Existe-t-il une réelle prise en charge dans ces lieux de confinement ? Un numéro vert a été créé pour permettre à différents professionnels d'apporter un appui et des réponses globales.

Depuis le début de la crise, nous insistons sur ces situations particulières, ces signaux d'alerte et la situation des populations les plus précaires, d'abord pour elles-mêmes, il y va de notre dignité, mais aussi pour nous-mêmes : si nous laissons s'installer des comorbidités ou des affections particulièrement agressives chez des populations précaires, c'est l'ensemble de la population qui en subira les conséquences. Cette problématique doit donc constituer une priorité.

J'en viens aux EHPAD et aux malades en fin de vie. Les EHPAD sont à l'évidence un sujet complexe, sur lequel nous avons rendu un avis. Au risque de décevoir certains, je rappelle que le rôle du Conseil scientifique ne consiste pas à entrer dans le détail des mesures à prendre. Il n'en a pas la capacité. Nous sommes douze scientifiques ; une jeune stagiaire de Sciences Po et deux secrétaires et deux assistantes du Comité consultatif national d'éthique nous accompagnent dans cette aventure. Nous ne demandons pas davantage de moyens : c'est avant tout la réflexion collective d'intellectuels qui est nécessaire. Comprenez donc que nous ne pouvons pas entrer dans le détail – c'est la raison pour laquelle une structure opérationnelle se met aujourd'hui en place. Notre rôle est de donner les grandes directions et d'appeler l'attention sur un certain nombre de signaux d'alerte.

C'est ce que nous avons fait à propos des EHPAD, en insistant sur plusieurs points. Tout d'abord, il faut prendre conscience des enjeux. Vous le savez mieux que nous, 95 % des EHPAD n'ont pas d'oxygène ; dans l'immense majorité d'entre eux, il n'est pas possible de perfuser par voie intraveineuse, mais seulement par voie sous-cutanée. Bref, les soins les plus courants sont déjà difficiles à apporter hors temps de crise. Que dire alors de l'infection au Covid-19, qui prend d'ailleurs souvent des formes atypiques chez les personnes âgées ?

Nous avons recommandé de séparer les résidents infectés de ceux qui ne le sont pas, par exemple en les hébergeant à des étages différents lorsque cela est possible ; de trouver pour les premiers des unités qui ne soient ni en EHPAD, ni à l'hôpital – par exemple dans les soins de suite et de réadaptation (SSR). Nous en avons de très bons exemples dans certaines régions. Il faut également profiter de cette période où les tests de diagnostic arrivent pour tester en priorité les résidents et le personnel des EHPAD, et cela pour une double raison : il s'agit d'une population cible, qui vit en confinement ; cela constitue en même temps un exercice d'utilisation de tests en grande quantité dans la perspective du déconfinement. Cela se fait aujourd'hui dans un certain nombre d'EHPAD, dans des modalités qui peuvent différer selon les régions. Même si je pense que la réponse devra être apportée à l'échelle des régions, départements et communes, il faudra – sans vouloir être trop régalien – une vision d'ensemble de la réponse qui peut être apportée. De ce point de vue, les EHPAD me semblent offrir un bon modèle.

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