Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 4 juin 2020 à 9h00
Plafonnement des frais bancaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Je commencerai par un chiffre, 6,5 milliards d'euros : c'est le montant astronomique des frais versés chaque année aux établissements bancaires, les fameux agios, bien connus de nos concitoyens. Certains d'entre eux paient jusqu'à 300 euros par an, souvent les ménages les plus fragiles, ajoutant de la précarité à la précarité.

À la suite du mouvement des gilets jaunes, les banques ont pris des engagements la main sur le coeur auprès du Président de la République. En complément du gel des tarifs bancaires en 2019, elles se sont engagés à limiter les frais bancaires pour les clients en situation de fragilité financière, en fixant deux plafonds : l'un, de 25 euros par mois, pour les frais d'incidents bancaires et de dysfonctionnement de compte des personnes en situation de fragilité financière, et l'autre, de 20 euros par mois et 200 euros par an, correspondant aux mêmes frais pour les personnes bénéficiant de l'offre spécifique à la clientèle fragile. S'y ajoutait l'objectif d'augmenter le nombre de bénéficiaires de cette offre de 30 % en 2019 par rapport à 2017.

Un an après, des associations de consommateurs ont constaté ce que nous pressentions : ces promesses n'ont pas été tenues et la majorité des clients n'ont bénéficié d'aucun plafonnement de frais, lesquels s'élèvent en moyenne à 296 euros par an.

Ces anomalies prennent une dimension supplémentaire dans la période actuelle où, à la crise sanitaire, succède une crise sociale de grande ampleur. À l'heure où le nombre de demandeurs d'emploi sans aucune activité s'est accru de 22,6 % en avril, le niveau de pauvreté risque d'augmenter fortement. Rappelons qu'il avait déjà crû de 0,6 % en 2018, alors que la situation économique était meilleure. Si la proposition de loi semblait déjà pertinente en mars, elle est aujourd'hui devenue indispensable.

Arrêtons de privilégier les engagements pris par les acteurs en lieu et place de la loi ! L'objectif est simple : mettre fin à la spirale infernale qui veut que la fragilité financière entraîne des frais, lesquels finissent par l'aggraver, entraînant de nouveaux frais. La création d'un plafond de 2 euros par incident ou irrégularité de fonctionnement d'un compte bancaire, dans la limite de 20 euros par mois et de 200 euros par an, me paraît donc aller dans le bon sens.

Par ailleurs, l'obligation faite aux banques d'informer l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution des frais prélevés, qui complète la proposition de loi, permettrait de vérifier l'effectivité du plafond.

De plus, l'exonération du paiement des frais afférents à une saisie administrative à tiers détenteur ou à une saisie-attribution prélevés par un établissement de crédit limiterait les conséquences financières que subissent les particuliers concernés, premières victimes d'une spirale infernale.

En définitive, la proposition de loi permettrait d'assurer la bonne application des promesses faites par les établissements bancaires, dans un contexte où la moitié d'entre eux ont prévu d'augmenter de 5 % les tarifs sur leurs services pour 2020.

La réglementation en vigueur impose aux établissements bancaires la transparence concernant les tarifs qu'ils pratiquent. Pourtant, ces derniers sont illisibles. Les banques s'étaient engagées à faciliter la lecture et la comparaison des offres bancaires en éditant un extrait standard des tarifs indiquant le prix de douze des principaux services bancaires ; or plusieurs d'entre elles proposent à la place un document d'information pour le moins fastidieux. Nous regrettons que le texte ne comporte pas d'obligation en la matière.

Nous soutenons la proposition, faite en commission par nos collègues socialistes, de transcrire dans la loi le dispositif de « name and shame » annoncé ici même le 21 février dernier par le ministre Bruno Le Maire à l'encontre des établissements ne respectant pas leurs engagements en matière d'encadrement des frais bancaires. Nous regardons aussi avec intérêt la proposition de loi récemment adoptée au Sénat ; certains de ses articles ont été transformés ici en amendements, dont nous aurons l'occasion de discuter tout à l'heure. En conclusion, le groupe Libertés et territoires votera majoritairement pour la proposition de loi.

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