Intervention de Jean-François Delfraissy

Réunion du mercredi 15 avril 2020 à 17h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Jean-François Delfraissy :

Il est exact que si, dans l'Oise, la situation est restée relativement maîtrisée, c'est à Mulhouse que le basculement a vraiment eu lieu, après le rassemblement évangélique ; une publication récente le démontre. Sans cet événement, serions-nous pour autant dans la même situation que l'Allemagne ? Rappelons que ce pays utilise aussi les tests PCR beaucoup plus largement que nous, ce dont nous devons tirer les leçons. Cela dit, on y pratique environ 70 000 à 80 000 par jour, dans un cadre différent, avec une population supérieure et une partie orientale du pays moins urbanisée que ne l'est la France. Ce nombre est proche des 100 000 évoqués pour notre pays, mais qui n'est pas un dogme : s'il en faut plus, nous en aurons plus ; mais nous n'en aurons assurément pas 62 millions le 15 mai.

Quant à la question de savoir si les marchés parient sur telle ou telle molécule, je serai cinglant : ayant consacré ma vie à la recherche thérapeutique et n'entretenant aucun lien avec l'industrie pharmaceutique depuis que j'ai dirigé l'ANRS, l'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales, puis présidé le Comité consultatif national d'éthique, j'estime que la recherche ne se fait pas sur les marchés – heureusement, car ils se sont trompés à propos de plusieurs médicaments –, mais se fonde sur les résultats d'essais cliniques rigoureux. La France a monté un réseau de recherche clinique de qualité ; la crise ne doit pas modifier cette organisation de nature scientifique.

C'est une très bonne question que celle relative au lien entre épidémie et environnement. J'ai été frappé par le fait qu'en Guinée, les zones les plus déforestées ont aussi été les plus touchées par Ebola, à cause de l'évolution des interactions entre l'homme et les animaux. Mais le Covid-19 est surtout une maladie des grandes zones urbaines – dans le Cantal, on ne déplore que cinquante cas et un seul décès. L'explication la plus simple, c'est qu'il y a plus de monde dans les grandes villes, comme New York ou Londres, et que les contacts y sont donc plus concentrés. Néanmoins les choses sont peut-être plus complexes : la transmission aérienne du virus, notamment, soulève encore des interrogations. De plus, il existe des zones urbaines épargnées par la transmission, comme au Cambodge, qui ne connaît pas l'explosion attendue, alors que le système de santé publique y est relativement faible, ou dans les grandes métropoles du Vietnam, Saigon et Hanoi, assez peu touchées, peut-être aussi du fait du recours au tracking. L'humidité ou la température jouent-ils ? En tout cas, le Conseil scientifique s'intéresse à ces questions et aimerait s'adjoindre rapidement l'expertise de spécialistes de l'environnement et de géographes, j'en parlais ce matin avec le directeur général du CNRS. Le virus est trop complexe, en effet, pour être abordé sous le seul angle sanitaire.

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