Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mercredi 4 mars 2020 à 9h20
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Au nom du groupe La France insoumise, je tiens à remercier le rapporteur pour cette excellente proposition de loi portant sur le droit au logement.

J'entendais un orateur de la majorité dire : « Le droit au logement, c'est nous ! ». C'est une curieuse revendication parce que, le moins que l'on puisse dire, c'est que, de manière scandaleuse, indécente et surtout dramatique, ce droit est bafoué tous les jours dans ce pays.

La loi du 5 mars 2007 est censée avoir officiellement institué en France un droit au logement opposable, le droit à un logement décent et indépendant garanti par l'État à toute personne qui n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir. Quiconque connaît la situation sur le terrain sait, malheureusement, que cette loi est lettre morte et ne donne, en réalité, quasiment aucune sécurité aux personnes pouvant bénéficier du droit au logement opposable (DALO). Dix ans après son adoption, cette loi lettre morte fait que, chaque année, la fondation Abbé Pierre dresse un état absolument réaliste, et donc désastreux, de la situation du logement en France, ou plutôt du mal-logement, au point que ces cartons rouges se sont accumulés année après année, quels que soient les gouvernements.

Pourtant le logement est un droit fondamental, pour ne pas dire un droit vital. Il est incompréhensible que, dans un pays aussi riche que la France, des personnes meurent chaque année d'en être privées. Tout cela vient profondément d'une financiarisation, d'une loi du marché qui s'est appliquée de plus en plus fortement au logement au point que, depuis 2000, celui-ci a augmenté cinq fois plus que le revenu des ménages. Le président Mélenchon l'a expliqué tout à l'heure. C'est encore plus vrai dans les grandes agglomérations : à Paris, l'augmentation a été de 350 % et, dans les agglomérations de plus 10 000 habitants, de plus de 220 %. La pression dans les centres-villes devient insupportable. Cette pression n'a d'ailleurs pas seulement pour corollaire d'empêcher des gens de se loger à un prix correct, elle se traduit également par l'étalement urbain, véritable catastrophe écologique et sociale, contraignant les uns et les autres à se loger de plus en plus loin de leur lieu de travail.

Cela a été dit, les expulsions sans relogement sont légion. Elles étaient 16 000 en 2018, et l'on meurt dans ce pays de ne pas être logé : 689 personnes sont mortes l'an dernier d'avoir été privées d'un logement. Cet état d'urgence devrait tous nous alarmer – et c'est peu dire !

Quant aux logements sociaux, deux millions de familles restent inscrites sur les listes d'attente. Le nombre de personnes sans domicile fixe ou décent continue de croître, conduisant à des accidents ou à des effondrements. Nous avons parlé de Marseille, je pourrais également parler du département dont je suis élu, la Seine-Saint-Denis et de la mort de plusieurs milliers de personnes.

Il faut revenir à un droit au logement opposable qui soit pratique, réel et non théorique. C'est à ce constat que répond cette proposition de loi. Elle permet de lutter contre les logiques de spéculation, de proposer des loyers enfin abordables, et de renforcer les obligations en matière de logements sociaux. Je suis d'accord avec Mme Sylvia Pinel, il faut construire des logements sociaux. Le logement social n'est pas seulement un ghetto de pauvres, c'est aussi et surtout une politique publique du logement qui permet d'agir, y compris sur les prix. De ce point de vue, les ventes de parcs de logements proposées par la loi ELAN pour compenser la baisse des APL pour les bailleurs sont véritablement une mauvaise idée.

Le droit au logement est opposable : donc pas d'expulsion, mais un fonds de garantie doit assurer aux propriétaires loueurs de ne pas être victime de cette situation ce qui permettrait de répondre au besoin.

C'est aussi une lutte contre le logement indigne. Je rappelle que ce dernier est de 4 % en Île-de-France et de 7 % en Seine-Saint-Denis. Nous sommes confrontés à des situations à la Zola et à la Dickens alors que ces logements sont parfois loués au prix du marché à des locataires qui ne trouvent pas de quoi les abriter dans le privé, pour des raisons que l'on sait, ni dans le public…

Pour toutes ces raisons, cette proposition de loi répond à un état d'urgence absolument évident.

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